Le Néo-pop made in Japan

[26/11/2006]

 

Après la frénésie spéculative de 2004 pour les œuvres de Murakami et de Nara, les jeunes artistes japonais font à leur tour leurs preuves aux enchères.

Le manga est un véritable phénomène de société au Japon, mais également en France qui est le plus gros consommateur de manga après le Japon ! L’esthétique manga est kitsch, populaire, ludique, exubérante, parfois mièvre, souvent bêtifiante et toujours aux accents kawai, traduit par mignon. Les jeunes artistes japonais récupèrent cette culture populaire dans leurs œuvres, la font entrer dans la culture noble et s’érigent contre l’art élitaire défendu par l’Occident. De fait, leur production offre des accointances avec le Pop Art d’Andy Warhol qui décomplexait la culture du plus grand nombre et le phénomène de consommation de masse à coup de sérigraphies.

Takashi Murakami est l’artiste japonais le mieux connu en Occident depuis Hokusai et Foujita. Inspiré de la culture populaire en général et du manga en particulier, il est souvent rapproché d’Andy Warhol. Warhol crea la Factory, lieu de création collective ; Murakami a lancé la Hiropon factory, devenue aujourd’hui la Kaikai Kiki Corporation qui permet à la fois la création et la promotion des œuvres. Le langage plastique et la stratégie de Murakami ont rapidement séduit les collectionneurs américains. La première acrylique de Mr Dob Dna présentée en vente publique à New-York (Christie’s, le 23 septembre 2003) doublait d’emblée son estimation pour s’arracher à 45 000 $ (plus de 39 000 €). Huit mois après, In the Deep DOB, Yellow Green Pink Aqua Blue décrochait 450 000 $ (près de 380 000 €, le 11 mai 2004) dans la même maison de ventes, doublant là encore les premières estimations. Désormais, Murakami est classé à la 31ème position dans le Top 100 des artistes contemporains établi par Artprice et certaines œuvres ont décuplé leur cote en 6 années seulement ! Le 12 oct. 1998, par exemple, une sculpture monumentale de Mr Dob était accessible pour 2 600 £ (3 701 €) chez Christie’s Londres, tandis qu’il fallait compter 37 000 $ (31 095 €) le 13 mai 2004 pour un de même dimension dispersé chez Phillips, de Pury & Company, NY. En marge de ce phénomène spéculatif, de nombreuses œuvres accessibles à toutes les bourses furent proposées, dont les petites figurines de Mister Dob adjugées entre 60 et 200 €, dont le bas prix et l’édition illimitée brouillent la frontière entre l’objet d’art et le produit dérivé.

Le groupe Kaikai Kiki, fondé par Murakami en 2001 regroupe trois artistes japonais influencés par l’esthétique des dessins animés : Chiho Aoshima, Mr. et Aya Takano. Preuve de leur récente reconnaissance, ils exposent pour la première fois en Europe au musée d’art contemporain de Lyon jusqu’au 31 décembre 2006. La nippone Aya Takano fut soumise pour la première fois aux enchères en 2004 avec Television Telephone adjugé pour 3 500 $ (2 713 €, chez Phillips, de Pury & Company NY, le 12 nov. 2004). L’année suivante, elle quintuplait son estimation lors de la vacation de Christie’s Hong-Kong avec l’acrylique Towards Eternity qui a décroché 240 000 HKD, soit 26 400 € le 27 novembre 2005.
Mr. (Iwamoto Masakatu) déclenche le même enthousiasme : deux ans ont suffi a doubler sa cote ! Le 12 novembre 2004, son acrylique Green Girl partait pour 8 000 $, soit 6 200 € chez Phillips, de Pury & Company NY, tandis qu’une œuvre sans titre de même format était adjugée 10 000 £ (près de 15 000 €) le 17 octobre dernier chez Christie’s Londres.
Leurs dessins sont encore très accessibles : lors de la dispersion du 26 mai dernier orchestrée par Est-Ouest à Tokyo, un petit format signé Aya Takano trouvait preneur pour 48 000 JPY, soit 335 € et N°16 de Mr. partait pour 110 000 JPY, soit 767 €. Le travail de Chiho Aoshima, entre Kawai et atmosphère morbide, est proposé en ventes publiques depuis 1 an. Ses œuvres offset atteignent entre 8 000 et 10 000 € pour les tirages uniques ou très limités, tandis que les tirages à 300 exemplaires s’échangent entre 400 et 800 €.

Murakami n’est pas l’unique star japonaise sous influence manga : Yoshitomo Nara poursuit aussi sa fulgurante ascension aux enchères. Depuis le début de la saison 2006, il a passé 11 fois les 100 000 $ en 6 mois, frôlant même le million de dollars pour Missing in Action, dispersée par la maison Christie’s NY le 10 mai qui décrocha 950 000 $ (747 365 €). Certains dessins demeurent accessibles pour moins de 5 000 € tel que le papier sans titre adjugé le 11 octobre dernier pour 6 000 $ (4 774 €, Sotheby’s NY). D’autres artistes japonais émergent à l’ombre de Kaikai Kiki comme Makoto Aida dont les photos cotent entre 3 000 et 6 000 €. Certains commencent à faire parler d’eux mais n’ont pas encore été présenté sur le marché des enchères : citons Mika Kato et Koichi Enomoto… des artistes à suivre.