Les 3 artistes femmes de moins de 40 ans en 2023

[05/01/2024]

Trois femmes, dont le travail redéfinit ce que nous connaissons de l’abstraction et de la figuration, déclenchent déjà des adjudications millionnaires bien qu’elles ne soient que trentenaires. Si la réputation des galeries qui les soutiennent n’est pas pour rien dans l’explosion à leurs prix sur le second marché, la singularité de leurs parcours et de leurs pratiques nous renseigne aussi sur des tendances majeures du marché de l’art ultra-contemporain.

Top trois adjudications pour des artistes femmes de moins de 40 ans en 2023

Untitled (2016), 4m$, Christie’s Hong Kong, 28/05/2023

Standing in Red (2019), 2,29m$, Sotheby’s, Hong Kong, 05/04/2023

Quirk my mannerism ( 2021), 1,9m$, Phillips, New York, 14/11/2023

Avery SINGER

Née en 1987. Basée à New York

Particularités de son travail : une rencontre entre la technologie numérique de pointe et l’histoire de l’art classique

Avery Singer est peintre. Elle pratique donc une technique d’expression classique par excellence, mais sa singularité repose sur les explorations de son travail, soit les possibilités de convergence entre peinture et technologie. Dans le processus de création comme au cœur de ses sujets, l’artiste mixe d’une façon inédite la tradition et l’innovation. Elle utilise notamment des outils de modélisation numérique 3D de pointe, tels que SketchUp, Blender et DAZ 3D, soit des outils initialement développés pour l’architecture et les jeux vidéo. 

Sa galerie principale: 

Avery SINGER est représentée par Hauser & Wirth depuis décembre 2019, alors que son travail avait déjà été vu sur plusieurs événements internationaux, dont la 58e exposition internationale d’art de la Biennale de Venise en 2019. Alors âgée de 32 ans, l’artiste devenait la plus jeune recrue de la galerie Hauser & Wirth dont le premier projet fut une présentation solo de ses nouvelles œuvres à la Frieze Los Angeles en février 2020.

Évolution de son marché : 

Apparue aux enchères l’année de ses 30 ans (en 2017) avec une première toile vendue pour 36 000$, Avery Singer enregistre l’année suivante un étonnant 735 000$ pour Fellow Travelers, Flaming Creatures (2013), vendue chez Sotheby’s New York. Nous sommes en 2018, soit quelques mois avant l’annonce officielle de sa représentation par la puissante galerie Hauser & Wirth (décembre 2019). Des bruits de couloir agitaient déjà les enchérisseurs les mieux informés.

Au printemps 2021, tandis que Hauser & Wirth travaille au premier solo-show new-yorkais d’Avery Singer prévu après l’été, l’artiste entre dans une nouvelle sphère avec une toile peinte à l’âge de 26 ans, Dancers Around An Effigy To Modernism (2013), vendue pour plus de 3m$ chez Christie’s Hong Kong. Le 23 juin 2021, une autre œuvre (Untitled, 2018) atteint 4,1m$ chez Phillips New York puis, en 2022, son record personnel s’est élevé jusqu’à 5,2m$ pour sa grande toile Happening (2014) vendue chez Sotheby’s New York.

Loie HOLLOWELL

Née en 1983. Basée à New York

Particularités de son travail : une abstraction charnelle

Les peintures de Hollowell développent avec souplesse des formes géométriques qui convoquent immédiatement des expériences corporelles et sensuelles lui ayant valu d’être décrite comme une Georgia O’Keeffe des temps modernes. Parmi ses premières œuvres se trouvaient des “peintures biographiques essentiellement abstraites”, partant des les souvenirs d’un avortement subi à l’âge de 28 ans. Depuis, les expériences féminines plus ou moins agréables se sont multipliées dans la matière abstraite de ses œuvres où il est question de maladie, de sexualité, d’accouchement, de maternité. Le corps, les organes qui pressent, compressent, se dilatent, se tendent de plaisir ou de douleur sont ici explorés à travers de subtiles combinaisons de formes et de couleurs.

Sa galerie principale: 

Loie HOLLOWELL travaille depuis  2017 avec l’influente Pace gallery qui représentent plusieurs artistes parmi les plus importants et possède des espaces à New York, Londres, Séoul, Hong Kong, Genève et Los Angeles. L’artiste travaille avec d’autres galeries dont Jessica Silverman et la galerie Konig.

