Le Top 10 des introuvables III – Art moderne

[07/08/2015]

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Le classement révèle cette semaine les 10 artistes modernes les plus rares et les plus performants de l’année aux enchères.

Les artistes modernes s’inscrivent dans une période de transition, de bouleversements intenses, de prises de conscience diverses, dont l’art se fait le reflet. Si ce classement fait apparaître sans surprise Kasimir Malevich (1878-1935) et Marcel Duchamp (1887-1968), qui comptent parmi les plus grands avant-gardiste occidentaux, son originalité réside dans sa diversité : il nous conduit de l’Autriche à la Chine, de l’Egypte à l’Inde, en passant par les Philippines, la France et les Etats-Unis. Il révèle aussi trois artistes femmes, habituellement moins cotées que leurs homologues masculins.

Le Top 10 des introuvables III – Art moderne
Rang Artiste Adjudication Oeuvre Vente
1 Kasimir Sevrinovitch MALEVICH 29 970 600$ Suprematism, 18th Construction (1915) 2015-06-24 Sotheby’s LONDRES
2 Amrita SHER-GIL 2 425 000$ Untitled (Self-Portrait) (1933) 2015-03-18 Sotheby’s NEW YORK NY
3 Amrita SHER-GIL 2 301 000$ Untitled (Self Portrait) (1931) 2015-06-10 Christie’s LONDRES
4 WANG Qi 1 500 000$ Set of Four Famille-Rose \Eight Immortals\” panels” 2015-03-18 Sotheby’s NEW YORK NY
5 Carlos FRANCISCO 1 096 500$ Muslim Betrothal (1958) 2015-04-04 Sotheby’s HONG KONG
6 Erika Giovanna KLIEN 709830$ Lokomotive (Locomotive) (1926) 2015-06-24 Sotheby’s LONDRES
7 Carlos FRANCISCO 420 850$ Camote Diggers (Mag Lolang Nag Bubungkal ng Lupa) 2015-06-13 Leon Gallery MAKATI CITY
8 Marcel DUCHAMP 352 640$ Miroir (1964) 2015-06-03 Sotheby’s PARIS
9 Hamed OWAIS 280 000$ Homat al Hayat (The Protector of Life) (1967-1968) 2015-03-18 Christie’s DUBAÏ
10 Florence Ada FULLER 180 113$ Weary (1888) 2015-04-28 Sotheby’s WOOLLAHRA, SYDNEY NSW
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Wang Qi (1884-1934) – Nouvel arrivant sur le marché haut de gamme

Neuf sur le marché des enchères (depuis 2013), Wang Qi incarne la revalorisation des artistes modernes chinois. L’artiste vient d’accéder au panthéon des millionnaires aux enchères, non pas suite à une vente orchestrée à Hong Kong ou Pékin, mais à New York, en mars 2015, pendant l’Asia week. Sotheby’s y vendait un ensemble exceptionnel de quatre dessins. Attendus au mieux pour 700 000 $, le tout s’est envolé pour 1,8 m$ frais inclus ! Wang Qi est l’un des fondateurs du mouvement chinois Yueman hui (Société de la Peine Lune), qui réunissait huit des meilleurs artistes sur porcelaine, les soirs de pleine lune, après la chute de la dynastie Qing. Wang Qi a bouleversé les techniques traditionnelles, incorporant notamment à son travail des influences occidentales.

Francisco Carlos (1913-1968) – Incarnation de la modernité aux Philippines

Mieux connu sous le nom de Botong, Francisco Carlos est un peintre muraliste considéré comme l’artiste national des Philippines. Issu d’une famille modeste, formé aux Beaux-arts des Philippines, il se passionne pour l’histoire et les coutumes de son pays, fouille dans la littérature et peint majoritairement des scènes de la vie quotidienne. Son marché réside là ou se trouve les œuvres, en Asie donc, et majoritairement à Hong Kong (69% du marché), ou il vient de signer son record. Botong a en effet passé pour la première fois le seuil du million aux enchères, avec une huile de 1958 représentant des fiançailles musulmanes (Muslim Betrothal), une tradition pratiquée par la tribu Tausug aux Philippines. La composition dynamique et complexe, la richesse de la palette colorée, font de cette œuvre puissante l’une des meilleures toiles connues de l’artiste… ce qui explique que son record ait tout simplement doublé en trois ans.

