Le groupe Supports-Surfaces

[08/01/2007]

 

Eté 1969. Contestant les conventions du cadre et du tableau ainsi que le carcan des galeries et des musées, des artistes du sud de la France choisissent de peindre à l’aide d’un pigment coloré déposé en « surface » sur un « support », une toile montée ou non sur un châssis. Les fondateurs du groupe, Dezeuze, Pagès, Saytour, Valensi et Viallat, vont ainsi, pendant quelques années, explorer une des faces peu exploitée de la peinture mais formant son essence même : les matériaux constitutifs de l’œuvre. Le support (le cadre de la toile), qui n’était jusqu’alors jamais montré, devient sujet d’expérimentation : les œuvres naissent du travail autour du support même. Il ne s’agit ni d’un retour aux sources de la peinture, ni de la recherche d’une pureté primitive, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux.

Articulé à partir de 1969 autour de Cane, Dezeuze, Saytour et Viallat, le groupe supports-surfaces trouve rapidement écho auprès des musées parisiens. Leurs travaux sont exposés dès septembre 1970 à l’ARC, au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Par la suite, les expositions du groupe s’étofferont avec les travaux de Pagès, Arnal, Cane, Dolla, Pincemin. Mais, très vite, le groupe se disloque et, à partir de 1972, les artistes poursuivent des chemins distincts, enchaînant les expositions personnelles dans les galeries et les musées en France et à l’étranger, ou se croisant par petits groupes dans les expositions collectives.

Le mouvement Supports-Surfaces fait parti de ces grands courants qui ont marqué l’histoire de la peinture européenne contemporaine. C’est ce qui explique le nombre élevé d’œuvres en ventes publiques : une centaine par an, pour un chiffre d’affaires de 300 000 à 400 000 €. Le marché est davantage concentré autour de Cane, Viallat et Pincemin. Les œuvres de Saytour et Pagès restent rares en salles.
Ces artistes demeurent très accessibles : 80 % des toiles sont adjugées moins de 10 000 €. L’exposition Les Années Supports-Surfaces dans les collections du Centre Georges-Pompidou à la Galerie nationale du Jeu de paume, à Paris en 1998, avait contribué à réveiller la cote. Mais, même si elle affiche une progression de +110% depuis cet événement, elle reste actuellement encore inférieure de 38% au niveau atteint en 1989-1990.

Depuis juin 1990, Jean-Pierre Pincemin détient le record du groupe avec enchère équivalente à 64 000 € chez Briest pour une technique mixte de 1982. Ses prix se sont effondrés de quasiment 75% au début des années 90, mais ils reprennent des couleurs, avec une progression soutenue de +145% depuis 2001. Entre 1995 et 1997, aucune toile de Pincemin n’avait atteint le seuil des 10 000 €, cette année il a été franchi 14 fois. Le marché fourmille encore de travaux sur papier accessibles à moins de 1000 €. Ainsi, un petit pastel gras de 1975 s’est vendu 650 € en octobre 2005 chez Walper (Paris).
Viallat, le second artiste le plus coté du groupe, reste encore loin du niveau des prix de 1990, même s’il a de nouveau flirté avec les 20 000 € en 2006 : le 28 octobre dernier une grande bâche de 1980 est partie pour 19 000 € chez Artcurial. Seules les grandes pièces antérieures au milieu des années 80 peuvent espérer atteindre de tels prix. Par contre, les empreintes sur tissu plus récentes partent souvent à moins de 7000 – 8000 €. Par exemple, il fallait compter 4 200 € le 23 octobre dernier chez Cornette de Saint-Cyr pour une œuvre de 1989 de pratiquement 1,8 mètres de côté.
Quant à Louis Cane, ses travaux postérieurs aux années supports-surfaces sont les plus prisés. Son record a été décroché en juillet 2004, chez Sotheby’s par Trois femmes sur une balançoire, une imposante sculpture de 1988 provenant de la collection Nahon. Son record pour un travail sur le support date de 1990, avec Peinture mur sol (1974), adjugé l’équivalent de 28 000 € chez Labat-Thierry. Ces rarissimes travaux anciens sont même souvent ravalés pour des prix de réserves pourtant fort raisonnables, à l’image de l’aquarelle sur papier de 1974 proposée 500 – 600 € chez Artcurial en décembre dernier, ou encore du crayon sur toile présenté pour 800 € chez Mathias-Millon-Robert en novembre 2005.

Les amateurs du groupe supports-surfaces trouvent un large choix en galerie. Notamment, les galeries Daniel Templon (Paris), Oniris (Rennes) et Ceysson (Saint-Etienne) suivent le travail de Claude Viallat. Dans le sud de la France, fief du groupe, la galerie Vasistas (Montpellier) a organisé des expositions autour des travaux récents de Dezeuze et Saytour.