La convalescence de l’art contemporain

[06/07/2009]

 

Tandis que les auctioneers se réjouissent des ratios d’œuvres vendues pour les cessions d’art contemporains de Londres en juin (92,5% pour Sotheby’s, 88% pour Christie’s et 75% chez Phillips de Pury et Company), les enchérisseurs poursuivent leur philosophie de mesure et de prudence.

Le grand gagnant des vacations d’art contemporain de juin est Sotheby’s avec 21,85M£ dégagés en 37 coups de marteau le 25 juin au soir, inévitablement suivi par Christie’s avec 16,2M£ pour 35 lots vendus le 30 juin et Phillips de Pury et Company avec 6,07M£ enregistrés. Les trois auctioneers réunis affichent un maigre produit des ventes de 44,1M£ contre 176M£ en 2008.
La baisse de la livre sterling à 1,17€ (contre 1,30€ en juin 2008) fut avantageuse pour les Européens qui représentent 57% des acheteurs de la vente Sotheby’s, contre 24% d’Américains et 19% d’acheteurs asiatiques. L’auctioneer démarrait bien les enchères avec un premier lot de Jean DUBUFFET, la gouache Paris Plaisir III qui grimpait au-delà de son estimation haute pour un coup de marteau final à 270 000£ (445 000$). Les têtes d’affiche, Andy Warhol, Alexander Calder, Jean-Michel Basquiat et Peter Doig ont décroché des enchères millionnaires, mais l’estimation basse fut parfois difficile à passer.
Le plus beau résultat fut signé par Andy WARHOL pour une œuvre vierge de passage en salles : Mrs McCarthy and Mrs Brown (Tunafish disaster) de sa série Disaster. Elle partait à 3,3M£, soit 200 000£ sous l’estimation (soit 5,44M$). Le même cas de figure advint pour un autre Warhol, Hammer and Sickle, une nature morte à la faucille et au marteau adjugée quelques 250 000£ sous son estimation basse (1,75M£ au prix marteau). Les enchères d’Alexander CALDER et de Peter Doig furent plus dynamiques : une sculpture en bois rare et élégante de Calder, A cinq morceaux de bois, s’envolait au-delà des meilleures prévisions à 2,3M£ (est. 1,2-1,8M£) et la grande toile Almost Grown de Peter DOIG fut frappée au sommet de son estimation à 1,8M£ (près de 3M$). Le lendemain, Christie’s misait aussi sur une superbe toile de Peter Doig, Night Playground, qui emporta les enchères 650 000£ au-delà de l’estimation optimiste. La toile s’est arrachée 2,65M£ le 30 juin (près de 4,4M$). Christie’s plantait ici la troisième plus belle enchère, en livres sterling, du poulain de Saatchi, dont la cote prit une autre ampleur le 7 février 2007, jour où Sotheby’s adjugeait White Canoe pour 5,1M£ (l’équivalent de 10M$). Rares sont les records en temps de crise, mais Christie’s faisait exception à la règle grâce au 600 000£ (1M$) déboursés pour le diptyque d’Alighiero BOETTI, Rosso Gilera 60 1232 /Rosso Guzzi 60 1305 parti au double de son estimation.

Seules trois adjudications millionnaires furent frappées chez Christie’s : outre Doig, qui fut la plus belle enchère du jour, 1025 Farben (1025 Colours) de Gerhard RICHTER partait pour 1,2M£ (près de 2M$) contre une estimation basse de 1,3M£ et une Nurse de Richard PRINCE changeait de mains pour 1,5M£ (estimation basse, près de 2,5M£). L’année dernière, sa cote atteignait un pic et ce type de toile s’échangeait entre 2M£ et 4M£. En 2008, l’indice des prix de Richard Prince décollait d’ailleurs de près de 34% et son produit des ventes en salles culminait à 40M$ sur l’année.
Phillips, De Pury et Company ne signait pas d’adjudication millionnaire. Son plus beau coup de marteau tombait au bas de l’estimation de That Was Then This Is Now de l’artiste américain Ed RUSCHA, à 600 000£, soit 991 000$. Entre sa vente du jour et celle du soir, Phillips offrait 16 œuvres d’artistes chinois, soit près de 10% de ses œuvres contemporaines mises à enchères le 29 juin.
Deux beaux résultats d’art chinois furent enregistrés lors de la vente du soir : la grande toile aux visages hilares de YUE Minjun est partie pour 350 000£, soit 50 000£ au-dessus de l’estimation. Une belle réussite d’autant qu’une toile similaire fut adjugée l’équivalent de 214 400£ dans les mains de Phillips en mai 2006. Une toile de FENG Zhengjie, Chinese Portrait P Series 2006 No. 2, partait pour 81 000£ (300×400 cm). La réussite de cette dernière adjudication doit être relativisée car cette pièce est la plus grande de Feng soumise à enchères jusqu’alors, et demeure pourtant bien en-deça des prix frappés l’an dernier pour des toiles plus modestes de la même série. Rappelons en effet que six Chinese Portrait partaient à plus de 100 000£ en 2008. Les invendus sont signés ZHANG Xiaogang, YAN Pei-Ming et WANG Guangyi. On comprend que la toile Art Go de Wang Guangyi, très sombre et estimée entre 80 000-120 000£ n’ait pas trouvé preneur. En revanche, deux toiles de Guangyi plus représentatives de son style, Rolex et Prada, connaissaient le même sort le lendemain chez Christie’s. Les collectionneurs dont le budget d’acquisition est amputé ont préféré une toile de moindre dimension, iconographiquement dense et surtout moins cher, intitulée Harry Winston et frappée 20 000£ (environ 33 000$).