La Bad Painting – Eloge du « mauvais goût »

[04/09/2007]

 

La Bad Painting, littéralement « mauvaise peinture » émerge aux Etats–Unis à la fin des années 70 et s’affirme dans les années 80. Les « Bad boys » de la peinture ont pour nom Jean-Michel Basquiat, Neil Jenney, Kenny Scharf, Julian Schnabel, Malcolm Morley, David Salle, Jonathan Borofsky et Donald Sultan. Ils revendiquent le mauvais goût de leur œuvres, s’inspirent de cultures marginales et populaires, intègrent des matériaux hétérogènes dans leurs toiles, jouent sur des empâtements excessifs et des couleurs dissonantes. Ce retour expressionniste à la peinture s’impose face aux canons de l’époque, à l’austérité du minimalisme et de l’art conceptuel.

Le terme de Bad painting apparaît pour la première fois en 1978 pour annoncer une exposition de Neil JENNEY. Les toiles de Jenney, brossées à larges coups de pinceaux, s’échangent entre 30 000 et 50 000 euros en moyenne pour des toiles de moins d’un mètre, les toiles plus grandes pouvant atteindre 200 000 €. Un autre amateur d’empâtements, Julian SCHNABEL, a plusieurs cordes à son arc : peintre et cinéaste, son dernier film, « Le Scaphandre et le papillon » a obtenu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2007. L’artiste se fit connaître dans les années 70 en commençant la série des Plate-paintings, peintures auxquelles sont intégrées des fragments d’assiettes. Ces œuvres sont les plus prisées par les collectionneurs. Les adjudications le prouvent : à formats et périodes d’exécution similaires, les Plate-paintings peuvent s’arracher trois fois plus chèrement qu’un travail à l’huile ou à l’acrylique. En juin dernier à Londres, les trois auctioneers concurrents (Christie’s, Sotheby’s et Phillips, de Pury & Company) présentaient chacun une œuvre de Schnabel. Les toiles présentées par Sotheby’s et Christie’s furent adjugées 32 000 et 48 000 livres sterling, tandis que la plate-painting Stella partait pour 100 000 livres sterling, soit près de 150 000 euros (Christie’s Londres). En novembre 2006, lors d’une vacation new-yorkaise de Phillips, de Pury & Company, un travail monumental (près de 4 mètres) de cette même série fit grimper les enchères jusqu’à 720 000 dollars (plus de 560 000 euros), signant le record de l’artiste! Des œuvres moins spectaculaires sont accessibles pour moins de 30 000 euros, comme la peinture acrylique de 1987 dispersée en février 2007 pour 20 000 dollars, soit environ 15 000 euros (Christie’s NY).

Le début du XXIème siècle est marqué par une revalorisation de la peinture contemporaine, dont bénéficie largement la Bad Painting. L’émulation autour de Jean-Michel BASQUIAT, qui représente autant la Bad painting que le Graffiti, a propulsé en avant l’ensemble du mouvement. Basquiat, dont la réputation n’est plus à faire, avait signé 48 enchères millionnaires (en dollars) entre janvier 2000 et juillet 2007. En mai 2007, il culminait à 13 millions de dollars pour une technique mixte de 1981 (Sotheby’s NY)… pour la première fois, l’artiste passait le seuil des 10 millions de dollars.

Parmi les autres records récents, celui de Malcolm MORLEY fut signé en mai 2001 à hauteur de 460 000 dollars (plus de 515 000 euros) pour Christmas Tree (Sotheby’s, NY). Celui de David SALLE tombait en 2006 à New-York. Sotheby’s y dispersait Vagrant pour 500 000 dollars (environ 390 000 euros). L’indice des prix de Salle est au beau fixe avec une hausse de 100% depuis 2003, ce qui incite quelques collectionneurs à remettre en vente leurs toiles. Par exemple, le dytique Couple of Centuries acquis pour 70 000 dollars (65 700 euros) en mai 1999 chez Christie’s fut revendu pour 120 000 dollars de plus en 2005 chez le même auctioneer (plus de 160 000 euros). Autre preuve de la bonne santé de cette tendance, Kenny SCHARF signait sa première enchère à plus de 100 000 dollars en 2005 et dépassait 3 fois ce seuil l’année suivante.

Les amateurs de Bad paintings peuvent emporter des toiles de plus d’un mètre de Salle, de Kenny Scharf et de Schnabel entre 20 000 et 30 000 euros. Pour moins de 10 000 euros, ils porteront leur attention sur Donald SULTAN et Jonathan BOROFSKY.