Le Top du dessin à Paris

[23/03/2018]

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Au moment du Salon du dessin et de Drawing now, de nombreuses ventes aux enchères dédiées aux belles feuilles sont organisées en cette dernière semaine de mars 2018. En pleine « semaine du dessin » parisien, découvrons les 10 feuilles les plus chèrement vendues dans l’histoire de la première place de marché française.

Rang Artiste Adjudication ($) œuvre Vente
1 Henri MATISSE (1869-1954) 2 847 481$ Le danseur 23/02/2009 Christie’s & Pierre Bergé Paris
2 Paul CÉZANNE (1839-1906) 2 838 357$ Intérieur de forêt 20/12/2017 Touati-Duffaud Paris
3 Georges Pierre SEURAT (1859-1891) 6 316 827$ Au divan japonais 03/12/2008 Sotheby’s Paris
4 GU Quan (Attrib.) (XVIII) 6 234 535$ Cinq Cent Luohan
09/06/2015 Christie’s Paris
5 Pablo PICASSO (1881-1973) 4 596 765$ Le repos du sculpteur 03/06/2010 Sotheby’s Paris
6 Edgar DEGAS (1834-1917) 4 230 000$ Dans les coulisses 27/11/1997 Ferri-Beaussant-Lefèvre Paris
7 HERGÉ (1907-1983) 3 620 622$ Pages de garde bleu foncé 24/05/2014 Artcurial Paris
8 Joan MIRO (1893-1983) 3 313 770$ Femmes et oiseau devant le soleil 01/06/2011 Sotheby’s Paris
9 Joan MIRO (1893-1983) 2 847 481$ Les Amoureux 17/06/1989 Loudmer Paris
10 Pablo PICASSO (1881-1973) 2 838 357$ Femme assise 11/04/2013 Christie’s Paris
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Le marché du dessin est loin d’être négligeable dans le vaste monde des ventes aux enchères. A l’échelle mondiale, il représente tout de même plus d’un milliard de dollars de produit de ventes annuel, soit 10% du marché mondial. Ce résultat conséquent tient pour beaucoup aux envolées spectaculaires du dessin chinois. N’oublions pas que la tradition artistique chinoise prend sa source dans la maîtrise de l’encre de Chine, technique incorporant les éléments esthétiques et philosophiques typiques de cette immense culture. L’explosion du marché chinois, centrée autour de 2010, correspond parfaitement à celle que connut également le dessin. Ce n’est donc pas un hasard si le quatrième meilleur coup de marteau pour un dessin vendu en France récompense un rouleau chinois attribué à Quan Gu, un artiste actif au XVIIIème siècle (plus de 6,2 m$ chez Christie’s, le 9 juin 2015) : ces dernières années, les acheteurs chinois écument les maisons de ventes en France pour racheter leur patrimoine.

En France, ce segment de marché est particulièrement dense : tant pour des feuilles anciennes anonymes bien exécutées, que pour des signatures solides, par nature plus abordables par le dessin que par la peinture. Or, face à l’envolée des prix des peintures et des sculptures signées par les plus grands artistes de l’histoire de l’art français, les grands collectionneurs se sont recentrés sur leurs dessins, a priori plus accessibles. Inévitablement, le prix des meilleures feuilles grimpent elles-aussi, suivant la hausse du prix des toiles et la grande majorité des plus beaux coups de marteau français – huit sur dix – ont été emporté sur les 10 dernières années, prouvant le dynamisme de ce segment de marché. Sur l’Hexagone, les meilleurs résultats valorisent les grands avants-garde de la fin du XIXème et de la première moitié du XXème siècle : Edgar Degas, Seurat, Paul Cézanne, Henri Matisse, Pablo Picasso et Joan Miro ayant emporté des résultats compris entre 2,8 et 8,7 m$.

Bien évidemment, les dessins de ces artistes majeurs sont tout autant demandés en France qu’à l’étranger, et les collectionneurs américains et anglais sont particulièrement friands de ces signatures. Dans le cas de Matisse par exemple, premier artiste de ce top avec un record français

affichant 8,7m$ (un résultat auquel la qualité de la provenance de la collection Pierre Bergé & Yves Saint-Laurent n’est pas étrangère), le marché français réalise 10% du produit de ventes de l’artiste pour 16% des lots vendus, tandis que les Etats-Unis représentent 55% des recettes pour 46% des lots vendus. Par ailleurs, les collectionneurs privés ne sont pas les seuls acquéreurs potentiels pour des signatures aussi emblématiques que celles-ci, ils se retrouvent en concurrence avec les musées qui traquent les opportunités d’achats et qui peuvent, dans le cas de la France, se substituer au meilleur enchérisseur en exerçant leur droit de préemption.

L’un des points forts du marché français tient en sa richesse et sa densité et au fait que, chaque année, des rendez-vous exceptionnels s’ajoutent au calendrier des ventes, grâce à la redécouverte d’un chef-d’oeuvre oublié, à la dispersion d’une collection privée pointue ou encore à une vente exceptionnelle des héritiers de l’artiste. Ce fut notamment le cas l’année dernière avec une vente portée par la société Christie’s pendant la semaine du dessin : une manne de 55 dessins de jeunesse d´Edgar Degas, datés de 1855 à 1865 et appartenant à la famille de l’artiste, déferlait en salle le 23 mars 2017. Ces dessins d’atelier constituaient un puissant témoignage sur l’apprentissage et les influences d’un Degas âgé d’une vingtaine d’années, révélant des études d’antiques, de nus, des portraits de famille et d’autres dessins d’après Mantegna, Rembrandt, Pérugin, Michel-Ange, Poussin ou Géricault jamais vu sur le marché auparavant. Cette vente-fleuve a permis de découvrir le travail de Degas sous un nouvel angle, celui des inspirations et des aspirations déjà présentes. Elle a aussi permis à quelques amateurs de se porter acquéreurs de certains dessins à des tarifs tout à fait abordables sous une signature si prestigieuse, dont une Étude d’après Nicolas Poussin, “Médée tuant ses enfants” pour moins de 7 000 $ ou encore une Étude d’après Fra Angelico, Saint Stéphane, détail du “Couronnement de la Vierge” pour 6 000 $. Le record absolu de Degas demeure – comme pour Matisse – américain, avec 37m$ payés en 2008 pour une belle Danseuse au repos gouachée (Sotheby’s New York), bien loin devant un record français affichant 4,2m$ (Dans les coulisses vendu en 1997). La concurrence est rude pour le marché français…