La cote explosive de Günther Förg

[29/04/2022]

Les grands artistes allemands ont le vent en poupe ! Exemple avec Günther Förg dont l’indice des prix a grimpé de plus de 600 % en 20 ans.

 

L’Allemagne est un des rares pays dont le marché des enchères n’a pas vraiment souffert de la crise sanitaire ces deux dernières années. À contre-courant des autres places de marché occidentales, son résultat était même en hausse en 2020 et sa santé telle qu’un record historique fut enregistré l’année suivante, sous le chiffre de 357m$, résultat annuel des transactions d’œuvres d’art aux enchères sur place.

Que se passe-t-il en Allemagne ? Si le nombre d’œuvres en circulation n’a pas progressé sur le sol allemand, il semble que leurs grands artistes du siècle dernier fassent l’objet d’une demande toujours plus tendue, tant sur le plan national qu’international, ce qui en augmente fortement les prix. La cote des artistes allemands progresse, et Förg fait partie des envolées les plus spectaculaires, avec sa croissance de 617% en 20 ans. Doit-il vraiment cet élan aux collectionneurs allemands? C’est la question que nous nous sommes posée en observant l’évolution de son marché.

 

Évolution de l’indice des prix des principaux artistes du marché allemand depuis 2000

Emil NOLDE , 68% des lots vendus en Allemagne                                     +37%

Hermann Max PECHSTEIN, 80% des lots vendus en Allemagne         +62%

Ernst Ludwig KIRCHNER, 47% des lots vendus en Allemagne              +94%

Sigmar POLKE, 66% des lots vendus en Allemagne                                   +379%

Günther FÖRG, 49% des lots vendus en Allemagne                                   +617%

Gerhard RICHTER, 42% des lots vendus en Allemagne                           +698%

Albert OEHLEN, 50% des lots vendus en Allemagne                                 +3.601%

100 $ investis en 2000 dans une toile de Günther FÖRG valent en moyenne 717 $ (+617%) aujourd’hui.

 

Élu par Hauser & Wirth

Günther Förg (1952-2013) s’est inlassablement engagé dans la création tout en menant une réflexion provocatrice sur l’art du XXe siècle, d’abord en réaction au minimalisme de Kazimir Malevich, puis à l’abstraction formelle de Blinky Palermo et à l’expressionnisme abstrait de Clyfford Still et Mark Rothko. Sa carrière commence au début des années 1970 : en tant qu’étudiant à l’Académie des Beaux-Arts de Munich, il développe une pratique fondée sur le monochrome gris et noir, témoignant de son engagement envers le conceptualisme. Mais le travail ne va pas cesser d’évoluer tout au long de sa carrière… Après l’exploration de couleurs neutres, il incorpore la couleur, puis diversifie les matériaux, commence à utiliser des photographies de structures architecturales importantes sur le plan culturel et politique. (bâtiments du Bauhaus à Tel-Aviv, constructions fascistes en Italie…), choisies pour leur clarté et leur rationalité. Les peintures précédemment réalisées étaient également rationnelles et dépouillées de tout superflu, “un peu comme des peintures réduites à la peinture elle-même, à leur propre essence”, disait-il.

Pendant quelques années, Förg poursuit une pratique purement photographique en réaction contre la peinture qu’il abandonne un temps. En parallèle, il expérimente l’espace d’exposition en peignant directement sur les murs et en positionnant des photographies contre ses propres peintures murales. Dans les années 2000, son vrai retour à la peinture se pare de couleurs vives et d’une gestuelle plus expressionniste, convoquant les griffonnages de Cy Twombly.

En quatre décennies, Förg a construit une œuvre multidisciplinaire et audacieuse qui défie l’évidence d’une catégorisation. Cette création habile et pleine d’esprit lui a valu d’être acclamé par la critique et exposé dans les plus grands musées internationaux, notamment au Museum of Modern Art de San Francisco (1989), au Musée d’Art Moderne de Ville de Paris (1991), au Musée Reina Sofia de Madrid (1999) ou encore à la Fondation Beyeler à Bâle (2010). Plus récemment, son travail a séduit l’une des galeries les plus puissantes de la planète : Hauser & Wirth, qui assure la succession de l’artiste depuis 2018. Derrière l’enseigne Hauser & Wirth se trouve un couple qui, en 30 ans d’activité, s’est imposé comme un acteur majeur du marché de l’art international, fort d’un véritable empire de 13 antennes dans 11 villes du monde : New York, Los Angeles, Londres, Hong Kong, le Somerset, Southampton, Gstaad, St-Moritz, Zurich, Monaco et Minorque.

Hauser & Wirth travaille au catalogue raisonné des œuvres de Förg (outil de référence indispensable à tout marchand et collectionneur), tout en améliorant le rayonnement de l’artiste en Asie et aux États-Unis via des expositions. L’objectif de la galerie est que la contribution de Förg à l’histoire de l’art du XXe siècle se développe encore à l’échelle internationale, qu’il soit adoubé comme un artiste de premier plan. Hauser & Wirth organisait une première exposition consacrée à Förg aux États-Unis au printemps 2019 et, depuis le début de l’année 2022, au Tarmak22 à Gstaad et à Los Angeles. Ce surcroît de visibilité, auprès des publics mais surtout auprès des grands collectionneurs du monde attachés à la galerie Hauser & Wirth, a déjà modifié la structure du marché de l’artiste.

Tension internationale

Depuis que la galerie Hauser & Wirth défend son travail à grande échelle, la cote de Gunther Förg (qui était déjà sur une pente ascendante après sa disparition en 2013), a grimpé en flèche, avec une hausse du prix des œuvres de plus de +100% depuis 2018.

Surtout, on assiste à un déplacement du marché au profit de New York et de Londres. 70% du volume d’affaires de Günther Förg provient de ces deux pôles (50% au Royaume-Uni en 2021 et 20% aux Etats-Unis), 11% provient du marché français et 10% seulement d’Allemagne.

Avant la représentation de l’artiste par Hauser & Wirth, le marché allemand avait deux fois plus de poids… En effet, les œuvres les plus belles et les plus chères se vendent désormais en-dehors du territoire. Aucune toile suffisamment importante pour dépasser le million de dollars n’a encore été vendue en Allemagne alors que quatre ont dépassé ce seuil de prix à Paris, Londres et New York. La dernière en date, une toile colorée des années 2000 vendue chez Phillips Londres, est partie pour 1,15m$ en mars dernier (Ohne titel). La première œuvre classée au palmarès allemand tient la 20ème position. Elle se vendait à Berlin pour près de 500 000$ en 2020 contre une estimation initiale trois fois moindre (Metro 3)… C’est là que la force du marché international opère en Allemagne, en tirant très fortement vers le haut le prix des plus belles œuvres proposées sur place.

Article à retrouver dans notre magazine partenaire Gestion de Fortunes