La Figuration Libre – L’art décomplexé

[13/09/2007]

 

L’humour, la spontanéité, un langage populaire et décomplexé définissent la Figuration Libre. La naissance du mouvement remonte à 1981, lorsque Bernard Lamarche-Vadel exposa dans son appartement parisien des œuvres de Rémy Blanchard, François Boisrond, Robert Combas et Hervé Di Rosa. Point commun entre ces artistes ? des couleurs vives, une figuration rafraîchissante, nourrie de bande dessinée, de publicité et de vie quotidienne…. des univers accessibles à tous, loin d’un quelconque élitisme artistique.

Parmi les artistes français de la Figuration libre, seul Robert COMBAS ouvre véritablement les frontières du mouvement par sa présence dans des ventes aux enchères à l’étranger (5% des transactions). Les œuvres d’Hervé & Richard DI ROSA, de Jérôme MESNAGER, de François BOISROND ou de Rémy BLANCHARD sont quant à elles restreintes au marché français. Précisons qu’en Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, s’expriment des mouvements d’une sensibilité proche des artistes français (Nouveaux Fauves, Trans-avant-garde et Bad Painting). Ces trois pays défendent donc plus promptement leurs artistes avant de porter leur attention sur la création de l’hexagone.

Le marché de la Figuration libre est dominé par Robert Combas qui détient le plus beau résultat aux enchères pour La fiancée de Belmondo (1984). L’œuvre eut une aventure tumultueuse en ventes publiques : adjugée l’équivalent de 68 600 euros en 1990 chez Poulain-Le Fur (450 000 francs), elle fut à nouveau soumise aux enchérisseurs à trois reprises entre 2001 et 2005 pour changer de main au tiers de l’adjudication de 1990 (21 000 euros en mai 2005 chez Tajan)… La dépréciation de la Fiancée ne témoigne pas d’une désaffection des acheteurs. Rappelons que l’enchère de 1990 tomba au plus fort de la bulle spéculative et que Combas décrocha pas moins de 60 000 euros pour son monumental Jumelage Sète-Marseille (210 x 650 cm, 1984-1987) dispersé chez Cornette de Saint-Cyr en octobre 2004. Pour le même montant, en avril 2007, c’est une œuvre nettement moins grande (250×215 cm) et plus tardive (1992) intitulée Brave Margot, d’après une chanson de Georges Brassens qui changea de main chez Artcurial.

Robert Combas est extrêmement productif, mais produire en quantité implique un tri sévère pour maintenir un continuum qualitatif. Ainsi, il faut maintenant débourser en moyenne moins de 10 000 euros pour une toile (à titre d’exemple, Sado Masso en gant et string de latex et le bonnet de bain, une huile de 65×54 cm s’échangea 5 000 euros chez Meeting Art en Italie le 23 juin 2007) ; mais on pourra quintupler la mise pour emporter une œuvre majeure. Créateur insatiable, son inventivité se manifeste sur tous types de supports : toile, tissu, détournement de dessins académiques dénichés aux puces (série des Tatouages académiques entre 2 500 et 3 000 euros en moyenne). Même ses pinceaux usés sont récupérés pour former des crucifix qui s’échangent en moyenne entre 1 500 et 2 500 euros, alors qu’il fut possible d’en faire l’acquisition pour seulement 900 euros en 2004 (Pinceaux crucifix, 35 cm, vente Charbonneaux, Paris). Ses dessins poursuivent aussi une belle ascension : leur indice a augmenté globalement de plus de +160% depuis 2001. D’ailleurs, son travail au feutre intitulé Le Photographe fut adjugé pour 1 400 francs, soit 210 euros environ en mars 2001 chez Charbonneaux, puis revendu deux ans plus tard pour 500 euros chez Cornette de Saint-Cyr.

En l’absence de toute spéculation européenne ou internationale, les autres artistes de la Figuration Libre sont abordables avec 73% des adjudications inférieures à 5 000 euros et seulement 13% au-delà de 10 000 euros. Les toiles d’Hervé DI ROSA, peuplées de personnages drôles et fantaisistes, traduisent bien cette tendance. Plébiscitées dans les années 80, elles renouèrent avec le succès après 15 années de résultats ternes : entre 2000 et juin 2007 quatre toiles atteignirent (et dépassèrent parfois) le seuil des 10 000 euros, a l’instar du Dernier bastion, une acrylique de 1984 enlevée pour 10 000 euros en février 2006 chez Artcurial. L’imaginaire pictural d’Hervé gagna une troisième dimension dès 1981 grâce aux talents de son frère Richard, qui traduisit l’univers ludique de ses tableaux dans des sculptures hautes en couleurs. Au fil des années, l’univers de Richard se diversifia et séduisit un public toujours plus large, notamment grâce à des prix abordables : 90% de ses œuvres sont adjugées moins de 3 500 euros. En juin 2007, par exemple, une sculpture en bois laqué trouva preneur pour 1 200 euros chez Cornette de Saint-Cyr, tandis qu’un petit plâtre de 2006 aux couleurs solaires changea de main pour 200 euros seulement le mois suivant chez Osenat (Fontainebleau, 2 x 18 x 12 cm).

L’effondrement du marché dans les années 90 frappa François Boisrond de plein fouet mais l’artiste retrouva la confiance des acheteurs en 2000 et signe depuis des adjudications supérieures à 10 000 euros pour des toiles de belle qualité. En juin 2007, il déclencha une belle bataille d’enchères pour une grande acrylique de 1995 : intitulée Les derniers jours de Pompeï , elle tripla son estimation pour s’arracher à 23 000 euros chez P.Bergé-Buffetaud-Godeau-Chambre-De Nicolay…. et signa son record.

L’œuvre de Rémy Blanchard a également bénéficié d’un regain d’enthousiasme. Comme Boisrond, l’année 2007 signa sa plus belle enchère pour l’acrylique Fisherman’s Wharf de 1988, proposée par Champion-Kusel (Nîmes) au printemps. La toile partit pour un coup de marteau à 15 200 euros, trois fois au-delà des premières estimations. Quelques œuvres de Blanchard sont timidement proposées Outre-Atlantique. Ce fut le cas le 22 mai 2007 lors d’une vacation de Bonhams & Butterfields à Los Angeles où une huile sans titre d’un mètre fut adjugée 4 000 dollars, soit un peu moins de 3 000 euros….

D’autres territoires de la Figuration libre demeurent balbutiants, inconnus ou presque des ventes publiques, comme le groupe Bazooka ou les Musulmans fumants. Ces œuvres encore confidentielles pourraient faire surface prochainement en s’immisçant dans la brèche ouverte par Didier CHAMIZO. Libéré en 1993 après 10 années de détention, l’artiste s’est familiarisé avec le monde des enchères en 2006 seulement. Son succès fut immédiat avec une première adjudication au double de son estimation basse : soit un coup de marteau à 16 500 euros pour l’acrylique Ne courez pas, nous sommes vos amis chez Cornette de Saint-Cyr.