La bulle spéculative du marché de l’art atteint son pic en novembre 2007

[21/01/2008]

 

Pour 2007, le marché de l’art affiche pour la 7ème année consécutive une hausse des prix. La progression annuelle à l’échelle mondiale s’élève à +18%. Elle accompagne un produit de ventes de Fine Art de 9,2 milliards de dollars, en progression de +43,8% sur l’année, gonflé par la multiplication des enchères millionnaires. Les marteaux des maisons de ventes sont tombés 1 254 au delà du million de dollars en 2007, contre 810 en 2006. 2006 affichait déjà un niveau de transactions jamais enregistré jusqu’alors. 2007 est un millésime hors norme.

La fin d’année, ponctuée de résultats époustouflants, notamment dans le domaine de l’art contemporain, spéculatif et volatil, était pourtant incertaine eux égards à une conjoncture défavorable. Entre la crainte de la facture de la crise des subprimes dévoilée dès le mois d’août, une bourse mondiale sensible et une économie américaine inquiète, rien ne laissait présager un marché de l’art fort en novembre et décembre 2007. Tellement soutenu que Sotheby’s enregistra sa meilleure vente de tous les temps le 14 novembre avec un résultat de 316 millions de $ pour sa vente « Contemporary Art Evening », devant les 286 millions de $ pour sa vente « Impressionist et Modern Art » de mai 1990. La veille, sa rivale Christie’s enregistra un chiffre d’affaires de 325 millions de $.

Afin de profiter de cet engouement, nombre d’acteurs ont remis sur le marché des pièces acquises quelques années plus tôt à des prix très en deçà de ceux négociés actuellement. Il suffit de consulter une sélection d’allers-retours pour voir à quel point l’œuvre d’art peut séduire en tant qu’actif spéculatif. Que dire de ce portrait d’Elizabeth Taylor par Andy WARHOL vendu 21 millions de $ chez Christie’s, alors qu’il avait été acquis 3,25 millions de dollars par l’acteur Hugh Grant à peine 6 ans plus tôt ? Comment justifier, autrement que par le jeu de la spéculation, qu’une toile de Frank AUERBACH (Reclining Figure of Jym, 1985) puisse trouver preneur à 270 000 £ contre 30 000 £ en octobre 2003 ! A ce jeu, même une valeur sûre comme Claude MONET reprend des couleurs par rapport à 1990, au sommet de la précédente bulle spéculative : Waterloo Bridge, temps couvert a été adjugé 16 millions de £ (31,7 millions de $) le 18 juin 2007 à Londres à un collectionneur américain, décuplant le prix payé par son ancien propriétaire 17 ans auparavant. Ces juteuses opérations ne sont pas l’apanage exclusif des collectionneurs les plus fortunés.

Sélection de 200 peintures ayant fait l’objet de deux dispersions aux enchères

Même à moins de 10 000 euros, secteur qui représente traditionnellement 90% des transactions, de tels allers-retours sont tout aussi fréquents. Nombre d’exemples illustrent le va-et-vient spéculatif. Un simple passage de frontière permet encore de spéculer facilement d’une salle des ventes à une autre. Jeune fille avec chat et fleurs, une encre d’Odilon REDON acquise 3 200 euros chez Christie’s Paris en décembre 2006 est repartie pour 6 500 £ (9 500 €) trois mois plus tard chez Sotheby’s Olympia (Londres). Relief sur l’idée du Requiem, un pastel de Jean TINGUELY, adjugé 4 500 € en 2006 chez Villa Grisebach (Berlin) a changé de main pour 10 100 € chez Piasa (Paris) en décembre dernier. Danza, danza all’erta fratellino, une toile de Mimmo PALADINO acquise 6 000 £ (8 735 €) en juin 2006 à Londres a été disputée 30 000 € douze mois plus tard chez Meeting Art (Vercelli). « Le Tir Forain » d’André LHOTE a même été adjugé trois fois en 2007 : 8 200 € à Limoges, puis 12 580 € à Londres et enfin 20 000 € à Versailles !

Ces exceptionnels niveaux de cotation prennent désormais des allures de prix plafond, surtout en ce début d’année, où le marasme économique semble se profiler. La piètre santé de l’économie mondiale ne devrait pas épargner longtemps un marché de l’art qui n’est pas immunisé contre les fortes turbulences de la bourse. D’ici quelques semaines, avec les contractions de Wall-Street, il se peut qu’il n’y ai plus autant d’argent à dépenser dans les ventes à coup de million chez Sotheby’s ou Christie’s. A analyser la récente volatilité des prix de l’art, 2008 devrait être l’année de la correction. Un plongeon des prix de 15 à 20% pourrait affecter le marché dans les prochains mois. Faut-il rappeler qu’entre juillet 1990 et juillet 1992, l’Artprice Global Index, calculé selon la méthode des ventes répétées, affiche une chute des prix constatée de –44%.