Ils ont fait polémique

[18/08/2015]

 

L’art critique continuellement la société, questionne ses propres limites, et provoque des réactions plus ou moins vives. Cette année encore, le monde de l’art fut le théâtre de quelques polémiques retentissantes. Retour sur quelques-unes d’entre elles…

En janvier 2015, le peintre belge Luc TUYMANS (1958) était condamné pour plagiat par le tribunal d’Anvers. Selon ce dernier, l’œuvre intitulée A belgian politician ressemblait un peu trop à une photographie prise du politicien Jean-Marie Dedecker et parue dans le journal De Standaard. Peu en phase avec l’art contemporain, le juge accusait l’artiste de plagiat. Or, le travail de Luc Tuymans, comme celui de nombreux artistes contemporains, procède volontairement d’une réappropriation d’images existantes qu’il re-contextualise pour en offrir sa vision du monde. Tuymans se trouve être l’artiste contemporain Belge le plus coté (il tient un record avec Rumour, vendue 2,7 m$, le 15 novembre 2013 chez Christie’s New York ), un succès propre à susciter les convoitises.

Autre accusation, cette fois en France, avec l’exposition de Jeff KOONS  : après une importante rétrospective organisée par le Whitney Museum qui ne posa aucun problème aux visiteurs américains, l’artiste est accusé de plagiat pour deux œuvres de la série Banality (1988) lors de son exposition parisienne. Alain Seban, alors président du centre Pompidou, rappelait dans un communiqué que “des questions similaires se sont déjà posées aux Etats-Unis pour d’autres œuvres de la série Banality, dont le principe même est de partir d’objets achetés dans le commerce ou d’images issues de la presse”, et ajoutait : “Une large part de la création moderne et contemporaine repose sur le concept de citation, voire d’appropriation. Il est essentiel que les musées puissent continuer à rendre compte de ces démarches artistiques”.

L’appropriationnisme est en effet une tendance artistique reconnue, dont l’une des figures majeures, STURTEVANT, s’est éteinte l’an dernier. Ses oeuvres, copiant à s’y méprendre celles d’Andy Warhol ou de Roy Lichtenstein, sont aujourd’hui adjugées plusieurs millions de dollars… Dans le cas de Sturdevant, l’appropriation de chefs-d’oeuvre est absolument flagrante. Ce que l’on reprocha en revanche au français Valentin CARRON (1977) durant la Fiac 2014, c’est son hommage un peu trop subtil au sculpteur Francesco MARINO DI TEANA (1920-2012), notamment la traduction du titre de l’oeuvre en anglais (The Dawn pour traduire L’Aube de Marino Di Teana). Le procès fut évité de peu… Sur un sujet voisin, mais sous une forme différente, la sculpture L’Aurore de Valentin Carron se vendait 75 000 $ chez Christie’s New York, quelques jours après la Fiac. Ainsi, la polémique ne défait pas le marché, elle semblerait au contraire le stimuler…Durant la même foire, la sculpture gonflable à l’allure de plug anal de Paul MCCARTHY, Tree, installée sur la prestigieuse place Vendôme, est vandalisée. 150 ans après le scandale de l’Olympia de Manet au Salon de Paris, l’élan phallique de Mc Carthy au coeur de la capitale (la ville regorge par ailleurs de démonstrations architecturales de ce type dépourvues d’ironie) soulève une vague de protestations et une autre de soutiens. Quelques mois plus tard, c’est au tour de l’oeuvre Dirty Corner d’Anish KAPOOR (rapidement rebaptisée le Vagin de la Reine par ses détracteurs) d’être détériorée dans les Jardins de Versailles. Le public français semble particulièrement sensibles aux questions de plagiat et d’indécence, à en perdre son esprit critique, son imagination et son humour…

Autre pays, autre réaction : l’artiste cubaine Tania BRUGUERA (1968) a mobilisé l’écosystème de l’art cette année, suite à son arrestation par les autorités cubaines. En effet, quelques jours après l’annonce de l’assouplissement des relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba (décembre 2014), elle organise une performance à La Havane qui déplaît fortement aux autorités cubaines… Elle est arrêtée et privée d’un passeport qu’elle ne récupérait que le mois dernier (le 10 juillet 2015). Cette polémique a fait réagir le marché : en mai 2015, Phillips vend en effet Destierro pour 81 250 $ frais inclus, au double de l’estimation, bien que Bruguera n’ait jamais fait parler d’elle aux enchères auparavant. Les acteurs du marché ont marqué leur soutien à l’artiste en poussant sa médiatisation jusqu’en salles de ventes.

A chaque pays ses sujets sensibles. On ne s’offusque pas des même choses à Paris, New York, Cuba, Pékin ou Doha, mais les artistes suscitent toujours des réactions qui nous permettent de prendre le pouls de nos sociétés. Aujourd’hui, plus que jamais, le marché de l’art réagit aussi à ce type d’actualité.