Le boom de l’art iranien – 2006-2008, le bilan

[04/08/2008]

 

En deux ans, Dubai s’est clairement imposée dans la cartographie du marché de l’art mondial avec la première édition de la foire Art Dubai en 2007 invitant une trentaine de galeries venues du monde entier et l’implantation de Christie’s en 2006, suivie de Bonhams en 2008, pour y frapper le marteau. Leurs vacations, intégrant des artistes modernes et contemporains tunisiens, égyptiens, marocains, libanais ou iraniens, ont immédiatement fait décoller les prix.

Portés par la puissance financière des Emirats Arabes et une demande croissante d’investisseurs nationaux qui se répercute rapidement au niveau mondial, les artistes iraniens en particulier font de plus en plus d’émules dans le cénacle des collectionneurs.
Shirin NESHAT, l’artiste contemporaine iranienne la plus connue sur la scène internationale illustre cette nouvelle dynamique : ses œuvres s’échangent certes en salles depuis 2000 de Londres à New-York, mais c’est à Dubai en 2007 qu’elle signait pour la première fois des enchères supérieures à 100 000 dollars.

Le sculpteur iranien le plus connu, Parviz TANAVOLI âgé de 71 ans, était quant à lui absent du monde des enchères avant 2007. Le succès de son cadet Farhad Moshiri dont les œuvres s’arrachèrent en ventes publiques à Dubai dès 2006, fut bénéfique pour une reconnaissance tardive sur le second marché. En effet, ses premières sculptures introduites aux enchères en février 2007 signaient des adjudications entre 65 000 et 85 000 dollars. En octobre de la même année, il décrochait pas moins de 280 000 dollars (Christie’s Dubai) avant de devenir en avril 2008, l’artiste iranien vivant le plus cher grâce à un exemplaire unique créé en 1975 et intitulé The Wall (Oh Persepolis). Cette stèle de bronze de près de deux mètres de haut partait pour 2,5 millions de dollars, bien au-delà de la fourchette d’estimation de 400 000 à 600 000 dollars donnée par Christie’s.

Le travail de Farhad MOSHIRI, artiste de 45 ans né à Shiraz (Iran), est comme son aînée Shirin Neshat, nourri à la fois de culture iranienne et de culture occidentale. Il reçoit une formation artistique en Californie, avant de retourner à Téhéran en 1991 ou il vit désormais. Ses œuvres ont été exposées partout dans le monde : à Rome, Londres, Berlin, New-York ou Genève. En 2003, il fit sensation lors de la sixième Biennale de Sharjah avec l’installation Golden Love super Deluxe, une vitrine de collection ou les objets les plus divers – balles de fusils, téléphones portables, angelots ou figurines de Walt Disney – étaient recouverts d’une fine couche d’or… transformation ironique des objets populaires, guerriers ou technologiques en icônes précieuses. Trois ans après la Biennale, une première toile de l’artiste représentant une vue satellite de l’Iran, était soumise à enchères à Dubai (Christie’s). Cette première adjudication de 40 000 dollars, au quadruple de l’estimation optimiste, donnait le La : les collectionneurs étaient prêts à se battre chèrement pour l’artiste. Dix-sept mois après ce premier résultat, une vue satellite du monde, constituée de 95 000 cristaux Swarovski, explosait une fourchette d’estimation de 60 000 – 80 000 dollars pour un coup de marteau gagnant à 500 000 dollars ! Une ascension fulgurante qui se poursuit en 2008 avec une œuvre brillante de ces mêmes cristaux : Eshgh (Love) est partie pour 900 000 dollars en mars dernier chez Bonhams Dubai.
La vitalité du marché au Moyen-Orient permet aux jeunes artistes iraniens de s’offrir rapidement une cote sur le second marché. Citons Shirin ALIABADI et Shadi GHADIRIAN, deux femmes nées respectivement en 1973 et 1974, traitant avec humour des contradictions de la condition féminine en Iran. Les photos de Shadi Ghadirian à l’esthétique désuète des clichés XIXème, mettent en scène des femmes voilées avec des objets contemporains. Son œuvre la plus célèbre, Stereo, fut adjugée 9 000 livres sterling, soit plus de 18 000 dollars en 2007 (Sotheby’s, Londres). Autre exemple, celui d’Afshin PIRHASHEMI (né en 1974) qui décrochait 50 000 dollars à Dubai dès sa deuxième présentation aux enchères en octobre 2007, avec sa toile Those four Days (Christie’s Dubai). A peine un mois plus tôt à Paris, Artcurial vendait sa toile Memory pour 6 000 euros seulement… En avril 2008, il fallait pousser les enchères jusqu’à 110 000 dollars pour son triptyque Lonely réalisé en 2005 (Christie’s Dubai).