Joan Miro arrive au Grand Palais

[04/09/2018]

3 octobre 2018 – 4 février 2019

Paris. Le Grand Palais. Une destination forte pour accueillir une ambitieuse rétrospective de Joan MIRO (1893-1983) durant quatre mois. Les galeries nationales du Grand Palais ont déjà dédiée une exposition à l’artiste catalan pour son 80e anniversaire. C’était en 1974. Près de 44 ans plus tard, elle renouvelle l’expérience sous le commissariat de Jean-Louis Prat, ancien directeur de la Fondation Maeght (1970-2005), historien de l’art et membre du Comité Joan Miró. Cette rétrospective doit réunir 150 œuvres, ce qui paraît peu en regard de la densité de la production de cet artiste, qui a réalisé au moins 2 000 peintures, 5 000 dessins et collages, 500 sculptures et 400 céramiques au cours de sa vie, sans compter une importante quantité d’estampes. La rétrospective du Grand Palais entend néanmoins de retracer le parcours chronologique et les évolutions de Miro – 70 ans de création – à travers des œuvres majeures dont certaines, inédites en France, ont été obtenues grâce à des prêts exceptionnels.

Quel pari qu’une rétrospective dédiée à cet artiste si prolifique, contemporain de dada, de PICASSO, de MATISSE, du surréalisme, puis des expressionnistes abstraits américains. L’oeuvre de cet « assassin de la peinture », comme il se définissait lui-même, est faite de renouvellements incessants et d’inventions perpétuelles. Ni véritablement abstrait, ni figuratif, Miro n’a pas eu peur de plonger dans l’inconnu pour inventer un langage neuf, avec ingénuité et poésie.

Dans les années 1910′, les premières œuvres originales du catalan opèrent une synthèse entre le cubisme et de l’intensité colorée du fauvisme. Bien que très attaché à sa terre natale, Miro quitte Barcelone pour s’installer à Paris en 1920. Il entre de plein pieds dans l’univers libre et créatif qui lui convient. C’est l’époque des manifestations dada qui bouleversent les codes, et bientôt celle des pratiques créatives automatiques inaugurées au début des années 20′ par André Breton. Miro côtoie les plus grands surréalistes, de Max Ernst à Paul Eluard, sans vouloir réellement intégrer leur groupe. Cette période intense de création donnera lieu à quelques chef-d’oeuvres, des peintures fécondes mixant formes organiques et géométriques.

Recherches et influences

Miro recherche l’intensité, la simplicité, l’énergie et le pouvoir évocateur par tous les moyens : peintures, dessins, céramiques, sculptures, assemblages… Il prélève des objets du quotidien avec une liberté que l’on retrouve chez Picasso ; il brûle des peintures (année 70′) pour obtenir de nouveaux effets de matière tout en enterrant l’art traditionnel qu’il souhaitait tant renouveler ; il explore de nouvelles techniques de gravure, selon lui «  un moyen d’expression majeur, de libération, d’élargissement, de découverte », notamment à l’atelier 17 à New York… sa liberté influence les artistes d’avant-garde, y compris les américains Jackson POLLOCK, Mark ROTHKO, Willem DE KOONING et Robert MOTHERWELL.

Reconnaissance de son vivant

C’est d’ailleurs depuis New York qu’arrive le premier grand hommage à Miro, par une  rétrospective organisée au MoMA en 1941. Dès lors, la notoriété de l’artiste s’ancre sur le sol américain. Les prix honorifiques se multiplient par la suite : Grand prix de gravure de la Biennale de Venise en 1954, Grand Prix de la Fondation Guggenheim pour ses peintures murales à l’Unesco, fait Chevalier de la Légion d’honneur de la République française en 1962, récipiendaire du Prix Carnegie de peinture (1966), Médaillé d’or des Beaux-Arts (1980)… Les expositions suivent, dont une rétrospective au Musée d’art Moderne de la ville de Paris, Parachevant cette carrière prestigieuse, la Fondation Joan-Miró est créée en son honneur à Barcelone (1975), avec un fond initial riche de 5 000 œuvres.

Robustesse du marché

Le prolifique Miro bénéficie d’un marché robuste, alimenté par des toiles particulièrement qualitatives ces dernières années. Le marteau est tombé à plus d’un million de dollars à 154 reprises depuis l’année 2000, dont 20 fois pour des montants supérieurs à 10 millions. Depuis peu, la cote des œuvres tardives grimpent, rattrapant le niveau de prix des œuvres surréalistes des années 20′.

Les résultats les plus remarquables des 10 dernières années passent par la vente, en 2008 à New York, de La caresse des étoiles pour 17 m$, alors que Christie’s avait déjà vendu cette toile pour moins de 12 millions de dollars quatre ans plus tôt. L’oeuvre affichait alors une plus-value de 4 m$ en quatre ans.

En 2012 à Londres, Sotheby’s vendait un chef-d’oeuvre de 1927, Peinture (Etoile Bleue), pour 37 m$ chez, un record toujours d’actualité. 2012 fut une année historique pour la vente d’oeuvres de Miro, avec un résultat global de près de 135 m$.

Cinq ans plus tard, en 2017, la société Sotheby’s enregistrait un record pour un dessin de l’artiste en vendant Femme et oiseaux, une œuvre plus tardive (1940), pour 31,5 m$. Cette technique mixte sur papier aux dimensions modestes (38 x 46 cm) était issue de la série des Constellations, qui ne comptent qu’une vingtaine d’oeuvres dans la production de l’artiste (les chiffres diffèrent selon les biographes).

Si le marché de Miro est particulièrement dense – 1 200 à 1 300 lots vendus chaque année – il est majoritairement alimenté par des estampes (plus de 90% des lots vendus). Une soixantaine de dessins se vendent chaque année et une poignée d’oeuvres sur toiles (moins de 30) complète un marché majoritairement américain en terme de valeur (64% depuis 2017) mais très international pour la distribution des lots. On trouve aussi bien des œuvres signées Miro en Espagne qu’en France, en Autriche, en Suisse, en Allemagne, en Italie, au Portugal, en Belgique, aux Pays-Bas, à Hong Kong… jusqu’en Finlande, l’oeuvre de Miro intègre chaque année de nouvelles collections privées.