Ils auraient eu 100 ans en 2023 : volet 2

[17/01/2023]

Après Sam Francis, Ellsworth Kelly, Larry Rivers à qui nous avons consacré notre dernier article, Artmarket by Artprice poursuit son exploration de ces immenses artistes qui auraient été centenaires en 2023. Rendons cette fois hommage à Richard Artschwager, Jean-Paul Riopelle et Roy Lichtenstein, tous nés en 1923.

Roy Lichtenstein

Peintre méticuleux d’un tempérament discret, reflet d’une époque et inventeur d’un nouveau courant artistique, Roy LICHTENSTEIN a inscrit son nom de son vivant dans l’histoire de l’art. Son style immédiatement reconnaissable, avec des couleurs franches et une trame typographique qui tranche avec les techniques du “Grand art”, lui prendra tout de même une quinzaine d’années.

Issu de la bourgeoisie aisée de New York, Roy est un enfant dévorant les comics dans son enfance, comme tous les jeunes américains de son âge. Jeune adolescent, il pense déjà à devenir peintre, et admire l’artiste le plus connu au monde à l’époque : Pablo Picasso. Il intègre une école d’art et produit des premières peintures très inspirées par l’art moderne français. Mobilisé dans l’armée américaine, il se retrouve dans Paris libéré, mais n’ose pas frapper à la porte de Picasso, trop impressionné par le Maître.

Lichtenstein ne parvient pas encore à commercialiser ses œuvres : puisant ses sujets dans l’histoire et le folklore américains, il n’a pas encore trouvé le langage qui le fera connaître et reste sous l’influence de l’avant-garde européenne. Il n’abandonne pas, poursuit ses recherches inlassablement, allant même jusqu’à explorer brièvement l’Action painting qui s’impose sur la scène américaine de l’époque. C’est seulement en approchant de la quarantaine qu’il va trouver son univers graphique et sa propre voie, à travers les comics.

Il montre ses premières peintures Pop au galeriste Leo Castelli qui, immédiatement conquis, lance sa carrière via une première exposition dont le retentissement est immense et le succès commercial spectaculaire : tout se vend dans la journée. Lichtenstein arrête alors  d’enseigner et se consacre pleinement à cette peinture ironisant la culture américaine dans un style audacieux, où le geste du peintre tend à s’effacer pour que le travail paraisse le plus industriel possible.

A la fin des années 1980, certaines de ses oeuvres dépassent déjà le million de dollars, puis sa cote passe de nouveaux caps dans les années 2000 : Les 5 m$ sont dépassés en 2002, les 10 millions en 2005 et les 50 millions en 2013, pour une toile revisitant son maître de la première heure : Picasso (Woman with Flowered Hat, 1963)… si bien que ses oeuvres atteignent le prix de toiles de Picasso ou de Monet. Ses œuvres sont passées en vente aux enchères à près de 13 000 reprises, majoritairement dans la catégorie “Estampe”.

 

Record d’adjudication 

Le record absolu de Lichtenstein culmine à 85,3m$ depuis la vente, chez Christie’s, de Nurse (1964). Ce sommet remonte à 2015.

Prix des peintures en 2022

Si ses œuvres précoces peuvent être accessibles pour moins de 100 000$, celles de sa pleine période Pop seront accessibles à partir de 200 000$, et jusqu’à des dizaines de millions selon leurs importances.

Position mondiale

54e artiste le plus performant aux enchères en 2022, Roy Lichtenstein n’en est pas moins en perte de vitesse, avec des performances annuelles équivalentes à 38m$, contre près de 186m$ en 2015 : une année record. En cause : les plus belles toiles se font de plus en plus rares.

 

Répartion des oeuvres vendues aux enchères de Lichtenstein par gamme de prix depuis 2000 (Copyright Artprice.com)

 

Richard Artschwager

A une période où l’expressionnisme abstrait règne en maître, Richard ARTSCHWAGER mène des études d’art classique : études de nus et peintures abstraites au format chevalet, inspirées de paysage. En 1961, il trouve un instantané dans une poubelle, quadrille cette photographie, et la transpose sur toile en l’agrandissant. Il découvre par la suite le celotex, qui  lui permet de mettre en valeur la charge du geste, et réalise sa première combinaison de celotex peint et de sculpture en 1962. Trois ans plus tard, Leo Castelli lui consacre une première exposition individuelle, chez Castelli et bientôt, à la fin des années 1960, apparaissent dans son œuvre les BLP, ces agrandissements de signes de ponctuation qui concrétisent son goût pour les références linguistiques. Les BLP seront l’unique sujet de sa première exposition individuelle en Europe, à la galerie Konrad Fischer de Düsseldorf, en 1968.

