Kasimir Malevitch, une œuvre emblématique repasse aux enchères

[17/04/2018]

Les œuvres emblématiques de Malevitch sont recherchées par les plus grands collectionneurs et musées du monde. Une toile suprématiste de 1916 arrive aux enchères le 15 mai prochain, chez Christie’s à New York. Ce n’est pas son premier passage en salle…

Artiste russe d’origine polonaise, Kasimir Sevrinovitch MALEVICH (1878-1935) a donné naissance à l’un des courants les plus radicaux de l’abstraction du XXème siècle : le Suprématisme, dont il fut aussi le théoricien. Après ses premières œuvres de sensibilité impressionniste au tout début du XXème siècle, les couleurs deviennent fauves en 1907-1908 et les expérimentations d’avant-garde se multiplient. Puis, il découvre le futurisme et le cubisme au début des années 1910. Ces révolutions plastiques participent au bouleversement de sa peinture, et à son glissement vers une abstraction de plus en plus pure et dynamique. En 1915, l’artiste révolutionne définitivement la peinture, avec ce que l’on considère comme le premier monochrome de l’histoire : le Carré noir. Avec ses marges blanches, le Carré noir n’est pas un monochrome mais une proposition radicale qui tend vers le monochrome. En décembre 1915, l’oeuvre est présentée parmi 39 œuvres suprématistes à l’exposition 0,10 (Zéro-Dix), une exposition des plus avant-gardistes de l’époque, où Malevitch donne à la peinture un coup de grâce, la tuant et la renouvelant à la fois. Pour Malevitch, le Carré noir tue quelque chose en même temps qu’il marque une nouvelle étape conduisant la peinture vers une plus grande vérité, une sensation pure. Le célèbre Carré noir, dont une des versions se trouve au MoMA depuis 1936, est une icône de l’avant-garde russe. Un deuxième Carré est créé en 1923 pour la Biennale de Venise, et un troisième pour la Galerie de Tretiakov.

Malevitch est l’un des artistes modernes les plus rares au monde sur le second marché. Cette rareté résulte en partie de l’interdiction dont fut frappé l’art abstrait en Union soviétique. Les œuvres suprématistes, les esquisses et divers documents retraçant l’histoire de cette évolution artistique, auraient pu tout à fait disparaître sans l’implication de deux collectionneurs clandestins, Nikolaï Khardzhiev et Georges Costakis.

Il se passe parfois plusieurs années avant qu’une œuvre importante n’émerge sur le marché, et sept toiles seulement sont passées en salles sur les 10 dernières années. Les compositions suprématistes sont quasi-introuvables. Celles qui ont émergé en salles ces dernières années ont fait l’objet de restitutions récentes auprès des héritiers de l’artiste, souvent après de longues batailles judiciaires.

Un nouveau record attendu

La Composition Suprématiste de Malevich, peinte en 1916, et proposée à l’occasion de la vente Impressionist and Modern Art Evening Sale de Christie’s le 15 mai 2018, est considérée comme l’une des plus belles et des plus complexes parmi les premières images révolutionnaires composées par l’artiste. Les nombreux éléments géométriques colorés qui la compose incarnent parfaitement sa nouvelle vision, celle d’une œuvre contenant son propre univers et son propre mouvement. Ce chef-d’oeuvre fut exposé lors de la rétrospective Malevitch de Moscou en 1919, puis à Berlin, avant d’être cachée avec d’autres œuvres importantes pendant une bonne partie des années 30.

La toile a été restituée aux héritiers de la famille de Malevitch en accord avec le Stedelijk Museum, en 2008. Quelques mois plus tard, la société Sotheby’s se chargeait de sa dispersion dans le cadre d’une vente de prestige organisée à New York. L’oeuvre atteignait alors un prix record : 60m$ (Suprematisch Composition, le 3 novembre 2008), très loin devant le précédent sommet de l’artiste établi à 17m$ (Phillips, New York, le 11 mai 2000). Dix ans après avoir planté un record absolu, cette même Composition Suprématiste pourrait atteindre un prix plus conséquent encore. C’est en tous cas ce qu’espère Christie’s lors de cette vacation qui pourrait faire date…