La photographie de l’intime selon Nan Goldin

[10/09/2006]

 

Nan Goldin est une photographe américaine née en 1953 qui a constitué un journal intime en 30 années de prises de vues. La vie et l’œuvre ne font qu’un chez cette artiste qui commence à photographier les membres de sa famille de façon quasi obsessionnelle à la suite du suicide de sa sœur. Elle s’attache ensuite à sa « famille élargie », celle de son environnement amical et amoureux. Ses clichés intimes, d’abord en noir et blanc, puis aux couleurs saturées dès 1978, sont marqués par une étroite relation avec le sujet. La production des années 1980 et 1990 reflète, via les proches qui partagent sa vie, nombre de tabous sociaux : omniprésence de la drogue, du sida, de drag queens, dressant le panorama d’un monde marginalisé et rythmé par des scènes de tendresse, de détresse, de solitude, de paix, d’échanges amicaux ou sexuels. Après une rétrospective parisienne qui fit grand bruit (du 11 octobre au 10 décembre 2001 au centre Georges Pompidou de Paris), l’artiste a été honorée en juin 2006 par la remise des insignes de commandeur dans l’ordre des arts et des lettres par Renaud Donnedieu de Vabres.

En 1996, Nan Goldin fut consacrée par une rétrospective intitulée I’ll be your mirror au prestigieux Whitney Museum of Art de New-York. Cette reconnaissance fit grimper fortement sa cote entre 1997 et 2000 (bond de près de +200%). Face à la profusion d’œuvres proposées sur le marché pendant cette période, l’année 2000 répondit par une hausse de +150% du taux d’invendus ! Depuis 2003, la cote de l’artiste s’est stabilisée et la frénésie spéculative de la fin des années 90 à rendu les collectionneurs plus prudents. Le cliché At the Bar : Toon and So, Bangkok par exemple, qui s’échangeait autour de 30 000 € en 2000, et qui a culminé à l’adjudication record de 36 000 $ (soit 39 497 €) le 17 mai 2000 chez Christie’s NY, a fortement décoté depuis. Le 12 mai dernier, le même cliché était enlevé pour 15 000 $ seulement (soit 11 751 €) chez Philips, de Pury & Company NY.
Les enchères à plus de 10 000 € se font de plus en plus rares : 80% des adjudications sont inférieures à ce seuil. Il est même possible d’acquérir un format important pour moins de 3 000 €, comme Siobhan with a cigarette, Berlin ( 69,5 x 105,5 cm) qui parti pour 3 000 $ (2 464 €) le 8 avril 2006 chez Philips, de Pury & Company, NY. Les autoportraits et les clichés ayant bénéficié d’une large couverture médiatique sont très prisés. Citons Jimmy Paulette after the Parade, cliché d’un drag queen aux traits tirés après une nuit de festivité. L’épreuve, datée de 1991, est l’une des plus diffusée de Goldin, si bien que malgré son tirage à 100 exemplaires, elle a triplé son estimation le 21 mars 2006 pour décrocher 3 800 € chez Sotheby’s Amsterdam.

Près de 80% du produit des ventes est réalisé par les maisons anglo-saxonnes (pour 50 % des transactions), mais l’artiste vit depuis peu à Paris ou sont tout de même réalisées plus de 10% des transactions. Les prix chutent à partir d’un tirage à 100 exemplaires ou plus. Ces gros tirages ont du mal à trouver preneur, car les amateurs cherchent en priorité des clichés plus rares, bien qu’ils soient généralement accessibles pour moins de 1 000 €. Par exemple, le cliché Clemens at lunch at Café de Saac, Lacoste, tiré à 500 exemplaires, fut ravalé le 20 mars 2006 chez Cornette de Saint-Cyr Paris pour une estimation basse à 500 €. Lors de cette même vente, les collectionneurs ont préféré une épreuve plus importante tirée à 25 exemplaires : Yogo modeling on Stage, Second Tipp Bar, Bangkok, qui décrochait 11 500 € (68 x 100 cm) alors qu’elle se voyait ravalée il y a deux ans chez le même auctionneer (18 octobre 2004). Récemment, l’artiste a élargi son champ de création aux paysages. Encore rare en vente, cette production apaisée est loin de l’atmosphère « trash » des œuvres précédentes.