L’art abordable : un marché diversifié

[18/05/2009]

 L’art abordable a sa foire depuis 10 ans, permettant de rompre définitivement avec l’idée d’un art élitiste et hors budget pour le plus grand nombre. Du 4 au 7 juin 2009, elle ouvre sa seconde édition parisienne à l’espace Champerret, mais l’Affordable Art Fair est nomade et voyage dans le monde entier (Londres, Sydney, Amsterdam, New York, Bruxelles…). Les jeunes collectionneurs, comme les amateurs avertis en quête de nouveaux talents, peuvent y découvrir plus de 600 artistes à des prix compris entre 100 et 5 000 euros. Si les œuvres les plus chères sont généralement adjugées à Londres et à New-York, l’Europe est la championne de l’art abordable aux enchères. En tête du classement, l’Allemagne adjugeait 86% de ses lots pour moins de 5 000€ en 2008, suivie par la France (83% des lots vendus moins de 5 000€) et l’Italie (76,4%).
Contrairement aux idées reçues, l’art abordable n’est pas un marché réservé aux œuvres reproductibles – estampes, photographies ou sculptures – dont la multiplication du nombre d’exemplaires va de paire avec la chute des prix. Bien au contraire, 67,5% des œuvres vendues en deçà de 5 000€ dans le monde s’avèrent des pièces uniques, sur toile ou sur papier. Il s’agit encore d’un marché diversifié, sans restriction de support ou d’époque de création. Il s’avère particulièrement dense pour l’art moderne, segment représentant 50% des œuvres vendues pour moins de 5 000€ dans le monde. Les artistes les plus vendus à moins de 5 000€ sont aussi les plus productifs : Pablo PICASSO est en tête du classement. En 2008, plus d’un millier d’œuvres, soit 58% de ses pièces vendues en salles, étaient accessibles sous ce seuil. Cet important ratio, même s’il semble paradoxal pour l’artiste le plus coté du marché, tient à la déferlante des estampes représentant le gros de ses transactions (63%). La génération post-picassienne donna naissance au truculent Salvador DALI dont 60 années de longévité créatrice et un intérêt prononcé pour les œuvres multiples ont permis de rendre ses œuvres accessibles au plus grand nombre (80% d’adjudications à moins de 5 000€ en 2008). Dans ce panorama générationnel, Andy WARHOL prit le relais de Dali, empruntant à la publicité sa méthode de production sérielle. Ses sérigraphies de Marylin ou ses Flowers alimentent le flot d’œuvres abordables sous de grandes signatures. Les nouvelles méthodes de production de Warhol ont fait depuis bien des émules, à l’Est notamment, où l’artiste japonais le plus coté du moment, Takashi MURAKAMI, s’est calqué sur le modèle warholien de la factory en fondant la Kaikai Kiki Corporation par le biais de laquelle il commercialise des produits dérivés de ses œuvres. Murakami s’applique à saborder la distinction entre l’œuvre d’art et le produit de grande consommation, à tel point que ses figurines mangas en PVC s’échangent pour une centaine d’euros aux enchères. Parallèlement, il affiche à son palmarès quatre adjudications millionnaires en 2008 (en euros). D’autres artistes japonais éclosent sur le terreau de Kaikai Kiki dont Ayako ROKKAKU qui multiplie les enchères à moins de 5 000€, non pour des œuvres multiples mais pour des acryliques sur toile. La jeune Rokkaku suivra-t-elle la voie ouverte par son mentor Murakami ? Sa cote prenait en tous les cas une autre dimension en 2008 en dépassant le seuil symbolique des 10 000€ pour une toile intitulée Girl in red dress vendue chez Est-Ouest Auctions Co., Tokyo (12 juillet 2008).Parmi les artistes contemporains, quelques-uns maîtrisent particulièrement bien les ficelles du marketing et de la communication (Jeff KOONS et Damien HIRST, mais aussi l’artiste belge Wim DELVOYE). En fins stratèges, ils affichent une production à deux vitesses : l’une industrieuse réservée à une élite fortunée, et l’autre très abordable inondant le marché de leurs images mnémotechniques. La nouvelle génération d’artistes nés dans les années 70 et 80 s’est encore peu frottée au jeu des enchères et les cotes n’ont pas encore d’assise sur le second marché. Les exceptions à la règle concernent quelques météores dont la médiatisation a engendré une spéculation quasiment en temps réel (BANKSY) ou des artistes émergents sur les nouveaux marchés chinois, indiens ou japonais, fortement soutenus par leurs compatriotes. La jeune génération d’artistes indonésiens s’avère être la championne des œuvres vendues à moins de 5 000€ aux enchères. Les noms de Bob Sick YUDHITA AGUNG, Ugo UNTORO, Jumaldi ALFI ou Erica HESTU WAHYUNI, encore méconnus en France animent les vacations de Singapour et de Jakarta, et s’introduisent dans les catalogues de Sotheby’s à Hong-Kong… édifiant ainsi un pont entre l’Asie et l’Occident, dont les fondations se renforcent ventes après ventes.