L’art Latino-américain continue de faire recettes

[29/11/2016]

Mi-novembre, la société de ventes Phillips se réjouissait de nouveaux records obtenus pour un art latino-américain en pleine revalorisation, à travers les 970 000$ emportés pour les artistes Carmen Herrera et Mira Schendel. Ce signal optimiste arrivait quelques jours avant l’ouverture des grandes vacations d’art latino-américain, achevées le 23 novembre à New York…

Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont fait valser les enchères, la semaine dernière à New York, pour le meilleur des signatures modernes et contemporaines latino-américaines. Deux jours de vacations spécialisées, donnés les 22 et 23 novembre 2016, offraient une diversité sans pareil, avec 525 lots présentés. New York a vibré aux noms Fernando Botero, Roberto Matta, Armando Morales, Rufino Tamayo, Diego Rivera, José Clemente Orozco, Wifredo Lam pour les plus célèbres, et de quelques autres signatures en émergence, notamment pour la scène cubaine particulièrement mise en avant. In fine, cette semaine de vente génère près de 48m$, avec un résultat proche pour Sotheby’s et Christie’s, réalisant respectivement plus de 21 m$ de résultat et 22,7 m$, et 4,1m$ pour la cession de Phillips. La diversité des enchérisseurs annoncés par Christie’s, issue de 36 pays, prouve que la demande s’est véritablement globalisée sur ce segment de marché.

Rufino Tamayo, leader incontesté des ventes

Chez Christie’s comme chez Sotheby’s, les plus belles adjudications se sont portées sur Rufino TAMAYO(1899-1991) avec deux sujets similaires : le Sandias offert chez Christie’s est parti à hauteur de 2,16m$ et la nature morte Sandías y naranja (1957) de Sotheby’s a outrepassé les attentes avec un résultat emporté à 2,29 m$, soit près de 500 000 $ au-dessus de son estimation la plus optimiste. Cette toile de 1957, représentant trois délicieuses tranches de pastèque, avait été achetée un peu moins de 500 000 $ en 1997 chez Christie’s… une bonne affaire pour adjudicataire de l’époque qui a vu le prix de son œuvre multiplié par 4,6 en 20 ans. Tamayo est l’un des grands artistes mexicain (avec Rivera, Siqueiros et Orozco) ayant obtenu reconnaissance internationale de son vivant, notamment à New York dès les années 1920′. Dans les années 40′, son rayonnement est tel qu’on expose ses oeuvres à côté de celles Balthus, Matisse, Miró et Picasso, puis les années 50′ le consacre avec une salle Tamayo à la Biennale de Venise et l’obtention du premier prix de la Biennale de Sao Paulo en 1953. Le marché de Tamayo a toujours été dynamique, depuis New York essentiellement. Les meilleures toiles cotaient déjà plusieurs centaines de milliers de dollars il y a 25 ans, puis les prix ont explosé en 2008 (avec deux records : 7,2 m$ pour Trovador, 1945 et 6,8 m$ pour America, 1955), et se sont assagis pour repartir plus sereinement, avec une hausse de +28% de l’indice des prix depuis 2010.

Les plus belles enchères

Neuf nouveaux records enregistrés sont a signaler du côté de Christie’s, pour Pablo Atchugarry, Guillermo Kuitca et d’Esterio Segura, ainsi que six nouveaux records pour des artistes cubains. Signalons aussi le très beau résultat de Sergio DE CAMARGO (1930-1990) qui se retrouve régulièrement en tête des meilleurs vacations du genre depuis cinq ou six ans. Son Untitled (Relief No. 325) est parti pour 1,5 m$ chez Sotheby’s, intégrant le top 10 de ses meilleures enchères. Autre signature leader de ces ventes, Joaquín TORRES GARCÍA (1874-1949) a atteint 775 500$ chez Sotheby’s pour le Port of New York datée de 1923. Artiste moderne le plus célèbre d’Uruguay, la toile révèle son style issu de l’Universalisme constructif et son intérêt pour les avant-gardes européennes.

L’oeuvre la plus attendue de ces ventes était un portrait de Frida KAHLONiña con collar (Fille avec un collier, chez Sotheby’s), redécouverte l’été dernier après être restée durant plusieurs décennies accrochée dans une maison en Californie. Frida Kahlo était âgée de 20 ans lorsqu’elle réalisa ce portrait hiératique et coloré, évoquant la stature des icônes byzantines. C’est Diego Rivera lui-même qui offrit l’oeuvre, en 1955, à une femme ayant assisté Frida dans son atelier. Frida Kahlo étant la signature la plus rare et la plus mythique de la scène mexicaine (seules 21 toiles furent proposées aux enchères en 30 ans), la toile a trouvé preneur pour plus de 1,8m$, dans son estimation.

Signalons encore le succès de Fernando BOTERO, très présent lors de ces ventes, qui emporte plusieurs résultats millionnaires en peinture comme en sculpture, et celui de Diego RIVERA, dont le paysage cubiste de Paisaje cerca de toledo (1913) est parti dans son estimation pour 1,2 m$ (Sotheby’s) et dont le Retrato de Marevna (1916) signe le meilleur résultat de Phillips, à hauteur de 970 000$.

Vif succès pour les artistes Cubains

Le rapprochement diplomatique entre les Etats-Unis et Cuba focalise l’attention sur la scène cubaine, dont les artistes modernes et contemporains émergent de plus en plus fermement dans les cessions de ventes new-yorkaises. Christie’s offrait une sélection d’oeuvre cubaines issues d’une collection privée. Résultat : avec six nouveaux records au compteur (Mariano Rodriguez (1912-1990), Fidelio Ponce de León (1895-1949), Carlos Enríquez (1900-1957), René Portocarrero (1912-1985), Victor Manuel (1897-1969), Domingo Ramos (1894-1956)), le volet cubain fut une véritable réussite, menée par l’oeuvre Pelea de gallos de Mariano RODRIGUEZ vendue un peu au-dessus du million de dollars. Plusieurs œuvres ont largement excédées les estimations, dont Héroe criollo de Carlos ENRIQUEZ GOMEZ cédée 967 500$, plus du double de son estimation basse. Phillips consacrait pour sa part un focus sur des artistes cubains fondateurs, dont Mario Carreño, Loló Soldevilla, Sandú Darié, José Mijares, Pedro de Oraá, Salvador Corratgé, José Rosabal et Manuel MENDIVE. La célèbre Tania BRUGUERA était aussi représentée, avec une grande photographie de (ed. 5/10) issue de la performance El Peso de la culpa cédée 12 500$.

Le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba encourage les investisseurs, tandis que les propositions artistiques et les galeries multiplient leurs efforts sur place. Citons le succès de la Fabrique (FAC) lieu culturel pluridisciplinaire de Cuba créé en 2014 par l’artiste cubain Kcho, ou encore l’implantation de la galerie Continua à la Havane qui présentait ces derniers mois des œuvres de Pistoletto, Daniel Buren, Pascal Marthine Tayou et Kader Attia… Le rayonnement de Cuba est en cours, malgré les inquiétudes de certains acteurs culturels sur la fin de l’exception cubaine qui a constitué jusqu’à présent la sève de la création insulaire.