La Chine et l’art contemporain : Bilan

[26/10/2009]

 

L’art contemporain asiatique en général et chinois en particulier fut, ces cinq dernières années, l’un des marchés les plus brûlants aux enchères. Outre la découverte et la valorisation d’artistes désormais phares, le brusque éveil de l’art chinois dans les salles de ventes à partir de 2004 a généré des espoirs fous chez les artistes autochtones et stimulé de nombreux spéculateurs et fonds d’investissements, se pressant sur de jeunes signatures inconnues par peur de manquer la prochaine poule aux œufs d’or. La spéculation sur les signatures chinoises et les performances époustouflantes ainsi réalisées ont d’ailleurs largement contribué à gonfler la part de l’art contemporain sur le marché mondial (sur le marché des œuvres négociées à plus de 100 000 $, la part de l’art contemporain s’élevait en effet de 7.5% à 19.7% entre 2004 et 2008).

Il faut dire que l’art chinois contemporain ouvraient des perspectives de plus-values extraordinaires : affichant un indice de prix en progression de +500% entre 2004 et 2008. L’offre gonflait en réponse à une demande pressente, portant les contemporains chinois au niveau des contemporains anglais, américains, allemands et indiens les plus cotés : en 2002, il y avait un seul artiste chinois dans le TOP 100 mondial (classement par produit de ventes) ; il y en a 34 aujourd’hui, contre 20 américains.
Outre les contemporains chinois, des artistes thaïlandais, indonésiens, indiens, coréen rivalisent avec les grandes signatures de l’art occidental. Les artistes asiatiques sont en passe de dominer le marché de l’art contemporain mondial : ils sont aujourd’hui 44 à se disputer les places du Top 100, contre 27 européens. Pour la première fois cette année, le volume d’affaires réalisé en salles des ventes par l’art contemporain dans la zone Asie est supérieur à celui des Etats-Unis (130 M€ contre 123 M€, entre juillet 2008 et juin 2009). En dégageant 95M€ de produit des ventes d’art contemporain, entre juillet 2008 et juin 2009, la Chine impose sa troisième position mondiale dans ce secteur.

En intégrant l’Organisation mondiale du commerce, la Chine a autorisé l’arrivée de maisons d’enchères étrangères dont Christie’s, Sotheby’s et Bonhams qui ont ouvert une antenne à Hong Kong et Artcurial à Shangai (pour une unique cession en janvier 2008). Les formidables impulsions ainsi créées, couplées au dynamisme des maisons de ventes chinoises et à la puissance financière de Hongkong et de Shanghai imposaient en 2007 la Chine comme la troisième place de marché de l’art mondiale derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni. La France fait désormais pâle figure face à un tel déploiement de forces !

Il y a un an, l’impact de la crise mondiale sur le marché de l’art secouait en premier lieu la place de marché hongkongaise avant de gagner les ventes aux enchères new-yorkaises et le reste du monde. Entre octobre et novembre 2008 en effet, Christie’s et Sotheby’s orchestraient à Hong Kong leurs ventes d’art moderne et contemporain asiatique. Le taux d’invendus habituel enregistré pour ce type de vacations oscillait entre 9 et 14%, il culminait cette fois à 35%. Le 30 novembre 2008, la cession d’art asiatique de Christie’s fut un fiasco avec 44% d’œuvres contemporaines ravalées.
Entre juillet 2008 et juin 2009, la Chine perdait -63% de produit de ventes en matière d’art contemporain (95 M€, contre 259 M€ entre juillet 2007 et juin 2008) et l’indice des prix de l’art contemporain chinois chutait de près de 38%.
C’est dire combien les résultats d’octobre 2009 de l’antenne hongkongaise de Sotheby’s étaient attendus avec impatience. Elles donnent un premier bilan avant les vacations de novembre de Christie’s (29 et 30 novembre 2009, Hong Kong).

Le 6 octobre 2009 en effet, Sotheby’s orchestrait trois cessions d’art asiatique (20th Century Chinese Art, Modern and Contemporary Southeast Asian Paintings et Contemporary Asian Art) offrant plus de 380 œuvres d’artistes chinois, japonais, indiens, indonésiens et coréens, pour une estimation globale avoisinant les 25 M$. Pari réussi puisque l’auctioneer enregistrait 28 M$. Ce résultat demeure 5M$ en deçà des mêmes ventes d’octobre 2008 (entre le 4 et le 6 octobre) mais le taux d’invendus est retombé de 30% à 23% par rapport à l’an dernier.

Le succès des récentes vacations tient en partie à des fourchettes d’estimations plus mesurées. Parmi les habituelles signatures stars, ZHANG Xiaogang est sorti vainqueur en emportant une enchère de 1,5MHKD (environ 907 000$) pour son diptyque Comrade (6 octobre 2009). Cette adjudication, au-dessus de l’estimation haute, pourrait laisser croire que les indicateurs sont repassés au vert, ce qui n’est pas le cas. Elles révèlent seulement que la demande résiste à des prix plus raisonnables et que les maisons de ventes ont adapté leurs fourchettes d’estimation. Rappelons que Zhang Xiaogang était, avant la crise, un habitué des enchères millionnaires : s’il signait 12 enchères millionnaires en 2008 (en dollars), il n’atteignait pas une seule fois ce seuil en 2009.
De même, les 5,3MHKD (683 700$) décrochés par la toile de YUE MinjunHats Series – The Lovers pulvérisaient certes l’estimation haute de 3,5MHKD en 2009, mais une toile similaire se vendait 30% de plus en 2007! Le 30 novembre 2007 en effet, “Hands up, dont’s move!”, réalisée la même année (2004) que Hats Series – The Lovers, de mêmes dimensions, représentant aussi deux clones hilares, se hissait à 8 millions de yen, soit 1M$ chez Poly International Auction Co.

Le 6 octobre 2009 toujours, CAI Guoqiang, artiste phare qui orchestrait le spectacle pyrotechnique des Jeux Olympiques de Pékin puis celui des soixante ans du régime communiste en Chine, voyait son dessin Drawing for Spider Wed dispersé au bas de son estimation pour l’équivalent de 335 400$. Sa pièce phare de la vente, un chef-d’œuvre de 3 mètres sur 6 estimé entre 606 000 et 710 000 $ fut cependant ravalé.

L’ère spéculative achevée, le marché devient nettement plus abordable à travers le monde et notamment en Chine : au premier semestre 2008, le prix moyen des œuvres contemporaines vendues en Chine affichait 65 500$. A l’issue du premier semestre 2009, il était tombé à 26 800$.