Le Top 10 des introuvables II – XIXe siècle

[24/07/2015]

 

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Le classement révèle cette semaine les 10 artistes du XIXe siècle les plus rares et les plus performants de l’année aux enchères.

Le XIXe siècle est l’un des segments les plus porteurs des grandes ventes de prestige, dans lesquelles on porte aux nues les grands maîtres que sont Edouard Manet, Camille Pissarro, Vincent Van Gogh et Claude Monet. L’année dernière (en 2014), plus de 50 000 œuvres XIXe se sont vendues dans le monde, soit 12% des lots à l’échelle globale. Si l’impressionnisme est de loin le mouvement le mieux représenté et le plus coté, il est des mouvements plus confidentiels pour lesquels les amateurs déchainent de belles batailles d’enchères en-dehors des effets de mode ambiants. Ces aficionados du romantisme, du symbolisme et de l’orientalisme font leurs achats en premier lieu à Londres, principale place de marché de ce segment.

Le classement des meilleures enchères 2015 pour les signatures les plus rares du XIXe mettent sur le devant de la scène des artistes dont on parle peu, comme l’allemand Johann Wilhelm G. Barth (1779-1852), le polonais Maksymilian Gierymski (1846-1874), l’artiste autodidacte natif de Québec Joseph Légaré (1795-1855) dont deux œuvres se sont envolées cinq fois au-dessus de l’estimation cette année ; les peintres de paysages anglais William James Blacklock (1815-1858) et Daniel Thomas Egerton (1797-1842), qui n’avaient pas, ni l’un ni l’autre, fait d’apparition en salles depuis trois ans ; les français Théodore Pierre Maillot (1826-1888) et François Claude Hayette (1838-?), qui viennent d’emporter leur record respectif. Le grand Nu au vase grec de Maillot a tout de même quintuplé son estimation haute à Paris flirtant avec les 125 000 $ frais inclus, lorsque le peintre orientaliste Hayette plantait un record à Londres à hauteur de 330 000 $ pour une grande vue de Constantinople. Au-delà de ces signatures aussi rares que confidentielles – dont les prix sont pourtant loin d’être négligeables – deux personnalités plus marquantes se distinguent : celle de l’ambitieux John Martin et celle du grand dramaturge suédois August Strindberg qui, à défaut de s’être considérer lui-même comme un grand peintre, est aujourd’hui adoubé par le marché.

Le Top 10 des introuvables II – XIXe siècle
Rang Artiste Adjudication Oeuvre Vente
1 John MARTIN 3 569 370$ The Celestial City and The River of Bliss (1841) 2015-07-08 Sotheby’s LONDRES
2 August STRINDBERG 738 420$ Fantasy landscape (1894) 2015-06-04 Bukowskis STOCKHOLM
3 François Claude HAYETTE 268 884$ Constantinople from Galata (1874) 2015-04-21 Sotheby’s LONDRES
4 Joseph LÉGARÉ 192 465$ The Chaudière Falls 2015-04-01 Christie’s LONDRES
5 Joseph LÉGARÉ 192 465$ The Montmorency Falls (1836) 2015-04-01 Christie’s LONDRES
6 William James BLACKLOCK 147 715$ A Miller’s Homestead (1854) 2015-06-16 Christie’s LONDRES
7 Maksymilian GIERYMSKI 124 200$ Polish Militiamen (c.1872) 2015-05-21 Sotheby’s LONDRES
8 Théodore Pierre N. MAILLOT 101 349$ Nu au vase grec (1856) 2015-06-17 Sotheby’s PARIS
9 Daniel Thomas EGERTON 90 000$ The Ravine of the Desert (View From la Barranca del Desierto) 2015-05-27 Sotheby’s NEW YORK NY
10 Johann Wilhelm G. BARTH 86 896$ Palace in St. Petersburg (c.1830) 2015-03-24 Auctionata BERLIN
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Le nouveau record de John Martin (1789-1854)

John Martin fut l’un des peintres anglais les plus populaires de son vivant. Né à Haydon Bridge en 1789, il gagne Londres en 1806, commence à peindre des paysages, des sujets mythologiques, de la la peinture d’histoire et surtout conquiert l’attention de la Royal Academy en lui envoyant un tableau en 1811 (Sadak in Search of the Waters of Oblivion). Les grandes compositions qui suivent lui valent soit l’adhésion soit l’incompréhension du grand public. Elles font en tous cas parler de lui. En 1817, il est appelé à la cour de la princesse Charlotte en tant que peintre d’histoire, puis sa carrière décolle d’un cran en 1820, avec Belshazzar’s Feast, une scène de panique pour laquelle il reçoit un prix (important à l’époque) de 200 livres sterling. Il rejoint alors la Society of British Artists nouvellement créée, y expose à plusieurs reprises, avant de retourner à la Royal Academy. En 1833, sa notoriété dépasse les frontières anglaises grâce à sa toile The fall of Nineveh, achetée par le gouvernement belge. Il est alors élu membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique et reçoit le titre de chevalier de l’Ordre de Léopold décerné par le roi de Belgique. La plupart de ses tableaux ont été acquis en 1974 par le Tate Britain, d’ou l’extrême rareté de ses oeuvres en salles de ventes : moins de 20 toiles sont apparues sur le marché en un quart de siècle, dont la monumentale The Celestial City and The River of Bliss, proposée par Sotheby’s le 8 juillet 2015, qui a établi un record à 4,2 m$ frais inclus. Un tel sommet était attendu par cette œuvre majeure au pedigree prestigieux. Elle fut en effet exposée à la Royal Academy (1841), au Victoria and Albert Museum (1969) et plus récemment à la Tate Britain (exposition Apocalypse, Sept. 2011-Janv. 2012). John Martin est de ces signatures fortes de l’histoire de la peinture anglaise, de ces esprits indépendants et précurseurs du mouvement Romantisme pour lesquels Londres trouvent d’ardents défenseurs.

August Strindberg (1849-1912) – la peinture après l’écriture

August Strindberg est un artiste singulier, un homme de tempérament inquiet, hypersensible et exalté qui eut une vocation d’écrivain plus que de peintre. Il compte en effet parmi les auteurs suédois les plus importants et est considéré comme l’un des pères du théâtre moderne. A l’instar de son contemporain français Victor Hugo, August Strindberg pratique les arts plastiques (dessin, sculpture, peinture, photographie) en marge de sa création littéraire. Sa production est d’autant plus ténue qu’il n’a peint qu’à trois périodes de sa vie : de 1872 à 1874, de 1892 à 1894 et pendant quelques années après 1900. Sans avoir suivi d’éducation artistique, il a inscrit une grande puissance expressive dans ses toiles et développé une théorie de l’art anticipatrice du surréalisme et de l’expressionnisme abstrait. Le marché de Strindberg reste une affaire d’initiés, malgré la rétrospective itinérante organisée il y a 14 ans (au musée national de Stockholm, au musée d’Etat de Copenhague, puis au Musée d’Orsay a Paris, 2011-2002). Ses œuvres plongent dans le naturalisme, le romantisme, le symbolisme, et témoignent tantôt de son attrait pour la psychologie (il fut proche de Nietzsche), tantôt pour l’occultisme. Impécunieux de son vivant, ce pionnier s’arrache en salles dès qu’une bonne occasion se présente : en juin dernier, le paysage fantaisiste offert chez Bukowskis a doublé son estimation basse, pour se payer 900 000 $ frais inclus. On lui compte neuf adjudications millionnaires depuis la fin des années 80′, des résultats majoritairement enregistrés à Stockholm (où se joue près de 60 % de son marché), plus parcimonieusement à Londres.