La sculpture contemporaine au firmament

[15/06/2008]

 

Dans le domaine de l’art actuel, la sculpture, notamment sous sa forme d’installation, est un médium particulièrement apprécié. Les collectionneurs s’arrachent désormais à coup de dizaines de millions de dollars les pièces monumentales de Koons, Hirst et Murakami. Artprice fait le point sur le marché très médiatique de ces jeunes artistes, tous nés après 1945.
En moins d’un an, les enchères millionnaires pour des œuvres actuelles à trois dimensions se sont multipliées. En 2007, 14 pièces ont atteint le million de $. Sur les 6 premiers mois de l’année 2008, pas moins de 18 œuvres ont atteint ce seuil…

Aujourd’hui, la sculpture valorisée à coup de millions est fort éloignée de sa conception classique exprimée au XXème siècle par les modernes tels que Constantin Brancusi, Artistide Maillol ou Alberto Giacometti. Avant, sculpter désignait le fait de tailler ou de creuser, autrement dit d’enlever de la masse volumique pour mettre une image au jour. Aujourd’hui, les artistes de renoms conçoivent les œuvres et pour les réaliser travaillent à la tête de véritables fabriques dans lesquelles le champ des techniques, des matériaux et des dimensions varient à l’infini. Certaines œuvres sont aussi conçues comme de véritables épreuves scientifiques et techniques. Les compositions monumentales, voir architecturales, en acier de Richard SERRA sont la parfaite expression de la démesure de l’œuvre d’art qui flirte avec une nouvelle conception de l’espace et dont la mise en œuvre elle-même s’avère être une prouesse technique.

Dans cette ère industrielle, le multiple à grand tirage tient aussi une place de choix pour permettre aux amateurs de s’offrir quelques pièces symboliques pour quelques milliers d’euros. En effet, si Jeff KOONS, Damien HIRST et Takashi MURAKAMI savent se vendre plusieurs millions d’euros, ils proposent aussi sur le marché nombre de productions accessibles à leurs fans ! Ils répondent aux consommateurs d’œuvres d’art actuel par de réguliers tirages à trois dimensions. Mais ces productions à grands tirages s’arrachent de plus en plus. Les Ballon Dog en porcelaine métallisée édités par Jeff Koons à 2300 exemplaires, se négociaient entre 1 200 et 1 800 euros en 2002 tandis qu’il faut débourser entre 3 000 et 5 000 euros aujourd’hui. Ses Puppies, de petits vases en porcelaine blanche de 45 cm de haut produits à 3 000 exemplaires, s’échangent dans la même fourchette de prix.

Aujourd’hui, Jeff Koons est le plus coté de tous avec une enchère de 21 millions de $ pour Hanging Heart (Magenta/Gold) le 14 novembre 2007 chez Sotheby’s. Ce coeur rouge de 3 mètres de haut, était tellement «frais» que son propriétaire, Adam Lindemann, l’a sorti tout droit d’un entrepôt sans l’avoir jamais exposé. Dans les années 80, Jeff Koons détourne des objets de consommation courante comme des aspirateurs, des ballons de basket ou divers bibelots. Contrairement à Duchamp qui, avec ses ready made, ne cherchait pas de délectation esthétique en exposant des objets triviaux, Koons glorifie les produits de consommation dans une esthétique Pop. L’artiste américain ambitionnait de toucher le plus grand nombre en optant pour la culture populaire… Pari réussi ! Les premiers collectionneurs de Jeff Koons peuvent se féliciter de leurs acquisitions. Par exemple, le meilleur enchérisseur pour Two ball 50/50 tank dispersée le 7 mai 1992 chez Sotheby´s NY emporta l’installation pour 65 000 dollars. Cette œuvre de la série Equilibrium contient deux ballons de basket à moitié immergés dans un aquarium et fut conçue grâce à l’aide du Dr. Richard Feynman, Prix Nobel de Physique. En 2000, elle partit pour 220 000 dollars chez Phillips NY, tandis qu´une version plus grande avec trois ballons doubla presque cette mise en 2005 (420 000 dollars, Christie’s NY).

Damien Hirst, le fer de lance des Young British Artists, est le second artiste contemporain le plus coté avec une enchère de 8,6 millions de £ (plus de 17 millions de $) en juin 2007 pour Lullaby Spring, une importante armoire à pharmacie métallique contenant 6.136 pilules peintes individuellement. De gré à gré, le 30 août 2007, la White Cube aurait par ailleurs vendu pour 100 millions de $ For The Love Of God , un crâne en platine recouvert de 8601 diamants. Jamais une oeuvre vendue du vivant de son auteur n’avait été négociée aussi cher jusqu’à présent. L’année 2007 fut faste pour l’artiste détenteur du Turner Prize 1995 car sa cote a augmenté de près de 270% sur douze mois… Mais l’envolée des prix n’est pas récente. En 1992, son installation intitulée God, était ravalée à 4 000 £ à Londres. Six ans après, elle était emportée à 170 000 £. Désormais, le moindre souvenir issu du contenu du restaurant Pharmacy et « brandé » Hirst s’arrache comme une icône du marché. Ainsi un simple assemblage de bouteilles de vin, menus, cartes de visite provenant du célèbre restaurant partait pour 420 euros en mars 2007.

Le troisième météore du marché nous vient du pays du soleil levant. En mai dernier Takashi Murakami a vu l’une de ses spectaculaires sculpture manga s’envoler à 13,5 millions de $ à New York. My lonesome cowboy, sculpture représentant l’éjaculation triomphante d’un satyre version manga, était estimée 3 – 4 millions de $. Pour autant, les amateurs trouvent aussi sur le marché nombre de petites figurines en plastique ou en peluche dont les prix s’échelonnent de quelques dizaines d’euros à quelques centaines d’euros selon les modèles et les tirages. Par exemple, Superfalt museum un ensemble complet de 10 petits personnages en PVC est parti pour 350 € en mai chez Pandolfini Casa d’Aste (Florence).

Dans le sillage des trois leaders suit le très contesté Maurizio CATTELAN, avec une enchère à 2,7 millions de $ en 2004 pour La Nona Ora : la provoquante installation, représentant le pape écrasé par une météorite, avait choqué les visiteurs de la Royal Academy of Arts de Londres et de la Biennale de Venise quelques années plus tôt. Quant à Robert GOBER, le 15 mai dernier, une de ses installations représentant une jambe (avec pantalon et chaussure) disposée comme sortant d’un mur s’est envolée à 3,2 millions de $. L’indien Anish KAPOOR s’est élevé à la sixième position des sculpteurs actuels les plus cotés grâce à une importante sculpture en albâtre de plus d’1,5 mètre partie pour 2,5 millions de $ en décembre 2007. Mais contrairement aux icônes du marché (Koons, Hirst et Murakami), ces trois artistes n’ont pas développé de marché alternatif destiné au plus grand nombre. Annuellement, pour chacun d’eux, les collectionneurs ne voient passer aux enchères qu’une dizaine de pièces.