Le marché de l’art au bord du gouffre ?

[11/11/2002]

  Artprice Index : 15% de baisse des prix entre juin et septembre 2002

Pour la première fois depuis 10 ans, tous les indicateurs relatifs aux ventes publiques de Fine Art sont dans le rouge. Le taux d’invendus n’a jamais été aussi élevé (44% en septembre), le nombre de lots proposés est aussi en chute libre (baisse de 46,7%). Avec une forte diminution des prix à la rentrée, la fin de saison s’annonce mal. Essoufflée, la demande américaine, encore présente au début de l’année, ne parvient plus à soutenir un marché déjà très frileux en juillet. Après avoir saccagé les principaux secteurs de l’économie, la crise frappe maintenant aux portes du marché de l’art. Elle nous parvient au moment où les marchés boursiers continuent à essuyer des revers…

Baromètre Artprice [septembre 2002 comparé à septembre 2001]   Taux de croissance tendances Chiffre d’affaires -21%  Volume de transactions -47%  Lots vendus/Lots présentés -14%  Indice des prix de la peinture -8% 

La baisse est violente. Tel un crash. Pourtant, contrairement aux valeurs boursières, les œuvres d’art n’ont pas subi de spéculation. La chute des prix durant ces derniers mois apparaît d’autant plus violente qu’ils s’étaient maintenus à la hausse au début de l’année grâce à la sélectivité des collectionneurs. 100 euros investis en septembre 2000 dans une peinture valent en moyenne 87 euros 2 ans après. Il faut remonter au printemps 1999 pour retrouver de tels prix.

L’actuelle baisse est la suite logique de la propagation de la récession économique Elle sommeillait derrière une relative tenue du marché durant la saison de vente printemps/été : même si le chiffre d’affaires avait baissé de 14,7% durant le premier semestre 2002, l’indice des prix avait progressé de 9 points. La méfiance des collectionneurs les poussait à être de plus en plus sélectifs. Seuls les plus belles pièces trouvaient preneur. Mais face à une œuvre de qualité, les surenchères pouvaient se bousculer. Ce qui a insufflé le sentiment d’euphorie. Son apogée : le record du Massacre des Innocents de Peter Paul Rubens chez Sotheby’s le 10 juillet dernier à Londres.

Cette crise semble avant tout celle de l’Amérique. Détrônés actuellement de leur place de leader du marché de l’art par le Royaume-Uni, les Etats-Unis ont perdu plus de 9 points de parts de marché en 2002. A cela s’ajoute l’atonie du marché américain pendant le mois de septembre, recueilli autour de l’anniversaire des événements du 11 septembre et devant l’attentisme mondial face à la conférence de l’ONU du 12 septembre. Conséquences : 47% de transactions en moins par rapport à septembre 2001. En novembre, New-York a déçu. Sous les projecteurs : les ventes prestigieuses de Sotheby’s, Christie’s et Phillips des 4, 5 et 6 novembre. Philipps a ouvert le bal des invendus avec un record en la matière : 25 lots ravalés sur 44 ! Désormais dans les salles new-yorkaises peu de mains se lèvent et les téléphones restent longtemps silencieux. Selon les estimations basses, les trois vacations impressionnistes et modernes auraient pu rapporter 240 millions de dollars. Les collectionneurs, très retenus, n’octroyèrent que 156 millions de dollars ! Cela fait plus de 6 ans que les trois grandes maisons de ventes n’avaient affiché de si piètres résultats.

Maintenant la crise peut-elle se propager sur les principales places du marché ? Globalement le marché européen se porte bien : comparé à 2001, l’Europe a généré 10% de chiffre d’affaires supplémentaire sur les trois premiers trimestres. Principaux bénéficiaires : la France qui met a profit la réforme des ventes volontaires de 2001 et le Royaume-Uni qui concentre de plus en plus de ventes haut de gamme.

Sur le moyen terme, la passion partagée qui anime les collectionneurs et la valeur intrinsèque des œuvres d’art restent les grands garants de la stabilité de l’un des plus vieux marchés du monde. Comparé à la volatilité des actions, l’art reste une valeur refuge.