La cote du design – Pierre Paulin (1927)
[23/06/2008]
En 2007, Pierre PAULIN fêtait ses 80 ans, ses 60 ans de collaboration avec Artifort et inaugurait une exposition monographique réunissant une centaine de pièces sous le titre « Pierre Paulin : Superdesigner » (Villa Noailles, France). En 2008, cette exposition a voyagé en Belgique tandis que deux événements le consacraient à Paris : le prix de créateur de l’année au salon du Meuble (janvier 2008) et l’exposition Le design au pouvoir, hommage à quarante ans de collaboration entre Paulin et le Mobilier national (galerie des Gobelins, 2 Février 2008 au 27 Juillet 2008).
Cette actualité riche salue un parcours d’une grande densité, ponctué de commandes officielles prestigieuses, dont la création de mobilier pour le bureau du Président François Mitterrand (1971-72), l’aménagement des Grandes Galeries du Louvre (1968-75), l’aménagement intérieur des avions Airbus (1990) ou le réaménagement des salles à manger du palais de l’Elysée (1998).
A l’aube de sa carrière, Pierre Paulin est séduit par la sobriété et la modernité du design nordique et du design américain du couple Eames et de Florence Knoll. En 1953, les pièces exposées au salon des Arts Ménagers, puis celles éditées par Thonet-France l’année suivante, sont pétries de ces influences. Puis, le design vivement coloré de son ami Verner Panton devient une autre source d’inspiration.
Refusant la séduction gratuite du design Pop, les couleurs vives des sièges sont sa seule concession à la mode des années 60. Intransigeant, il concentre ses efforts sur la fonction et le confort avant tout, la sobriété et l’harmonie en second lieu, la poésie intervient dans un troisième temps. Il préfère l’esprit moderne à l’effet de mode, la juste proportion à l’invention.
Aujourd’hui, les collectionneurs affectionnent toujours ces sièges développés pour Artifort entre 1960 et 1970, garnis de mousse Pirelli et habillés de housses préfabriquées en tissu extensible coloré. Le modèle n°560, communément appelée “Mushroom” (champignon, 1959) et conçu comme une réécriture de la bergère ou du crapaud, est particulièrement prisé.
Le 12 mars 2008, Artcurial ouvrait sa vente dédiée à Paulin par un ensemble de l’emblématique série “Mushroom”. Composé d’une grande chauffeuse Big Mushroom, de deux chauffeuses et d’un ottoman, le lot doublait son estimation pour fleurter avec les 15 000 euros. Parmi les autres chauffeuses proposées, un Mushroom recouvert de jersey violet, tissu démocratisé par Paulin, partait pour 3 000 euros, au triple du prix atteint par sa « petite sœur » habillée d’une toile de laine verte.
Habituellement, une cinquantaine de lots de Paulin sont présentés chaque année aux enchères. Artcurial explosait ce quota en adjugeant 75 lots lors de la seule vacation du 12 mars : 46 sont partis pour moins de 5 000 euros dont une quinzaine de pièces adjugées moins de 1 000 euros. Les plus abordables sont des pièces aux lignes simples en résine ou en métal laqué : table basse carré 877 en résine marron éditée par Artifort, suite de trois fauteuils de jardin en ABS blanc, plafonnier en tôle de métal laqué et chromé, ou paire de chaises de 1955 recouvertes d’un vinyle vert kaki, éditées par Thonet et vendues moins de 500 euros ce 12 mars.
Outre ces pièces abordables, des prototypes et des séries limitées en provenance directe de la collection Paulin étaient proposés aux initiés. Le lot phare de la vente, un prototype de bibliothèque Elysée conçu entre 1969 et 1972, s’est envolé plus de 90 000 €. D’autres prototypes plus modestes, tables et sièges aux piétements « trèfle » en pétales rayonnants typiques des créations présentées au Salon des Arts Ménagers de 1969 et de la série Elysée, étaient accessibles entre 2 000 et 10 000 euros.
Autres pièces exceptionnelles, deux Ribbon Chair aux motifs psychédéliques datant de sa collaboration du designer avec Jack Lenor Larsen furent adjugées entre 10 000 et 15 000 euros chacune. Le fameux siège ruban est pourtant trois fois moins onéreux dans la réédition récente par Artifort. Les raisons d’une telle amplitude de prix ? Outre la qualité « vintage » des pièces, le tissu psychédélique en question est une réalisation exclusive pour Pierre Paulin, ce qui en fait un véritable collector !
Si sa présence est récurrente dans les vacations Françaises (Paris, Lyon et Marseille), son marché outre-Manche et outre-Atlantique demeure extrêmement restreint. Et pourtant ! La reconnaissance institutionnelle est internationale depuis 1966, date à laquelle Paulin entrait dans les collections du MoMA à New-York avec le siège F582, mieux connu sous l’appellation de Ribbon Chair. Depuis, ses créations figurent tant dans les collections du Musée des Arts Décoratifs à Paris que dans celles du Victoria and Albert Museum à Londres. A Londres justement, quelques meubles sont proposés de façon sporadiques chez Christie’s ou Sotheby’s : le 26 septembre 2007 par exemple, un élégant siège MODEL 545 en vinyle blanc, édité par Artifort vers 1963 se vendait moins de 1 500 euros. A New-York, Phillips de Pury intègre Paulin à quelques vacations de design: en mai 2007, le lampadaire Elysée et la table Rosace, créés dans les années 1971-72, sont restés invendus… Précisons que les estimations avaient de quoi décourager les amateurs ! En effet, la table rosace était proposée dans une fourchette d’estimation de 35 000 – 45 000 dollars. Six mois plus tard chez Artcurial à Paris, cette même table était accessible pour moins de 14 000 euros frais inclus !
Bien que tardif, l’engouement sans précédent dont Paulin bénéficie dynamise les rééditions. En 2000 déjà, Habitat diffusait une déclinaison de la banquette articulée Amphys en forme de serpent (1968-1970), originellement réalisée par l’Atelier de recherche et de création du Mobilier national pour le pavillon français de l’Exposition Universelle d’Osaka en 1970, puis éditée par Alpha International à partir de 1991.
Outre la Ribbon Chair, Artifort réédite plusieurs sièges des années 60-70 dont le fauteuil “Tongue” vendu pour moins de 1 500 euros à l’état neuf. La Ligne Roset enfin, réédite en 2008 le bureau CM141 (1954) rebaptisé Tanis, et la gamme PUMPKIN inspirée des assises qui ont meublé le salon aux tableaux du Palais de l’Elysée de 1971 à 1974. Pour autant, Paulin ne vit pas dans le passé, il concevait récemment une nouvelle création, le canapé Toune avec le mobilier national.