Le marché de l’estampe : mode d’emploi

[04/01/2010]

 Les estampes occupent une place incontournable dans la production des artistes et représentent de surcroît une part non négligeable du marché de l’art mondial, soit entre 10 et 17% des transactions pour 1,6 à 3,6% du produit des ventes mondial de fine art sur la dernière décennie.

Le multiple et la crise
Avec un indice en hausse de +110% en six ans (01/2002-01/2008), le marché de l’estampe a particulièrement bien profité de la grande fête spéculative des dernières années. De fait, la correction fut drastique et après le pic de janvier 2008, les prix chutaient de 33% en douze mois contre 19% à 22% de baisse pour les autres médiums (peintures, dessins, sculptures, photographies).

Si la déflation fut particulièrement rude en 2008, les prix de l’estampe tendent à stagner sur les douze derniers mois, tandis que ceux de la peinture, de la sculpture et de la photographie continuent de se tasser.
Bien que moins volatile que les autres médiums, l’estampe n’est pas à l’abri ni des bulles spéculatives ni des réajustements du marché pour autant. Lors de la dernière bulle spéculative (2005-2008), le multiple fut si bien dopé par les records des œuvres uniques que son chiffre d’affaires doublait presque entre 2003 et 2006 (74,8 M€ pour env. 34 100 lots vendus en 2003, 138 M€ pour env. 51 300 lots vendus en 2006).

Le Duel Picasso / Warhol
Les artistes les plus emblématiques du XXème siècle sont aussi les plus productifs. Le marché de l’art regorge en effet d’œuvres signées Andy WARHOL et Pablo PICASSO, seuls artistes dont la dispersion des estampes a généré à elle seule un produit de ventes de plus de 10 millions d’euros sur l’année 2009.

En 74 ans, Pablo Picasso (entre 1899 et 1973) a laissé un héritage de plus de 2000 estampes. Ses multiples inondent littéralement son marché, représentant 63 % du nombre de transactions depuis 1997 pour 5% de son chiffre d’affaires global. En 2009, son meilleur score culmine à 150 000 € pour Buste de Femme au Chapeau à Pompons et au Corsage imprimé vendu le 17 juin 2009 à Hambourg (Hauswedell & Nolte). Néanmoins, près de 60% des quelques 9 000 pièces échangées en 10 ans se sont négociées moins de 5 000 €. Dans cette manne, l’acheteur peut trouver des feuilles signées (de la main de l’artiste et pas seulement dans la planche) pour un budget compris entre 1 000 et 2 000 €, à l’instar de la lithographie Musicien, danseur et chèvre adjugée l’équivalent de 1 191 € l’automne dernier lors d’une vacation suisse (Dobiaschofsky Auktionen AG, 12 nov. 2009).

Malgré le prestige de la signature, les estampes de Picasso sont peu porteuses. En 10 ans, leur cote n’a progressé que de 5%. Celles d’Andy Warhol affichent une rentabilité bien meilleure en progressant de +50% sur la décennie. Ce score paraît cependant bien maigre à côté des 524% de hausse enregistrés pour les toiles du roi du Pop art.S’il n’a pas la longévité créative d’un Picasso, Andy Warhol eut le génie d’emprunter à la publicité sa méthode de production sérielle. Il défit ainsi Picasso quant au nombre d’estampes soumises annuellement aux enchères (entre 1 000 et 1 500 en moyenne).

En 2007, deux portfolios décrochaient 1M€ chacun : le plus célèbre, celui de Marilyn Monroe (1967) grimpait jusqu’à 680 000£ le 20 juin 2007 chez Christie’s Londres, suivi quatre mois plus tard par 10 Mao de 1972 frappés 720 000£ chez le même auctioneer.

Un marché abordable
Le prix d’une estampe, comme pour une œuvre d’art en général, dépend de la notoriété de l’artiste, du sujet, du format, de l’état de conservation et du nombre de tirages (la rareté étant plus valorisée, la loi de l’offre et de la demande régule le marché). Le dosage de ces critères – et les effets de mode auxquels est soumis l’art contemporain – pousse certaines feuilles à des prix époustouflants. Le marché de l’estampe demeure cependant une niche d’œuvres abordables dont 75 à 85% des lots sont vendus moins de 2 000 €. Avec un budget de 100 à 500 €, les jeunes acheteurs commencent souvent leur collection par quelques signatures connues, rassurantes et abordables.