Le marché du dessin en pleine ascension

[20/03/2006]

 

Au cours de la dernière semaine de mars, pour la quinzième année, amateurs et professionnels du dessin se donnent rendez-vous au salon du dessin. 30 galeries sont regroupées au Palais de la Bourse (Paris) pour présenter près d’un millier de feuilles de toutes époques.

Aux enchères 2005, ce segment couvre près de 24,4% du nombre d’enchères de Fine Art pour 12,7% du produit des ventes. Sa part de marché n’était que de 11,6% en 2004. Il faut dire que d’exceptionnelles pièces ont été dispersées l’an dernier. Soulignons notamment les 12,5 millions de $ décrochés chez Sotheby’s le 2 novembre par Pablo PICASSO pour Nu Jaune, une importante gouache de 1907 estimée 3 – 4 millions de $. Côté feuilles anciennes, la plus forte adjudication revient à Andrea Del Sarto : sa tête de Saint Joseph, une étude pour le tableau «La Sainte Famille» du Palais Pitti a été adjugée 5,8 millions de £ au Jean-Luc Baroni le 5 juillet 2005.

Le dessin a le vente en poupe. C’est la catégorie du Fine Art ayant fait l’objet de la plus forte valorisation en 2005. Mesurés en euros, ses prix ont en moyenne progressé de +14,6% en 2005, contre +9,0% pour la peinture et +8,1 pour la sculpture. Malgré tout, le taux d’invendus reste élevé, proche de 35%. Les amateurs, exigeants, n’hésitent pas à refuser les feuilles mal conservées où les croquis sans attrait.

Au delà de la hausse générale, des mouvements artistiques de la fin du XIXe siècle ont été particulièrement porteurs. Après avoir fortement progressé entre 2002 et 2004, la cote des plus grand noms de l’impressionnisme est déjà au plus haut. En 2002, il fallait débourser pas moins de 417 000 € pour Le pont de Waterloo, Londres, un pastel de Claude MONET. Certains études colorées de Renoir peuvent partir à plus du million d’euro, étude de femme, partie 1,4 millions d’€ chez Christie’s NY le 8 novembre 2000. Et que dire des pastels de Degas ? La moindre de ses danseuses s’arrache au delà du million de dollars. Devant de tels niveaux de prix, nombre de collectionneurs se rabattent désormais sur les artistes les moins cotés du mouvement. Avec une offre constante, face à une demande soutenue, les prix ne peuvent que flamber.
Albert Marie LEBOURG et Armand GUILLAUMIN profitent ainsi de l’assèchement du marché des œuvres impressionnistes en affichant des hausses de +60% et +65% en 2005. Il est encore possible de trouver sur le marché des petits croquis colorés pour ces artistes à moins de 1000 €. En mars 2005, Bord de mer au soleil de Armand GUILLAUMIN a ainsi trouvé preneur pour 450 € (Martin-Chausselat, Versailles). Le 14 août, La bouille, une petite aquarelle de Albert Marie LEBOURG a été enlevée 600 € chez Massol (Deauville).

Portée par de belles expositions telles que celle du Musée d’Orsay, « Dessins de Georges Seurat et des artistes néo-impressionnistes », la cote des postimpressionnistes a progressé de +34,8%, avec une pointe à +70% pour les feuilles de Théo VAN RYSSELBERGHE. Par exemple, Veere (Hollande), une aquarelle de 1906 a été emportée 22 000 € chez Christie’s Paris le 12 décembre, pour une estimation de 4 000 – 6 000 €.
Autre révélation de l’année : Henri Charles MANGUIN dont la cote a triplé en douze mois : aussi, une aquarelle représentant Saint-Tropez s’est négociée 9 000 euros chez Sotheby’s Olympia en juillet 2005, alors que la même vue s’est vendue 3 300 euros chez Anaf (Lyon) en 2000. Pierre Eugène MONTEZIN, influencé par Claude Monet, affiche une progression de +163% en 2005 sur la même période.
La plus incroyable des hausses revient à un artiste influencé par le Symbolisme : Lucien LÉVY-DHURMER. En tout juste un an, ses œuvres sur papier ont gagné +454% en moyenne. Déjà en 2002, Un pastel intitulé Hélène (53 x 42 cm) fit une bonne surprise en atteignant 91 500 €, soit près de dix fois l’estimation basse ! En décembre 2005, un autre pastel intitulé Repas de femmes est parti pour 125 656 € à Casablanca, au double des estimations, un record pour l’artiste.

La spéculation ne s’arrête pas au mouvements phares de la fin du XIXe siècle. Nombres d’artistes modernes se sont aussi arrachés l’an dernier. L’une des plus spectaculaire envolée revient à Jean LAMBERT-RUCKI : +454% en tout juste un an. Ami de Moïse Kisling et Modigliani, ses feuilles des années 20 marquées par le Tubisme de Fernand Léger s’envolent en salle. Par exemple, Pigalle, une gouache de 1924 est partie pour 4 300 € chez Courtois-Chauviré le 13 décembre, au double des estimations.
Roger DE LA FRESNAYE, décédé à tout juste 40 ans en 1925 et quelque peu oublié des collectionneurs depuis le début des années 90 revient lui aussi en force. Qu’il soit fauve ou cubiste, son travail a été apprécié de +200% en 2005 ! Illustrant cet engouement, Homme assis pensif aux mains croisées sous le menton, une mine de plomb de 1920 s’est envolée à 7 800 € pour une estimation de 3 000 – 4 000 €, le 25 mars 2005 chez Mathia-Million-Robert (Paris).
Nombreux sont ceux dont les prix des dessins ont progressé d’au moins 50% en 2005. Parmi les plus célèbres, soulignons ceux de Jean Hélion dont la hausse fait suite à sa récente rétrospective au MNAM. Le Corbusier, Jacques Doucet, Augusto Giacometti, André Masson et Jean Pougny suivent cette tendance.