Hermann Nitsch : esthétique de la souillure

[08/07/2007]

 

Hermann Nitsch est considéré comme le pape de l’actionnisme viennois (1962-1968), un mouvement contestataire qui cherchait à soigner la plaie ouverte pendant le IIIème Reich. Leur arme : briser les tabous au grès de rituels collectifs ou de liturgies privées aux relents sanglants et excrémentiels. Fidèle à ses premiers happenings, Nitsch poursuit, à l’aube de ses 70 ans, sa rhétorique organique et pulsionnelle. Ses peintures à l’huile, à l’acrylique et à l’hémoglobine évoquent la violence sacrificielle mise en œuvre dans son Théâtre des Mystères et Orgies.

L’œuvre de Hermann NITSCH est désormais auréolée du soutien de Charles Saatchi dont les choix en matière de collection font références et ont des répercussions positives sur les résultats de ventes. Saatchi mettait Nitsch à l’honneur dans le cadre de son exposition Le Triomphe de la Peinture au County Hall de Londres en 2005. Conséquence : le taux d’invendus de l’artiste a dégringolé de près de 44% en deux ans. Face à une demande accrue, les auctioneers soumettent de plus en plus d’œuvres aux enchères et le produit des ventes annuel grimpe indéniablement. En 2001, par exemple, Nitsch dégageait près de 65 400 € en 24 lots et en 2006, les 64 œuvres dispersées engendraient un résultat de plus de 491 000 € ! Entre 2001 et juin 2007, son indice des prix aura progressé de +150%.

Face au dynamisme des maisons de ventes autrichiennes et allemandes qui proposent 91% des lots, les anglais ont répondu en signant le record de Nitsch chez Sotheby’s le 25 octobre 2005. L’œuvre en question, Schüttbild, estimée 18 000 – 25 000 £ décrochait 58 000 £ ! Précisons que les enchérisseurs étaient galvanisés par l’hommage rendu à Nitsch au County Hall de Londres, et qu’ils se battaient pour une œuvre historique créée en 1962, année de la naissance officielle de l’actionnisme viennois.

Les œuvres des années 60 sont rares : on en dénombre 24 parmi plus de 400 peintures proposées ces 20 dernières années. Les œuvres plus tardives s’échangent entre 5 000 et 15 000 € en moyenne. Le 19 juin dernier, Im Kinsky Kunst Auktionen dispersait 10 peintures à Vienne, dont une œuvre ensanglantée de 1973 pour 9 000 € (Hemd, 41. Aktion, Prinzendorf). Les toiles de plus de deux mètres décrochent aisément plus de 15 000 € : le plus beau score de la vacation de ce 19 juin fut signé par Kreuzwegstation (1989), une toile de 200 x 300 cm vendue 31 000 € au marteau.

Au cours de ses rituels dionysiaques, Nitsch récupèrent divers objets, comme autant de reliques qui feront œuvres. L’une d’elles, intitulée Relitto (épave) et constituée d’un pantalon maculé de sang, changeait de main pour 8 000 € chez Finarte à Milan en décembre 2005. Des photographies témoignent aussi de ses performances et demeurent abordables : comptez entre 1 000 et 1 500 € en moyenne pour un tirage unique. Certains clichés changent de main pour moins de 1 000 €, comme 5.Aktion, une épreuve de 1964 vendue pour 800 € au marteau lors de la vacation viennoise du 21 novembre 2006 de Im Kinsky Kunst Auktionen.