Le marché de l’art réagit au Covid-19

[19/03/2020]

Si le confinement bouleverse tout un écosystème qui dépend de la circulation des publics et des collectionneurs, les acteurs du marché de l’art entendent se préserver, s’adapter, voire se réinventer, en se fédérant et en développant leur stratégie en ligne.

Reprise sécurisée à Hong Kong et Shanghai

Alors que les pays européens sont entrés en confinement, que tous les événements culturels, expositions, foires, ventes aux enchères et autres sont annulés ou reportés, Phillips annonçait le 18 mars que ses ventes hongkongaises de printemps se tiendront comme prévu du 29 mai au 2 juin au Mariott.

Le même jour, du côté de Shanghai, la MadeIn Gallery faisait part de sa réouverture, l’épidémie de Covid-19 étant « stabilisée » sur place. Les règles de prévention appliquées aux visiteurs demeurent strictes : port d’un masque facial lors de la visite, vérification du QR code prouvant sa résidence à Shanghai et prise de température à l’entrée de la galerie.

Asie, rescousse numérique et solidarité

La Art Basel de Hong Kong fut le premier événement majeur à annoncer son annulation à cause du Covid-19 (janvier 2020). Les organisateurs du salon ont rapidement réagit en organisant une foire digitale, pour que les exposants puissent présenter gratuitement les œuvres qu’ils avaient l’intention d’apporter sur la Art Basel. Art Basel accueillera des stands virtuels pour 231 galeries aux dates initialement prévues. Certaines d’entre elles communiquent déjà sur ce nouvel outil.

Les temps sont difficile pour le marché hongkongais. Après des mois de manifestations, l’épidémie de coronavirus lui a porté un autre coup dur. Les reports de ventes ont enchères ont naturellement commencées à Hong Kong et en Chine continentale en janvier (Christie’s, Bonhams, China Guardian, Poly Auction…). Francis Belin, président de Christie’s pour la région Asie-Pacifique, déclarait à la mi-mars que son entreprise traversait une période difficile. Il ajoutait qu’environ 40% des nouveaux acheteurs sont recrutés par le biais de canaux en ligne, et que la majeure partie de cette croissance était en Asie.

D’une façon générale, les grandes sociétés de ventes sont bien rodées avec les ventes online. Elles disposent de tous les outils nécessaire pour basculer sur des ventes dématérialisées. Les ventes en ligne avaient déjà fortement progressé en 2019, notamment de 25 % chez Sotheby’s.

Depuis le début de la crise du coronavirus, les marchands d’art de Hong Kong expérimentent le marketing numérique. Cette décision commence à porter ses fruits. Mais au-delà de l’aspect commercial, plusieurs acteurs de l’écosystème culturel hongkongais se sont fédérés pour lancer, en mars, l’organisation à but non lucratif Art Power HK. Cette plateforme en ligne diffuse les événements et les expositions. L’objectif : faire acte de résilience et diffuser l’actualité culturelle d’une capitale artistique essentielle dans le monde.

L’idée a essaimé jusqu’en France ou le galeriste parisien Georges-Philippe Vallois appelle à une mutualisation des galeries pour créer « une plate-forme de vente commune ».

Capture d’écran 2020-03-19 à 09.53.37

L’Europe en suspend

Déclaré pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars, le virus Covid-19 s’est propagé dans le monde entier. L’industrie culturelle est totalement en suspend. Les musées, les foires d’art, les galeries, les centres culturels ont du réagir rapidement et appliquer la nouvelle règle : fermeture des portes au public au moins jusqu’au 15 avril, afin de s’aligner sur les recommandations des gouvernements dans le but de contenir la propagation du virus. Les expositions commerciales ou non, ainsi que les ventes aux enchères publiques ont donc été annulées ou reportées, souvent à une date inconnue tant il est difficile de modifier les programmations.

L’Italie a été le premier pays européen touché par l’épidémie de coronavirus. Il est encore aujourd’hui le plus impacté par ses conséquences aussi bien sanitaires qu’économiques. Les lieux culturels ont été les premiers concernés avec une fermeture totale aussi bien des théâtres, des cinémas, des galeries, des musées. Entre le 12 et l4 mars, en France, les lieux ferment et les ventes aux enchères prévues sont toutes « reportées à des dates ultérieures ».

Le 11 mars, la plus importante foire d’art au monde, la Tefaf de Maastricht fermait prématurément ses portes après cinq jours d’ouverture. Si quelques ventes importantes ont été réalisées les premiers jours (lire 5 regards sur une Tefaf écourtée), cette fermeture est évidemment un coup dur pour les exposants qui comptaient sur cet événement majeur pour leur santé économique. Trois galeries (Wildenstein & Co, Galerie Monbrison, Fergus McCaffrey parmi les 285 exposants) avaient anticipées, annulant leur participation au salon à la dernière minute. Deux jours plus tard, la grande foire d’art contemporain de Bruxelles, qui devait se tenir fin avril était reportée fin juin.

Ce fut au tour de l’Allemagne le 16 mars : après l’annonce du report d’Art Cologne, l’Association des marchands d’art allemands demande au gouvernement de baisser la taxe de vente sur les œuvres d’art, espérant minimiser l’impact néfaste de la crise sanitaire sur leurs activités.

La fermeture de tous les musées porte évidemment un coup sérieux à l’économie des pays. En Europe, certaines galeries sont malheureusement déjà mises en liquidations, faute de trésorerie suffisante pour assumer le manque à gagner des événements attendus. La majorité des galeries en activité se rabattent, elles, sur le digital, les visites virtuelles, les ventes et les achats en ligne.

A l’heure ou nous écrivons ces lignes (mercredi 18 mars), le Royaume-Uni ne s’est pas mis au diapason des résolutions adoptées ailleurs, y compris aux États-Unis où les grandes institutions culturelles ont fermé leurs portes. Les musées de Londres sont ouverts et les ventes aux enchères publiques maintenues… Mais la situation évoluant d’heure en heure, le gouvernement britannique devrait rapidement renforcer ses mesures sanitaires.