Joan Mitchell face à Monet

[11/10/2022]

La nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton à Paris met en perspective les œuvres de deux géants de la peinture moderne et contemporaine : Claude Monet (1840-1926) et Joan Mitchell (1925-1992). Le parcours d’une soixantaine d’œuvres réunies sous le commissariat de Suzanne Pagé, Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, est scandé par de remarquables correspondances visuelles et thématiques.

 

La Fondation Vuitton rappelle l’importance de l’oeuvre de Monet dans le cheminement des artistes américains du siècle dernier, les Nymphéas de Claude MONET trouvant une consécration dès les années 1950 aux États-Unis, “où ils sont perçus comme précurseurs de l’abstraction par les peintres de l’Expressionnisme abstrait.” À la même époque, Joan Mitchell, en lien avec Franz Kline ou Willem de Kooning, devient l’une des figures de la scène new-yorkaise. En 1951, elle est l’une des rares femmes membres de l’exclusif ArtistsClub où les seules autres femmes admises sont Elaine de Kooning, Lee Krasner et Helen Frankenthaler. Les œuvres de Joan Mitchell intègrent alors l’exposition The Ninth Street organisée avec l’aide de Leo Castelli, qui va contribuer au triomphe de l’avant-garde américaine.

Si Joan MITCHELL fait partie intégrante de la grande histoire des Expressionnistes abstraits américains, son œuvre aussi résonne puissamment avec une forme “d’impressionnisme abstrait”, selon la formule consacrée par Elaine de Kooning pour décrire les œuvres réalisées par Monet à la fin de sa vie. À partir de 1968, Mitchell jouxte l’univers qui fut celui de Monet en s’installant dans une propriété à Vétheuil, proche de celle où vécut Monet de 1878 à 1881. Vétheuil voit notamment naître ses grands polyptyques des années 1970, où l’artiste américaine saisit l’essence de la nature et le lyrisme du paysage, produisant une peinture sensible à la lumière et aux couleurs intenses.

Giverny pour Monet, Vétheuil pour Mitchell, furent les environnements cruciaux dans la vie et le développement de l’œuvre des deux artistes. Pour Monet, cela a abouti aux célèbres Nymphéas, tandis que Mitchell a produit des compositions abstraites emblématiques, évoquant des émotions associées aux paysages. Composé de trente-six œuvres de Monet et de vingt-quatre de Mitchell, l’exposition Monet-Mitchell est organisée en collaboration avec le musée Marmottan Monet, qui a prêté vingt-cinq tableaux de Monet.

 

Deux expositions en une

Mitchell a développé une peinture parmi les plus remarquables de la seconde moitié du 20e siècle. Une peinture “abstraite”, qui “est aussi un paysage”. Afin de faire découvrir au mieux ce travail, la Fondation présente, en écho au dialogue Monet-Mitchell, la plus importante rétrospective de Joan Mitchell en Europe depuis trente ans, en collaboration avec le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) et le Baltimore Museum of Art (BMA). L’exposition réunit une cinquantaine d’œuvres sur 1000m2, et propose une nouvelle version de l’exposition présentée aux Etats-Unis l’été dernier (San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) puis Baltimore Museum of Art (BAM).

 

Evolution de la cote de Mitchell : l’oeil d’Artprice

Joan Mitchell est représentée par David Zwirner depuis 2018, galerie incontournable qui contribue à accroître la reconnaissance de l’œuvre et de la vie de la célèbre peintre. L’engagement d’une galerie de cette envergure a eu un effet immédiat sur la demande et sur la cote des œuvres de Mitchell car, deux semaines après l’annonce officielle de cet engagement, Christie’s vendait à New York la toile Blueberry au prix record de 16,6m$, contre une estimation haute de 7 millions de dollars… Ce record pour Mitchell est inégalé aux enchères depuis mais la revalorisation des oeuvres s’est poursuivie avec intensité, comme le montre la revente du diptyque La Grande Vallée VII (1983), dont le prix a été multiplié par 44 entre 1989 et 2020, passant de 330.000$ à 14,5 m$.

 

Joan Mitchell : classement mondial aux enchères (produit des ventes)

Claude Monet : classement mondial aux enchères (produit des ventes)

À ce jour, dix toiles de Mitchell ont dépassé le seuil des 10 millions de dollars aux enchères, dont cinq entre 2020 et 2022. La hausse des prix sur les plus belles œuvres s’accélère donc nettement depuis deux ans, ce qui constitue “un ajustement du marché qui aurait dû intervenir il y a longtemps déjà”, selon Alexander Rotter, président du département Après-guerre et Art Contemporain chez Christie’s à New York.

Joan Mitchell se classe comme la 62e artiste la plus performante au monde selon ses résultats de ventes aux enchères, alors qu’elle obtenait seulement la 220e place en 2000. Claude Monet est, lui, en première place du classement mondial provisoire d’Artprice, selon un produit des ventes dépassant les 388m$ : un record absolu bien que l’année 2022 soit encore loin d’être achevée !

 

Claude Monet : produit des ventes annuel aux enchères (copyright Artprice.com)

 

Monet-Mitchell

Fondation Louis Vuitton

Exposition jusqu’au 27.02.2023