L’Ecole de New-York

[26/06/2008]

 

Durant la seconde guerre mondiale, les artistes européens réfugiés à New-York attisent le bouillement artistique américain. Une rénovation de la peinture américaine se prépare. Elle sera abstraite et s’exprimera par deux grandes tendances : l’Action Painting, peinture gestuelle qui manifeste l’action de peindre et la Colorfield Painting, champs colorés et vibratoires propices à la méditation.

En 2007, les vibrations colorées de Mark ROTHKO firent valser quelques unes des enchères les plus spectaculaires de l’art américain. Une toile de 1950 décrochait même la plus forte adjudication de l’année : avec 65 millions de dollars, White Center marquait aussi le plus beau coup de marteau pour une œuvre d’après-guerre (Sotheby´s). Ce record, inespéré deux ans plus tôt, à l’heure ou Rothko culminait à 20 millions de dollars (Homage to Matisse, 2005, Christie´s NY), couronne l’explosion de ses Colorfield Paintings ! Les prix de certaines toiles ont décuplé en 10 ans comme No.7 (Dark Over Light) , dispersée une première fois en 1998 pour 1,6 million de dollars, puis pour 18,75 millions de dollars en novembre 2007 (Christie’s NY). La vacation new-yorkaise de mai 2008 a confirmé la position de leader de l’artiste : son No.15 aux couleurs solaires, fit tomber le marteau à 45 millions de dollars chez Sotheby’s.

A défaut de pouvoir acquérir une toile mythique de Rothko, les collectionneurs fortunés se tournent désormais sur d’autres protagonistes de la tendance Color field comme Barnett NEWMAN, Ad REINHARDT ou Adolph GOTTLIEB. La flambée des prix de Rothko a entraîné la première adjudication millionnaire de Gottlieb, décrochée le 22 mai 2007, soit une semaine après le record de White Center (1,2 million de dollars pour Blast III, William Doyle). Les prix poursuivent leur ascension en 2008 : le 13 mai, la grande toile Cool Blast de Gottlieb pressentie pour un record entre 2 et 3 millions de dollars s’envolait au delà des attentes les plus optimistes à 5,8 millions de dollars chez Christie’s NY !
Certains profitent de la frénésie acheteuse pour remettre en vente leur pièce quelques mois seulement après leur acquisition… ce fut le cas pour l’Abstract Painting, blue d’ Ad Reinhardt achetée 1,7 million de dollars en mai 2007 chez Christie’s et revendue 400 000 dollars de plus l’année suivante chez le même auctioneer.

Autre facteur de la hausse des prix, la pénurie de toiles d’Arshile GORKY, Barnett NEWMAN ou Clyfford STILL alimente de belles batailles d’enchères. Douze œuvres seulement signées Clyfford Still furent proposées en 10 ans ! Dès lors, l’émergence d’une superbe toile sur le marché est la promesse d’un bon score. Après un an de patience, marchands et collectionneurs se virent proposer 1946 (PH-182) en mai 2008 chez Christie’s : les enchères grimpèrent jusqu’à 12,5 millions de dollars ! Plus rares encore sont les œuvres de Barnett Newman et rarissimes les œuvres de qualité muséale : la dernière toile d’exception soumise à enchère fut White Fire I, une Colorfield rythmée par des « zips », emportée 3,3 millions de dollars il y a 5 ans chez Sotheby’s.

L’autre tendance de l’Ecole de New-York, l’Action Painting, est portée par les drippings de Jackson POLLOCK. Le critique Rosenberg affirmait que Pollock fit de sa toile une arène. Il y jouait effectivement un combat psychique, contrôlant les coulées de peinture (dripping, pouring). En ventes publiques, sa plus belle enchère culmine à 10,4 millions de dollars avec le dripping Number 12 (1949) emportée chez Christie´s NY le 11 mai 2004. C’est cependant une transaction de gré à gré qui donne le pouls de sa notoriété : Number 5 de 1948 aurait changé de main pour 140 millions de dollars en 2007 ! Jackson Pollock a produit quelques centaines de dessins dont les prix varient de 1 à 10 selon la technique : un dripping à l’encre s’échange en moyenne 200 000 à 300 000 dollars, tandis qu’un dessin sans « coulure » cote entre 20 000 et 40 000 dollars.
Parmi les autres « gestuels », Willem DE KOONING est le seul à afficher des enchères à 8 chiffres, surtout pour des œuvres des années 70 et 80, postérieures donc à l’Ecole de New-York. Aucune toile de Franz KLINE n’atteint de tels sommets. Ses plus belles œuvres charpentées à larges coups de brosse s’échangent entre 1,5 et 2,5 millions de dollars. La signature « Kline » vous intéresse même si elle n’est pas représentative du mouvement ? Une petite huile figurative vous coûtera autour de 5 000 dollars seulement (Woman with Cat, 28 nov. 2007, William Doyle). Quant aux toiles de William BAZIOTES, elles sont accessibles entre 50 000 et 100 000 dollars.

A moins a 10 000 euros, les grands noms de l’abstraction américaine comme Pollock, Rothko, Reinhardt et Still sont abordables : 16% de leurs œuvres furent échangées en deçà de ce seuil entre 1998 et juin 2008, pour des dessins ou estampes.