La sublime collection baroque de Fisch-Davidson

[04/11/2022]

L’une des plus grandes collections privées d’art baroque arrive sur le marché. Sotheby’s a l’honneur d’assurer la dispersion de cet ensemble unique, présenté comme la plus grande collection privée de chefs-d’œuvre baroques rassemblés à l’époque moderne. Un ensemble  de qualité muséale privilégiant les scènes puissantes, les élans passionnels, les mouvements contradictoires, les contrastes exacerbés, les drapés fouillés… à travers des sujets bibliques propres à l’esthétique baroque.

Une Madeleine pénitente aux yeux révulsés, un Saint Barthélemy muni du couteau qui le dépouilla de sa propre peau, un Christ couronné d’épines, une décapitation sanglante d’Holopherne, une autre de Jean-Baptiste…. “ce qui distingue la collection Fisch Davidson est le niveau soutenu de qualité des peintures, combiné à une volonté d’embrasser des sujets puissants que certains collectionneurs pourraient trouver “difficiles” relève Keith Christiansen, ancien conservateur en chef des peintures européennes du Metropolitan Museum of Art de New York.

Orazio Gentileschi, Marie Madeleine

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Keith Christiansen connaît parfaitement ces œuvres baroques d’exception. Il connaît également bien Mark Fisch ainsi que son ex-épouse Rachel Davidson, ayant été à la fois conseiller pour leurs acquisitions, et témoin de leur générosité envers le département des peintures européennes du Met, dont Mark Fisch est membre du conseil d’administration. L’ancien promoteur immobilier à la retraite Mark Fisch est en effet à l’origine de certaines des plus importantes acquisitions du musée américain.

Le couple Fisch-Davidson est en instance de divorce. Une situation qui motive certainement  la dispersion de leur collection, comme ce fut le cas pour l’incroyable collection Macklowe, dont les deux sessions de ventes ont cumulé 922,2m$ chez Sotheby’s entre l’automne 2021 et le printemps 2022. 

Un Rubens majeur attendu le 26 janvier

Sotheby’s a fixé la date du 26 janvier 2023, pendant la Masters Week de New York, pour mettre aux enchères dix chefs-d’œuvre baroques issus de la collection Fisch-Davidson, dont le montant global est estimé à 117 millions de dollars. Ces oeuvres ont été exposées par le passé au Met, à la National Gallery de Londres et au musée du Prado à Madrid, sous les signatures de Georges DE LA TOUR, Orazio GENTILESCHI, Bernardo CAVALLINO, et VALENTIN DE BOULOGNE, dont le Christ à la couronne est un chef-d’oeuvre du début du baroque ayant fait partie de la collection Taubman, avant d’être vendu pour 5,2m$ en 2016, chez Sotheby’s (The Crowning with Thorns).

Rubens, The Head of John the Baptist presented to Salome, c. 1609

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Mais le clou de la vente est un somptueux tableau de Peter Paul RUBENS, dont Sotheby’s espère 35 millions de dollars, ce qui en aurait fait le troisième Rubens le plus coté aux enchères. Il s’agit d’une scène dramatique ou la tête fraîchement décollée de Jean-Baptiste est présentée à Salomé (The Head of John the Baptist presented to Salome, 125 x 137 cm). Réalisé vers 1609, le tableau intègre une collection privée française dans les années 1760 puis disparaît, pour refaire surface deux siècles plus tard. La famille française qui le redécouvre dans sa collection pense alors avoir affaire à un élève de Rubens, et non du maître lui-même. Après sa ré-attribution à Rubens, le tableau est vendu aux enchères pour 5,2m$, en 1998. Aujourd’hui, Sotheby’s estime qu’il vaut six fois plus, mais s’il dépassait son estimation haute, il compterait parmi les œuvres de maîtres anciens les plus chères jamais vendues aux enchères.

Cette scène du Nouveau Testament fut peinte en même temps qu’un autre chef-d’œuvre de l’artiste : Le Massacre des innocents, vendu au prix record de 76,7m$ chez Sotheby’s à Londres, il y a 20 ans. Le Massacre des Innocents devenait alors le plus cher tableau ancien jamais vendu aux enchères. Cette huile sur panneau avait été estimée entre 4 et 6 millions de Livres sterling, mais la fièvre emportant la salle du New Bond Street menait le marteau à hauteur de 45 millions de Livres sterling. Un tel montant hissait alors Rubens à la deuxième place des plus hauts prix jamais atteints aux enchères.