Hommage à Ben, l’amoureux des mots en quête de la totalité de l’art

[14/06/2024]

“La vie imite l’art, bien plus que l’art n’imite la vie”. Oscar Wilde, cité par Ben

Pendant plus de 60 ans, Ben a célébré la vie en signant aussi bien des objets que des idées. Il a été retrouvé mort le 5 juin, à l’âge de 88 ans, dans son domicile niçois. Ses célèbres peintures-écritures, souvent aphorismes peints en blanc sur noir avec une graphie ronde et naïve, ont fait de lui l’un des artistes les plus populaires de notre époque. L’ampleur de son œuvre, visant une totalité artistique, est reconnue en France comme à l’international.

“Tout est art”

Né le 18 juillet 1935 à Naples d’une mère irlandaise et occitane et d’un père suisse français, BEN, de son vrai nom Benjamin Vautier, est devenu une figure emblématique de Nice et de l’art contemporain français. À 20 ans, après avoir dirigé une librairie-papeterie, son esprit créatif transforme les lieux dès la fin des années 1950. Sa petite boutique au 32, rue Tonduti de l’Escarène à Nice, dédiée à la vente de disques d’occasion, déborde d’objets accumulés sur la façade. Cette boutique-laboratoire devient un lieu d’expositions et un point de ralliement pour les principaux membres de ce qui deviendra l’École de Nice : César, Arman, et Martial Raysse. Reconstituée par Ben, la foisonnante boutique de Nice est achetée en 1975 par le Musée d’art moderne et contemporain du Centre Pompidou et est régulièrement présentée dans ses collections.

Le Mouvement Fluxus

Au début des années 1960, Ben rejoint le mouvement Fluxus, s’inspirant de l’héritage de Dada, de Marcel Duchamp, et de John Cage. Il diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le défenseur d’un art d’attitude. C’est à cette époque qu’il développe la notion d’appropriation, signant tout ce qui ne l’a pas encore été : des coups de pied, “la mort, le mystère, le manque, le déséquilibre, tout, rien, la vie, les trous”, car en art, tout est possible, surtout s’approprier la vie.

Il signe ensuite des vérités. Les vérités objectives lui permettent d’abord de s’approprier des absolus : “Un et un font deux” signé par Ben devient immédiatement une œuvre d’art. Il se concentre ensuite sur les vérités subjectives telles que “Je veux la gloire” ou “Je suis jaloux des autres artistes”. Ses commentaires sur l’actualité, constats sur l’ego, et invectives au monde de l’art, empreints d’un humour voire d’une autodérision sous-jacente, font que la signature de Ben déborde les frontières de l’art, jusqu’à figurer sur les agendas et trousses d’écoliers. L’avènement de l’écriture de Ben comme logo populaire dépasse le marketing, illustrant sa revendication à être un artiste pour tous et sa volonté de contester la domination des instances culturelles définissant ce qui est art et ce qui ne l’est pas.

La Maison de Nice

Au début des années 1970, l’artiste achète une maison sur les hauteurs de Nice avec une vue panoramique sur la baie des Anges. Il la transforme en tourbillon créatif, accumulant sur les murs et dans le jardin des objets et œuvres dans un foisonnement jubilatoire. Son lieu de vie devient une œuvre d’art totale, recouverte de ses mots d’esprit, de couleurs fortes et d’objets hétéroclites.

Façade Bazart de Ben. Source : site internet de l’artiste

 

Les Expositions

C’est à cette époque, au début des années 1970, qu’il commence à être connu et à exposer. En 1995, sa première rétrospective a lieu au Musée d’art contemporain de Marseille, suivie d’une seconde au Musée d’art contemporain de Nice six ans plus tard. Son exposition la plus marquante reste celle organisée par le Musée d’art contemporain de Lyon en 2010. “Ben, strip-tease intégral” a réuni plus de 1000 œuvres rarement vues issues de grandes collections d’Europe et d’Amérique du Nord, retraçant cinquante ans de création sur plus de 3000 mètres carrés du Musée de Lyon. Le commissariat de l’exposition, assuré par Jon Hendricks, historien d’art, artiste, commissaire consultant pour la collection Fluxus Gilbert et Lila Silverman au MoMA de New York, et agent de Yoko Ono, écrivait alors : “Les gestes de Ben, qu’il a commencés à effectuer à la fin des années 1950, ont maintenant leur place au panthéon de la performance. Ses écritures sont des œuvres radicales, révolutionnaires. Ses travaux sur les attitudes et les conditions sociales révèlent un grand humanisme. Ben a une énergie intarissable, produisant un flux d’informations, d’opinions, de livres, d’essais et de documents Internet. Il n’est pas l’artiste cliché enfermé dans sa tour d’ivoire mais plutôt un artiste de la rue (…) dont l’ampleur joyeuse et foisonnante traverse tous les champs de l’art et de la vie.”

Les Œuvres de Ben dans les collections du monde

Les œuvres de Ben sont présentes dans les plus grandes collections privées et publiques du monde, notamment : le MoMA de New York, le Walker Art Center de Minneapolis, l’Art Gallery of New South Wales de Sydney, le Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig de Vienne, le MUHKA d’Anvers, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le Musée de Solothurn, le Musée national d’art moderne de Paris, et le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice.

Répartition des Œuvres Vendues aux enchères 

Sa demande sur le marché des enchères est mondiale (copyright Artprice.com)