L’Expressionnisme Allemand – L’agression par le pinceau

[05/10/2008]

 

La cote des maîtres expressionnistes allemands est particulièrement dynamique depuis deux ans. A l’origine de cette progression des prix : la raréfaction de l’offre, quelques pièces exceptionnelles apparues sur le marché et une riche actualité culturelle. Actuellement, c’est Emil Nolde qui est mis à l’honneur pour une rétrospective au Grand Palais de Paris jusqu’au 19 janvier 2009.

Les résultats d’Emil NOLDE (1867-1956) sont spectaculaires sur les deux dernières années. En 2002 déjà, il apparaissait comme l’artiste allemand le mieux classé avec un chiffre d’affaires annuel de 4,6 millions d’euros. En 2006, pas moins de 20 millions d’euros furent dégagés par la dispersion de ses œuvres ! Cette année, les enchères millionnaires ont plu en Allemagne, en Suisse et au Royaume-Uni. Un portrait puissamment charpenté de 1919 intitulé Rotblondes Mädchen, dont émergeait un regard bouleversant de mélancolie, signait alors le record de l’artiste à hauteur de 1,85 million de Livres sterling, soit plus de 2,7 millions d’euros (20 juin 2006, Christie’s Londres). Cette étrange face, dérangeante et envoûtante à la fois, témoigne d’un pan particulier du travail de Nolde qui scruta le portrait et s’éprit de la bivalence des masques. Le même jour, lors de cette dispersion dédiée à l’art Allemand et autrichien, Christie’s enregistrait son record pour un paysage marin de 1909, une explosion colorée aux frontières de l’abstraction intitulée Sonnenuntergang, vendue 1,7 million de livres (près de 2,5 millions d’euros).
Cinq mois après le record de Nolde, c’était au tour de Ernst Ludwig KIRCHNER de faire sensation : la toile Berliner Strassenszene/Bäume était l’un des fleurons de la vacation new-yorkaise de Christie’s, ce 8 novembre 2006. Un véritable dossier de douze pages était consacré à son œuvre dans le catalogue de ventes. Elle fut même confrontée aux fameuses Demoiselles D’Avignon de Picasso, achevée 5 ans avant la scène de rue berlinoise de Kirchner. Le résultat final fut largement à la hauteur des attentes de l’auctioneer : 34 millions de dollars furent frappés pour cette œuvre muséale, 10 millions au-delà de son estimation optimiste. Cette année là, en 2006, les œuvres de Kirchner dégageaient le résultat exceptionnel de 42,29 millions d’euros ! Fort des résultats exceptionnels de 2006, la bonne santé de la cote perdure en 2007 et 2008.

En 2007, on enregistrait le plus fort chiffres d’affaires d’Alexej VON JAWLENSKY (1864-1941) : 12 enchères millionnaires 29,2 millions d’euros sur l’année, soit 20 millions de plus qu’en 2005. Or, 2005 était déjà une très belle année pour la cote de l’artiste. En effet, Sotheby’s enregistrait à New-York son record avec un portrait flamboyant de Schokko, réalisé vers 1910, et resté en mains privées depuis son acquisition à la fin des années 60. L’œuvre était alors vendue 7,4 millions de dollars, l’équivalent 6,44 millions d’euros. Mais au vue des superbes résultats de Jawlensky en 2007, le propriétaire de l’œuvre se laissa séduire par une remise en vente… et Schokko changea à nouveau de main le 5 février 2008 à Londres… pour 9 millions de dollars de plus que lors de la première transaction (Sotheby’s 8,4 millions de livres, soit 16,5 millions de dollars).

Les vacations londoniennes de février, puis celles de juin 2008, furent positives pour chacun des acteurs de Die Brücke, dont firent partie Kirchner et Nolde, mais aussi d’autres expressionnistes tels Hermann Max PECHSTEIN, Karl SCHMIDT-ROTTLUFF, Otto MUELLER ou Erich HECKEL. En juin 2008, Pechstein triplait son estimation basse pour une scène de cirque avec zèbres et dromadaires adjugée au prix record de 1,7 million de livres sterling chez Sotheby’s (Zirkus mit Dromedaren, 3,35 millions de dollars).

Ces chefs-d’œuvre millionnaires sont rares cependant et les acheteurs exigeants. Chaque année, des dizaines d’œuvres restent invendues car elles ne sont pas chargées de verve expressionniste. Ce fut le cas en juin 2008, pour un paysage d’ Otto DIX présenté à 50 000 livres sterling par Christie’s. Le sujet trop classique n’intéressa personne… Que l’on soumette par contre aux enchérisseurs un fusain du même artiste et de même époque, représentant une succube aux traits hideux, et les collectionneurs se battent bien au-delà de la fourchette d’estimation. La démoniaque séductrice Sitzender Weiblicher Rückenakt ainsi proposée à la Villa Grisebach en mai 2008 décrochait 180 000 euros contre une estimation de 50 000 – 70 000 euros.