Japon 2020 : un marché de l’art sain et dynamique

[16/02/2021]

Face à un marché chinois aussi puissant que celui des Etats-Unis en termes de produit de ventes aux enchères, le Japon représente 2% seulement du volume d’affaires pour la vente d’œuvres d’art en Asie. Une petite part, certes, mais une place importante – la huitième mondiale après l’Italie et la Suisse – avec plus de 95 millions d’œuvres écoulées par des sociétés japonaises l’année dernière.

En temps de crise, le marché japonais est plus à l’abri que d’autres, tant il est très fluide et offre des œuvres abordables. Loin de dépendre du marché très haut de gamme, des oeuvres millionnaires, le Japon a finalement très bien résisté aux soubresauts imposés par la crise sanitaire : son résultat fléchit seulement de -14 % en 2020, lorsque le chiffre d’affaire de certains pays (dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France) a flanché de plus de -30%. Son nombre de transactions est par ailleurs stable, comparé aux fortes baisses observées dans bien d’autres pays.

Curieux et éclectiques, les grands collectionneurs japonais ont, depuis toujours, un goût affirmé pour les grands artistes  impressionnistes et modernes occidentaux : Renoir, Chagall, Buffet et Munch sont parmi les artistes les plus recherchés et les plus cotés sur place. Le marché nippon à aussi ses propres “valeurs sûres” : Hokusai, Foujita pour les modernes,Ayako ROKKAKU, Yayoi KUSAMAYoshitomo NARA pour les contemporains internationaux, Iwamoto MASAKAZU et Tatsuhiro IDE pour les stars plus locales.

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Plus d’un million pour l’impressionniste Seiki KURODA
La meilleure adjudication 2020 revient à Seiki KURODA. Arrêtons nous ici sur ce grand classique de l’histoire de l’art japonais, dont une huile sur toile de 1910 excédait d’un million de dollars l’estimation haute en juillet dernier, pour terminer sa course à 1,3m$ (The forest in the evening, iART Co., Tokyo). Seiki KURODA (1866-1924) est un peintre moderne pétri de culture française. En passant 10 ans de sa vie à Paris à partir de 1884, il devint l’un des pionniers de la peinture de style occidental, dite yoga, au Japon. Son oeuvre, inspiré de l’impressionnisme et de l’école de Barbizon, révolutionne la tradition picturale japonaise lorsqu’il enseigne dans son pays natal. En France, son travail est accueilli avec les honneurs : son triptyque Sagesse, Impression, Sentiment (1900) et Bord de lac (1897) sont exposés à l’Exposition universelle de 1900 de Paris où Kuroda reçoit une médaille d’argent. (Rep Seiki Kuroda, The Forest in the evening, détail)

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Tsuguharu FOUJITA, le plus désirable
Le marché japonais est le point de ralliement naturel de tout grand collectionneur en quête de Tsuguharu FOUJITA C’est là que le marché s’avère le plus dense (38% des transactions en 2020) pour cette signature recherchée dans le monde entier. Même la France – où l’artiste a passé plus de la moitié de sa vie – offre un marché moins fourni (26% des lots vendus).

L’une des meilleures adjudications du marché  japonais 2020 est a souligné tant elle est symbolique, car il s’agit du record absolu pour une œuvre de Foujita enregistré par une société de ventes japonaise. L’œuvre en question – un bijou doré à l’or fin tel une icône – fut emportée pour 820 530$, au double de son estimation, en juin dernier chez iART à Tokyo (La partie de Colin-Maillard). Le record absolu de l’artiste demeure celui emporté en 2018 à Londres : 9,3m$ pour le spectaculaire tableau La fête d’anniversaire (1949).

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MR DOODLE, le plus inattendu
Le Britannique Sam Cox, mieux connu sous le pseudonyme de MR DOODLE (1994)  fait fureur au Japon. Son « graffiti spaghetti » envahissant s’est arraché pour 321 000$ (avec sa grande toile Summer) le 12 décembre dernier, chez Est-Ouest Auctions Co. Un vent de folie souffle sur celui que certains considèrent comme le nouveau Keith Haring. Or, le Japon est son marché de plus porteur, concentrant 60% du produit de ventes aux enchères de Mr Doodle (contre 27% à Hong Kong). La demande y est électrique : la moindre œuvre présentée trouve preneur et les transactions s’accélèrent. Plusieurs dizaines d’œuvres ont déjà été vendues sur le marché japonais depuis le début de l’année 2021. Si le rythme perdure, Mr Doodle devra aux collectionneurs japonais un nouveau record avant la fin de l’année. (Rep. Mr Doodle, Hearts Red #2 (2019), 71,625 $, SBI Art Auction Co, Tokyo, janvier 2021)

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Les chiffres clés du marché japonais:
– 95,3 m$ millions d’oeuvres vendues en 2020
– 12 607 lots vendus en 2020 sur 15 917 offerts
– Taux d’invendus : 20% (contre 34% de moyenne mondiale)
– Evolution du CA en 2020 : -14 %
– Record d’enchère historique : 9,1m$ pour Tête de femme en pleurs (1939) de Pablo PICASSO (iART Co., LTD. Tokyo, juin 2018)
– Record d’adjudication 2020 : 1,3m$ pour The forest in the evening (1910) de Seiki KURODA (iART Co., LTD. Tokyo, juillet 2020)