Hamed Owais (1919-2011) – l’Egyptien que l’on s’arrache a Dubaï

Hamed Owais incarne le réveil du marché de l’art moderne dans les ventes des Emirats-Arabes Unis. Il s’impose en effet comme une figure importante de la peinture en Egypte, un pionnier, fondateur du Groupe d’Art Moderne en 1947. Influencé par Picasso, Matisse et les Fauves, rejetant fermement le Surréalisme, il défend un art engagé dans la réalité sociale de son époque et peint la classe ouvrière égyptienne : paysans, pêcheurs, ouvriers d’usine, artisans, coiffeurs, commerçants sur les marchés… En 1956, Owais reçoit le prix international du musée Guggenheim, malgré lequel sa carrière internationale peine à décoller de son vivant. Décédé en 2011 à l’âge de 92 ans, il est introduit aux enchères par le biais de Christie’s Dubaï trois ans plus tard et obtient d’emblée de très bons résultats. Désormais, son record culmine à 557 000 $ avec un sujet politique et populaire (Nasser and the Nationalisation of the Canal, vendue le 21 décembre 2014). Pour l’heure, seules trois œuvres ont nourri des enchères animées, portant Hamed Owais aux nues.
Les trois femmes du classement
Erika Giovanna Klien (1900-1957)

Diplômée de l’école d’arts appliqués de Vienne (Autriche) en 1925, nourrie par les théories sur les formes ornementales, les influences Cubistes, Futuristes et Suprématistes, Erika Giovanna Klien opère une synthèse entre diverses avants-garde européennes, créant une tendance qualifiée de Kinétisme. Son travail est salué précocement, d’abord avec la grande exposition aux Arts Décoratifs de Paris en 1925, puis lors de l’Exposition Internationale d’Art Moderne de New York en 1927. En 1929, la jeune artiste part, remplie d’espoirs, pour les Etats-Unis. Elle y obtient la nationalité américaine en 1938 et y passe le reste de sa vie. Elle reçoit là un accueil plus enthousiaste en tant qu’enseignante que comme artiste… La vapeur s’inverse dans les années 2000, lorsque le marché de l’art la redécouvre. L’année 2015 est celle de son record, avec les 859 000 $ déboursés pour Lokomotive (Locomotive), une huile sur toile de 1926 condensant le meilleur des influences cubistes et futuristes, dans un sujet typiquement moderne, prétexte au mouvement.

Amrita Sher-Gil (1913-1941)

Figure majeure de la modernité indienne. Amrita Sher-Gil a fortement marqué les esprits. Elle fut active au moment clef de l’avènement de l’Angleterre sur la scène indienne, une époque ou les valeurs traditionnelles indiennes sont malmenées. Tout change : le mode de vie, les repères habituelles, etc. Dans l’art aussi, les choses bougent, l’enseignement traditionnel est abandonné dans les écoles au profit d’une autre instruction mise en place par le gouvernement britannique. Peu d’artistes d’indiens se retrouve dans cette nébuleuse… La jeune Amrita Sher-Gil y parvient grâce à sa double culture (elle est née a Budapest en 1913 et a étudié en Europe). Décédée à 28 ans, l’artiste laisse derrière elle une production restreinte, dont il est rare de trouver quelques denrées aux enchères (16 œuvres mises en vente en 25 ans). Reconnue dans le monde entier, ses prix s’envolent aujourd’hui aussi bien Inde qu’à New York. Sur le premier semestre 2015, deux de ses toiles ont passé les 2 m$, dont un nouveau record planté à 2,92 m$ pour un superbe autoportrait de 1933.

Florence Ada Fuller (1867-1946)

L’artiste Sud-Africaine, née en Australie, Florence Ada Fuller, affiche un parcours de vie rythmé : elle commence ses études d’art en Australie, devient même enseignante, puis part une dizaine d’années entre la France et l’Angleterre. Elle étudie notamment à l’Académie Julian auprès de William-Adolphe Bouguereau puis de Raphaël Collin. Sa carrière décolle à la fin du XIXe siècle, tout d’abord avec son entrée au Salon de Paris en 1895, puis avec la présentation de La Glaneuse à la Royal Académie de Londres en 1897. Respectée de son vivant, Fuller fut représentée par quatre galeries (trois en Australie et une en Afrique du Sud), chose rare pour une artiste femme à l’époque. Elle est aujourd’hui portée par le réveil du marché australien, et vient d’enregistrer une première adjudication sérieuse : 219 000 $ pour Weary, chez Sotheby’s à Sydney. Son style étant aussi séduisant pour les amateurs européens, sa cote pourrait décoller avec une offre plus dense en salles de ventes.