L’Asie à New York

[24/09/2013]

 

Rencontre entre les deux grandes puissances du marché de l’art mondial, l’Asian Week à droit à deux chapitres annuels à New York. Le premier se tient en mars et le second ouvre la saison des ventes après la pause estivale. Ce calendrier stratégique réveille les acheteurs à l’est comme à l’ouest du planisphère, avant le coup d’envoi des grandes cessions d’art moderne et contemporain.

Pour l’occasion, les sociétés Bonhams, Sotheby’s et Christie’s calent leurs calendriers les unes sur les autres (du 16 au 18 septembre chez Bonhams, du 13 au 19 septembre chez Sotheby’s et du 17 au 20 septembre du côté de Christie’s), et propose un panel d’œuvres extrêmement variées, de diverses origines asiatiques et couvrant toutes les époques. Les collectionneurs occidentaux bien sûr, mais asiatiques surtout, braquent leurs regards sur New York pendant cette semaine clef où ils s’imposent souvent comme les meilleurs enchérisseurs à distance. En quelques jours, il se voient proposer des antiquités rares de Corée, du Japon, d’Inde, de Chine, des jades, des travaux calligraphiques, des œuvres traditionnelles et des œuvres modernes et contemporaines, aux enchères comme en ventes privées (citons l’exposition et vente privée Super/Natural Contemporary Korean Art, organisée par Christie’s du 12 au 27 septembre, sur le thème de la nature et de l’hyperréalité).

South Asian Modern + Contemporary Art de Christie’s

Pour ce rendez-vous annuel, Christie’s consacre une session à l’art asiatique moderne et contemporain qui mixe la fine fleur de la peinture chinoise traditionnelle, chefs-d’œuvres classiques mixant des maîtres de l’école Wu tels que Shen Zhou et Chen Chun avec des pièces de maîtres modernes comme Qi Baishi, Zhang Daqian ou Xu Beihong. Cette dernière session, qui s’est tenue les 17 et 18 septembre 2013 a réservé des recettes honorables comparées aux années précédentes (chiffre d’affaires frais inclus de 5 096 125 $), et ce malgré un taux d’œuvres invendues important (38,2 %). Les modernes et contemporains demeurent moins rentables que les antiquités et les œuvres classiques asiatiques, mais les signatures désormais incontournables que sont Tyeb MEHTA, Maqbool Fida HUSAIN, Sayed Haider RAZA ou Francis Newton SOUZA sont des gages de réussite.
Sans surprise, la signature la plus convoitée fut, comme en mars dernier, celle de l’Indien Sayed Haider RAZA. Il illuminait déjà la vente Christie’s du 20 mars 2013 avec une toile de 1964 intitulée Village en fête et adjugée 1,55 m$, au double de son estimation (l’œuvre est payée près de 1,86 m$ frais inclus). Christie’s ne prenait donc pas de risque en choisissant de faire la couverture de son catalogue de vente des 17 et 18 septembre avec la toile Italian Village du même Raza. Ce paysage urbain austère et géométrique, peint en 1953 après le déménagement de l’artiste à Paris, témoigne de l’influence qu’exerça sur son œuvre l’art européen et ce dialogue moderne entre deux cultures agitent les collectionneurs à l’échelle globale. C’est finalement une institution asiatique qui a emporté la toile, signant le meilleur score de la vacation à hauteur de 600 000 $ (723 750 $ frais inclus, contre une estimation de 550 000 $ – 750 000 $). Raza emporte aussi la troisième meilleure adjudication de la vente avec un paysage de 1962, Untitled (Landscape), vendu à un amateur anglais. Il existe un marché fort pour les œuvres de Raza en Inde, mais le marché sur place représente seulement 5 % de ses recettes mondiales, tandis que le marché américain tient 37 % de son marché, et la France où l’artiste a longtemps vécu, près de 30 % (contre près de 22 % au Royaume-Uni).

La deuxième adjudication du podium est le fait d’un acheteur asiatique pour une abstraction de 1973 signée Vasudeo. S. GAITONDE (1924 – 2001). Sans pour autant réaliser un score mirifique par rapport aux prévisions de Christie’s, cet Untitled, fut frappé 420 000 $ (507 750 $ frais inclus). C’est donc toujours Sotheby’s qui tient la meilleure vente de Vasudeo S. Gaitonde depuis le début de l’année (Painting No. 1, 580 000 £ soit plus de 901 000 $ hors frais) mais aucun des deux leaders ne parvient à retrouver les niveaux de prix d’exception de la cuvée 2006.

Côté contemporain, les acheteurs demeurent aussi prudents et avisés. En témoigne notamment le superbe Landscape de Bharti Kher vendu pour 280 000 $ (339 750 $ frais inclus). Un tel résultat est une déception pour Christie’s qui l’attendait entre 300 000 $ et 500 000 $, mais le prix est en adéquation avec la qualité de l’œuvre constituée d’une multitude de bindis. Ce type de résultat démontre que le marché a profondément gagné en maturité par rapport aux années 2006 – 2008, car les enchérisseurs ne se sont pas laissés aller à la surenchère malgré le record tout frais de l’artiste (sculpture The Skin Speaks A Language Not Its Own, adjugée 1,7 m$, soit 1,785 m$ frais inclus, Christie’s, New York, 13 mai 2013). Les sociétés de ventes doivent adapter leurs estimations car les acheteurs ont conscience que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel.