Juin 2010 : fin des grandes ventes de Londres… et de Paris !

[05/07/2010]

 

Les cessions londoniennes de juin se sont avérées particulièrement qualitatives : entre un rarissime autoportrait de Manet, une toile fauve à la provenance mythique de Derain et un buveur d’absinthe de la période bleue de Picasso, les résultats ne pouvaient être que supérieurs à ceux de juin 2009.

Le mois de juin 2010 affiche donc son lot de records mais aussi de déception et une surprise avec Paris, raflant à Londres la plus belle adjudication des ventes impressionnistes et modernes.

Parti pour son estimation basse de 20 m£ (29m$), l’autoportrait de Édouard MANET (Portrait de Manet par lui-même, en buste) dégage à lui seul plus de 20% du produit de la vente impressionniste et moderne de Sotheby’s le 22 juin 2010 (produit de ventes total : 98,87m£). Le retour de chefs d’œuvres du même acabit sauve les ventes de prestige de Londres. Un tel résultat aurait en effet représenté plus de 68% du produit de la même vente Sotheby’s en juin 2009 ! Cet autoportrait à la palette est une véritable rareté (on connaît seulement deux autoportraits de l’artiste) qui déclasse de 6m£ le précédent record de Manet signé au pic de la bulle spéculative de la fin des années 80 (La rue Mosnier aux drapeaux, 1878, Christie’s, New York, 14 novembre 1989). Quelques minutes plus tard, le Bouquet de Pivoines du même artiste dépassait de 800 000£ son estimation optimiste pour un résultat final de 6,8m£.
Manet ne fut pas le seul à galvaniser la salle. Le mythe autour de la toile fauve d’André DERAIN, Arbres à Collioure, avait aussi chauffé les esprits. L’histoire romanesque de l’œuvre – qui fut la propriété d’Ambroise Vollard avant d’être « oubliée » durant quarante ans dans un coffre de banque – fut un formidable stimulant pour les enchérisseurs.
Frappée à 14,5m£, l’œuvre écrase de 7m£ le précédent record le Derain (Barques au port de Collioure était adjugée 12,5m$, soit 7,6m£ le 4 novembre 2009 chez Sotheby’s à New York).
Sotheby’s signait aussi l’enchère record de Pierre BONNARD avec une scène lumineuse et intime intitulée Le petit déjeuner, radiateur. Enlevée pour 5,5m£ au marteau, l’œuvre battait son estimation optimiste de 2m£. Quant à l’Odalisque jouant aux dames (1928) d’Henri MATISSE, elle peinait à atteindre son estimation basse de 10m£ (soit 15,5m$).
Manet, Derain, Bonnard et Matisse : les quatre coups de marteau phares du 22 juin dégageaient plus de la moitié du produit de ventes de Sotheby’s ce jour-là. Avec 31,3% d’œuvre ravalées, la maison de ventes pouvait cependant espérer mieux, en vendant notamment les Fleurs à Vétheuil de Claude MONET et la Femme au chat assise dans un fauteuil de Pablo PICASSO dans leur fourchette d’estimation de 4-6m£ chacune.
L’œuvre de Picasso la plus attendue de ces cessions londoniennes alimentait la vacation Christie’s du lendemain. Après les 95m$ frappés pour Nude, Green Leaves and Bust lors des récentes ventes new-yorkaises de mai (Christie’s), le formidable Portrait d’Angel Fernandez de Soto (1903, période bleue), laissait présager une bonne surprise. Il a pourtant déçu avec une adjudication de 31m£ tandis que Christie’s en espérait 40m£.

La déception la plus sévère frappait les Nymphéas de Claude Monet que Christie’s estimait autant que le Portrait d’Angel Fernandez de Soto de Picasso, soit 30-40m£… cette fourchette de prix au double de sa précédente adjudication de 2000 s’est avérée bien trop gourmande. La toile partait en effet pour l’équivalent de 12,2m£ dix ans plus tôt. Entre les deux vacations, la cote de Claude Monet a certes grimpé… de près de 20% et non de 100%. L’actuel record des nymphéas remonte à la dernière période faste du marché, soit au mois de juin 2008, lorsque le large Bassin aux nymphéas de 1919 s’envolait pour 36,5 m£, au double de son estimation basse (Christie’s).
Si la course aux chefs-d’œuvre débouche sur des records même en période de crise, cela ne serait être à tout prix !

Paris en lice
Contrairement à toute attente, le plus beau résultat des vacations impressionnistes et modernes de juin 2010 fut frappé non pas à Londres mais à Paris avec un nouveau record pour Amedeo MODIGLIANI. Sa Tête de caryatide, issue de la collection Gaston Lévy, a presque décuplé son estimation basse, atteignant 38,5m€ au marteau (32m£, 46,6m$, le 14 juin).

Cessions contemporaines
Les cessions contemporaines de la fin du mois de juin peuvent paraître rassurantes pour les deux mastodontes si l’on s’en tient au faible taux d’œuvres invendues (16% en moyenne). Cependant plusieurs déconvenues ont frappé des signatures phares. Le 28 juin, Sotheby’s ravalait ses deux toiles de Peter DOIG (White Creep, est. 1,4-1,8m£) et Stealth House (annoncée entre 300 000 et 400 000£), ainsi qu’une œuvre précoce de Lucian FREUD (Memory of London de 1939-40, est. 500 000/700 000£). Le même auctioneer adjugeait la Millionaire Nurse de Richard PRINCE pour 1,9m£, soit 350 000£ de moins qu’en mai 2008 (Sotheby’s, 28 juin) et cédait le large cibachrome d’ Andreas GURSKY intitulé Stateville, Illinois sous son estimation basse (estimé 500 000/700 000£ et adjugé 480 000£). Deux jours plus tard, Christie’s ravalait une œuvre importante de Gursky, Pyongyang II, attendue entre 900 000£ et 1,2m£ et une grande acrylique sans titre de Jean-Michel BASQUIAT, réalisée en 1982, et proposée entre 2,5 et 3,5m£. Jeff KOONS retrouve par contre un peu de sa superbe avec sa meilleure enchère des douze derniers mois pour la toile gourmande Loopy, frappée 3m£, (environ 4,5m$). Christie’s signait là son plus beau résultat pour une toile de Koons soumise à enchères !