L’envol des feuilles anciennes

[25/11/2002]

 

Sommaire :New York ouvre le bal, l’Europe mène la danse
Au-delà de la signature, seuls les dessins de qualité trouvent preneur
Vents de record en 2000 et 2001
Montée spectaculaire des prix en 1999-2000
2002 : le dessin italien plus rentable que celui de l’école du Nord

En matière de dessin ancien, la Renaissance italienne crève les plafonds suivie de près par les écoles du Nord du XVIIème siècle. Avant la Renaissance, le dessin était une discipline auxiliaire, utilisée pour des études préliminaires dans les domaines de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Mais on a vite compris que ces esquisses préalables possédaient une valeur expressive et une valeur financière propres. En ventes publiques elles sont désormais devenues l’objet de rendez-vous exceptionnels pour les amateurs les plus avertis.

New York ouvre le bal, l’Europe mène la danse

Les vacations les plus spectaculaires se sont déplacées en Europe, là où la majeure partie de la marchandise est extraite. Les Etats-Unis réalisent aujourd’hui à peine 36% du chiffre d’affaires des ventes de dessins anciens, contre près de 24% en 2001. Traditionnellement, le bal des ventes de dessins s’ouvre à New York, fin janvier, avec des ventes prestigieuses chez Sotheby’s et Christie’s. Ensuite, Paris redevient capitale du dessin avec le Salon du Dessin qui se déroule au mois de mars. Il entraîne dans son sillage une série de ventes aux enchères et d’événements annexes dans les galeries et musées parisiens. Londres est très active avec ses ventes de juillet et de décembre. Elle domine le marché avec près de 53% du chiffre d’affaires et plus du tiers du volume de transactions

Tout au long de l’année, Amsterdam, un des fiefs de la production, est animée régulièrement de ventes « Old Master » au cours desquelles de superbes dessins sont proposés. Malgré tout, les ventes aux enchères fourmillent de dessins anonymes ou de plus petits maîtres qui laissent possible le rêve de la découverte et de plus-value. En marge des ventes prestiges, on trouve encore en Europe de très beaux dessins de maîtres à moins de 1 000 euros. Depuis 10 ans, près de 70% des feuilles ont trouvé preneur à moins de 10 000 euros

Au delà de la signature, seuls les dessins de qualité trouvent preneur

En effet, pour le dessin la signature n’explique pas les prix à elle seule. Au delà de la réputation de l’artiste, il faut plus compter sur la rareté : la technique et l’état de conservation de la feuille sont des facteurs essentiels pour expliquer le prix.
Les très belles pièces des grands maîtres des XV et XVIème siècles sont rarissimes. Deux dessins de LEONARDO DA VINCI (1452-1519) ont été adjugés sur 10 ans. Une seule feuille de RAPHAEL (1483-1520) a dépassé le million de dollars ; parallèlement, on pouvait s’enorgueillir d’acheter en 1998 pour moins de 4 000 dollars une étude du même artiste, Brustbild einer Madonna chez Kornfeld en Allemagne. Côté primitifs hollandais, les stars des musées sont véritablement introuvables aux enchères. Il ne s’est pas présentée une feuille de Pieter I BRUEGHEL (1525-1569) ou de Jan VAN EYCK(1356-1441) depuis plus de 15 ans ; d’où la montée des prix des artistes moins réputés. Pour la renaissance italien ou les primitifs hollandais, on voit de plus en plus fréquemment de superbe feuilles d’artistes de moindres renoms ou tout simplement attribuées atteindre les sommets. Ainsi, la Figure couronnée de lauriers attribuée à Lorenzo DI CREDI (Attrib.) (1459-1537) s’est arrachée 1 836 000 dollars en mars 2001 chez Piasa à Paris !