Évolution de son marché : 

La cote de Loie Hollowell s’est accrue de façon fulgurante après qu’elle ait intégré la galerie Pace en 2017. Partant d’une première adjudication établie à 68 750$ en mai 2018 (Sotheby’s New York), l’artiste dépasse les 400 000$ en 2019, puis le million en 2021. Cette croissance phénoménale attise les tentations de revente rapide pour empocher de fortes plus-values, comme avec la toile Lick Lick in Orange and Blue (2015), payée 137 500$ en septembre 2019 (Christie’s New York), puis 963 000$ (soit 825 500$ de plus !) en avril 2022 chez Sotheby’s Hong Kong.

En 2023, son nouveau record personnel est établi à 2,29m$ avec Standing in Red (2019) lors d’une vente de prestige de Sotheby’s fêtant son 50e anniversaire en Asie. Ce record est signé à Hong Kong, premier pôle pour la vente de ses œuvres devant New York. 

L’année de ses 40 ans, Loie HOLLOWELL clôt le podium de l’Art Ultra-contemporain et signe un record d’adjudication à plus de deux millions, depuis Hong Kong mais cette effervescence ne la réjouit pas véritablement. Elle considère au contraire comme un affront le fait que des collectionneurs, qu’elle a souvent rencontré lorsqu’ils ont acheté ses œuvres en galerie, revendent sur le marché secondaire en vue d’une copieuse plus-value. L’artiste a d’ailleurs lancé, en 2022, sa première collection de NFT pour plus de maîtrise : en cas de revente, un reversement de commission auprès de l’artiste est intégré au contrat intelligent NFT.

Loie Hollowell : Répartition géographique de son produit des ventes aux enchères (copyright Artprice.com)

Jadé FADOJUTIMI

Née en 1993. Vit et travaille à Londres

Particularités de son travail : une abstraction synesthésique

Jadé FADOJUTIMI ressent en couleurs : sa synesthésie serait plus développée que chez le commun des mortels. Ce trouble de la perception sensorielle, dans lequel une stimulation génère chez elle automatiquement des visions de couleurs, serait à l’origine de la vie de ses peintures, de ses couleurs vivantes et changeantes. 

Pour cette jeune artiste, la peinture doit renouveler et transmettre, chaque jour, l’intensité des émotions. Elle est son journal intime, le reflet de sa vie individuelle, de son identité propre, de ses joies, de ses douleurs, de ses réflexions sur le monde et la nature. Le tout exprimé si possible sur de grandes toiles, dans une formidable énergie.

Sa galerie principale: 

Après que la Pippy Houldsworth Gallery ait assumé la représentation de l’artiste et présenté sa première exposition personnelle en 2017 (année où elle sort diplômée du Royal College of Art de Londres), des acquisitions par la Tate London et l’ICA Miami ne tardent pas à suivre. En 2021, elle participe à la Biennale de Liverpool, a une exposition collective à la Hayward Gallery de Londres et à sa première exposition personnelle dans un musée américain (Institute of Contemporary Art de Miami). Déjà très demandée à l’époque, elle l’est plus encore à partir de 2022, année où elle intègre la puissante galerie Gagosian aux côtés d’artistes comme Damien Hirst et Takashi Murakami.

Position mondiale de Fadojutimi selon ses performances annuelles aux enchères

Évolution de son marché : 

La jeune femme obtient des résultat époustoufflants sur le second marché dès son introduction aux enchères en 2020. La première œuvre mise en vente est estimée à 4 000$ mais s’envole pour 52 000$, soit 13 fois la prévision optimiste (Rampage / Untitled Study (2017), Christie’s). Deux mois plus tard, Phillips vend une toile plus importante à hauteur de 378 000$, puis les prix poursuivent leur course folle en 2021 en dépassant pour la première fois le million de dollars (1,4 million de dollars Sotheby’s Londres avec A Muddled Mind That’s Never Confined, 2021).

En 2022, cette britannique d’ascendance nigériane qui se trouve être la plus jeune artiste présente dans la collection permanente de la Tate Modern participe à la prestigieuse Biennale de Venise. L’actualité influe encore sur la demande et sur la ferveur des prix aux enchères, si bien qu’en novembre 2023, elle flirte avec les deux millions de dollars pour sa toile (Quirk my mannerism (2021)), vendue par Phillips à New York : un nouveau record à battre.