La création singulière artiste américain est représentée par la galerie Gagosian qui lui a consacré une exposition à Bâle durant l’automne 2022. Son œuvre a aussi fait l’objet d’une rétrospective au musée Guggenheim Bilbao en 2020, célébrant un travail orienté vers “la fusion de la figuration et de l‘abstraction, du design et de l‘innovation artistique dans une combinaison pleine d’ironie entre le fonctionnel et l‘inutile.”

 

Record d’adjudication 

1,27m$ obtenus en 2007 pour une grande peinture intitulée Interior with Sideboard I (1974), vendue chez Christie’s NY.

Prix des peintures en 2022

Seules quatre toiles se sont vendues aux enchères l’an dernier dans le monde, dans une gamme de prix allant de 16 000$ à 50 000$.

Position mondiale

Bien qu’il ait été classé à plusieurs reprises parmi les 1000 artistes mondiaux les plus performants aux enchères, et qu’il soit défendu par le puissant marchand Larry Gagosian, le marché de Richard Artschwager n’est pas au beau fixe. Il se classe à la position 2039 l’année dernière, via une produit de ventes aux enchères de 391 000$.

 

 

Répartition du produit de ventes aux enchères de Richard Artschwager par catégorie (2000-2023). Copyright Artprice.com

Jean-Paul Riopelle

Né à Montréal en 1923, Jean-Paul RIOPELLE (1923-2002) commence à dessiner dès la tendre enfance, et plus sérieusement dès ses 13 ans. Jeune homme dans la vingtaine, il démontre un tempérament fort, un style libre et spontané qu’il exprime dans ses premières peintures automatiques. Son aventure artistique s’annonce déjà comme un foisonnant champ d’expériences. Se rendant à Paris à la fin des années 40, il rencontre André Breton, le “gourou” du Surréalisme, signe le manifeste surréaliste “Rupture inaugurale”, et s’installe en France, en 1948. Admiratif de sa technique spontanée, Breton le qualifie de “trappeur supérieur” dans la préface qu’il rédige pour le catalogue de sa première exposition individuelle à Paris, en 1949. Pour les surréalistes parisiens, la démarche de Riopelle est de nature initiatique. Elle sera perçue de la même manière par les acteurs de l’avant-garde américaine, lors de sa première exposition à la Galerie Pierre Matisse, à New York, en 1959. A l’époque, son lien avec New York n’est pas seulement professionnel et artistique, il est aussi de nature sentimentale, car Riopelle est en couple avec la grande artiste abstraite américaine Joan Mitchell. Cette relation de 25 ans est tout autant passionnelle et explosive sur le plan personnel que sur le plan artistique. Les œuvres de Riopelle et de Mitchell se nourrissent mutuellement, même après leur rupture, en 1979. Juste après leur séparation, Riopelle se tourne vers le noir et le blanc, le blanc convoquant chez lui la fin, en lien direct avec sa rupture sentimentale. Puis, en 1992, année du décès de Mitchell, il réalise Hommage à Rosa Luxembourg en sa mémoire, une œuvre-testament composée de 30 tableaux, un triptyque de plus de 40 mètres de longueur.

Le style de ses vigoureuses mosaïques colorées, immédiatement reconnaissable, se distingue de la production abstraite de l’époque. Sur ses toiles, Riopelle pose la couleur directement sortie du tube et travaille la matière en épaisseur à la spatule.

Les prix du “plus grand peintre canadien” ont été révisés à la hausse en 2017, avec deux œuvres vendues plus de 5 millions de dollars chacune, d’abord à Toronto en mai, puis à Paris en décembre.

 

Record d’adjudication 

Près de 5,7m$ obtenus en 2017 pour une grande toile de 1953 (Sans titre), vendue chez Christie’s à Paris.

Prix des peintures en 2022

Le marché de Riopelle est dense : une quarantaine de toiles ont changé de mains aux enchères l’an dernier, pour des prix allant de 50 000$ pour les plus petites d’entre elles, à plus de 2 millions pour les plus importantes.

Position mondiale

Un marché actif et bien alimenté permet d’inscrire Riopelle à la 111e place des artistes les plus performants aux enchères, avec 15,8m$ d’œuvres d’art vendues au cours de l’année dernière.

 

Evolution du produit des ventes aux enchères de Riopelle en millions de dollars (copyright Artprice.com)