Le XVIIème siècle est un segment plus vivace. La production y est plus abondante et l’amateur agit tel un philatéliste pour sélectionner les plus belles pièces en fonction de leur état de conservation. Ceci est particulièrement vrai pour les artistes les plus présents en ventes publiques. Jan Jozefsz. VAN GOYEN a été représenté plus de 80 fois en ventes publiques entre 1992 et 2002 et il affiche un taux d’invendus de 38%. Les travaux de Jacob Jordaens sont encore plus « écrémés » : 7 des 14 feuilles proposées au premier semestre 2002 n’ont pas trouvé preneur ! Lors de la dispersion de la collection du Dr Anton C.R. Dreesmann par Christie’s London, le 11 avril dernier, trois dessins d’Adriaen VAN DE VELDE ont quasiment tous doublé leurs estimations hautes. Les prix très disparates atteints par ces œuvres, toutes trois des sanguines aux dimensions similaires, démontrent à quel point la signature ne fait pas le prix lorsqu’il s’agit d’un dessin : l’une a été adjugée 2 200 livres (3 589 euros), la deuxième 7 000 livres (11 420 euros) et la troisième 40 000 livres (65 2256 euros).

Vents de record en 2000 et 2001

Globalement, les amateurs trouvent sur le marché autant de dessins italiens que de l’école du Nord. Les prix sont quasiment similaires. Pourtant, sur le haut du panier ce sont les italiens des XVème et XVIème siècles qui dominent. MICHELANGELO(1475-1564) détient actuellement la palme du dessin le plus cher vendu aux enchères avec une enchère à 11 millions de dollars pour The Risen Christ: Three-Quarter Nude/Study of the Same Figure, le 4 juillet 2002 chez Christie’s Londres. La deuxième adjudication est atteinte par une étude LEONARDO DA VINCI (1452-1519). Son Horse and Rider a trouvé acquéreur à 10,4 millions de dollars à Londres en 2001. suite

Les scores atteints par les artistes de l’école du Nord ne sont pas encore si importants. Le plus cher est celui de REMBRANDT VAN RIJN (1606-1669), The bulwark «De Rose» and the windmill «De Smeerpot», adjugé 3,4 millions de dollars chez Christie’s New York le 28 janvier 2000. Il est suivi de Albert CUYP (1620-1691), avec une enchère à 2,6 millions de dollars pour Dordrecht from the End of the Papendrechtse Bank of the River Noord chez Christie’s, le 24 novembre 2001. Les plus belles enchères sont récentes. Elles sont la conséquence de la très forte hausse des prix qui animent tous les segments du dessin ancien depuis 4 ans.

Montée spectaculaire des prix en 1999-2000

Globalement, les prix des dessins anciens ont fortement augmenté en 1999-2000. Mais la hausse de ceux de l’école du Nord fut véritablement spectaculaire : plus de 42% d’augmentation en 1999. Celle-ci fut d’abord visible durant les vacations des 9 et 10 novembre à Amsterdam. En effet, si Christie’s et Sotheby’s réservent leurs plus belles pièces pour New York, les ventes d’automne à Amsterdam présentent une grande quantité de lots, souvent de gamme de prix inférieure (1 000-10 000 euros). Or ces ventes ont rapporté en 1999 un chiffre d’affaires plus élevé pour un nombre de transactions moins important qu’à l’accoutumée. Les estimations hautes furent souvent dépassées. Entre autre, une gouache de Cornelis TROOST a été adjugée 310 000 florins (140 672 euros), multipliant par six son estimation basse. Cette montée des prix au cours de l’hiver 1999 est confirmée au début de l’année 2000 par deux superbes records de Rembrandt : 3 400 000 et 2 300 000 dollars atteints lors de la même vente du 28 janvier à New York.

2002 : le dessin italien plus rentable que celui de l’école du Nord

L’indice des prix met en évidence la bonne santé du dessin ancien. Après un recul fin 2000 – début 2001, dû à un réajustement après la très forte et rapide progression en 1999, les dessins des écoles du nord sont en progression sensible de près de 2% depuis janvier 2002. Aujourd’hui, toutes époques confondues, ce sont les dessins italiens qui profitent de l’engouement des collectionneurs. Ceux du XVIIème siècle ont augmenté de 13% en 2002. Quand à la renaissance, elle explose littéralement avec 30% de hausse des prix, ce qui en fait le segment le plus porteur sur ces 5 dernières années. 100 dollars investis en 1997 dans un dessin de la Renaissance italienne valent en moyenne 266 dollars en 2002. L’investissement dans des dessins du XVIIème siècle est moins rentable. 100 dollars dans une feuille du XVIIème siècle vaudraient aujourd’hui que 161 dollars si elle est de la main d’un artiste de l’école du Nord et 209 dollars pour un contemporain italien.