L’Europe : leader du marché de l’art

[15/02/2004]

 

Sur les 6 premiers mois de l’année 1999, le marché de l’art était détenu à plus de 64% par les auctioneers américains. Trois ans plus tard, en 2002, à la suite des excellents résultats enregistrés à Londres en juillet, avec en outre les 45 millions de livres sterling pour Le Massacre des Innocents de Peter Paul Rubens (le 10 juillet chez Sotheby’s), le Royaume-Uni et les Etats-Unis étaient au coude à coude en terme de produit de vente. A l’époque, ce phénomène exceptionnel était attribué d’abord à quelques ventes particulièrement réussies et à la conjoncture défavorable au marché américain. Mais l’exception semble aujourd’hui devenir la règle.

La part détenue par le marché américain est stable autour de 42% depuis 2 ans, soit 6 points de moins qu’en 2001.

Pourquoi les Etats-Unis n’ont-ils pas regagné des parts de marché concédées depuis 2001 ?Même si les résultats de novembre semblent effacer les stigmates de la crise, sur douze mois le chiffre d’affaires réalisé aux Etats-Unis a encore diminué de 22% cette année. A l’origine de cette nouvelle baisse : moins de records et moins de transactions. En mai 2003, les ventes impressionnistes new-yorkaises ont rapporté 100 millions de dollars de moins qu’en 2002. Le taux d’invendus s’est encore élevé à New-York : en moyenne, il est aujourd’hui de 25% contre 22% en 2000.

Chiffre d’affaires 2003 / répartition par paysVentes aux enchères mondiales de Fine Art

Dans la tourmente, l’Europe renforce ainsi sa position de leader, avec en tête, Londres, Paris et Rome. Elle totalise 54% du produit de vente mondial de Fine Art aux enchères. Jamais l’Europe n’a autant dominé le marché. L’hégémonie est encore plus forte en terme de volume de transactions : 81% des ventes mondiales. Pourtant, Britanniques, Français, Allemands et Scandinaves ne sont pas épargnés par la crise. Bien au contraire.

Londres est de très loin la première place européenne, avec près de 28% de parts de marché mondial. Le poids du Royaume-Uni est stable par rapport à 2002, le chiffre d’affaires ayant baissé au même rythme qu’aux Etats-Unis : -21%. Cette baisse en valeur est due d’abord à une forte contraction en volume. Quelques belles ventes ont portant ponctué l’année. Celle du 23 juin 2003 chez Sotheby’s, couronnée par un record de 11,3 millions de livres pour Egon Schiele, a rapporté plus de 33 millions de livres sterling. C’est la plus belle vacation orchestrée en Europe.
En France, bien qu’exceptionnelle, la vente Breton n’a pas jugulé l’écroulement de 25% du volume de transactions par rapport à 2002. La chute est d’autant plus importante sur le marché hexagonal les effets positifs de la réforme des ventes publiques de 2001 s’effacent devant la dépréciation du dollar ; dans le contexte économique actuel, il est bien difficile d’ouvrir le marché français vers l’extérieur. Toutefois, Paris conserve cette année encore son rang de numéro 1 en terme de nombre de transactions. Comme l’Allemagne et la Suisse, la France subit en plus un important taux d’invendus. 39% des lots mis aux enchères publiques françaises sont ravalés, contre 32% au Royaume-Uni et 24% en Suède.
Quelques pays européens ont su tirer leur épingle du jeu de la concurrence : en tête, l’Italie. Grâce au dynamisme des auctioneers internationaux comme Sotheby’s mais aussi des maisons de ventes nationales telles que Farsetti et Meeting Art, la péninsule a gagné 0,8 points de parts de marché par rapport à 2002. Mais ce n’est pas la seule place de marché à avoir profité de la perte de vitesse américaine. En ne cédant que 8% de son chiffre d’affaires, la présence de l’Allemagne sur la scène internationale a encore progressé : +1 point de part de marché par rapport à 2002. Même la France, toujours hissée à la troisième place, parvient à conforter sa position en gagnant 0,6 points de part de marché.
Le marché de l’art est toujours aussi peu dynamique dans l’hémisphère sud. L’Australie reste le leader de cette partie du globe, loin devant l’Afrique du Sud et l’Argentine. Son chiffre d’affaires a même progressé de 10% en 2003, notamment grâce à quelques belles enchères réalisées chez Sothebys’ Melbourne.

En cette phase de dépression, Sotheby’s s’impose comme meilleure maison de vente dans la majorité des pays. Dans le domaine du Fine Art, l’auctioneer domine son concurrent direct, Christie’s de plus de 20 millions d’euros. L’année 2003 est aussi marquée par le retrait de Phillips de Pury & Luxembourg. En dehors de quelques rares ventes prestigieuses, la maison de vente a quitté le devant de la scène depuis l’échec de sa vente impressionniste en novembre 2002. En tout, dans le domaine du Fine Art, l’auctioneer n’a enregistré que 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre plus de 240 millions d’euros en 2001.