Henri CARTIER-BRESSON : premiers pas du photojournalisme aux enchères

[06/11/2002]

 

Parmi les grands photographes reporter, certains ont su transformer les clichés en œuvres d’art. Fondateur de l’Agence Magnum, Henri Cartier Bresson est l’un de ces pionniers. Aujourd’hui, la photographie documentaire gagne des parts de marché dans les ventes aux enchères. Le 15 novembre, au cœur du mois de la Photo et du Salon Paris Photo, se tiendra à l’Hôtel Drouot l’édition 2002 du Photojournalisme aux enchères. 700 clichés y seront mis en vente. Mais les premiers pas des documentaires photographiques aux enchères n’ont pas été sans embûches…

Avec la hausse du marché de la photographie, les photos documentaires prennent un nouveau statut, celui de photographies d’art. Elles deviennent un enjeu culturel et financier. Depuis 1997, les prix des clichés d’Henri CARTIER-BRESSON ont augmenté de 162%. En 2000, un tirage d’époque de Seville, Spain (1933), adjugé 80 000 dollars (92 104 euros) a permis à son vendeur de faire plus que tripler sa mise de 1994. L’œuvre avait alors été acquise pour 24 000 dollars (21 251 euros). Comme bien d’autres photojournalistes, Cartier-Bresson a atteint son prix le plus élevé en 2002.

Parallèlement, la sélectivité des acheteurs est âpre : actuellement plus de la moitié de ses tirages sont invendus cette année, contre seulement 9% en 1999. Le succès des ventes de photo en 1999 a pour conséquence une mise sur le marché d’une quantité beaucoup plus importante d’œuvres en 2000. Or cette liquidité permet aux amateurs de choisir, de sélectionner les tirages de meilleure qualité : la hausse des invendus trahit cette plus grande sélectivité des acheteurs qui n’hésitent pourtant pas à faire grimper les prix pour les œuvres de très belle qualité. Or, ces clichés exceptionnels tendent déjà a se raréfier.

Le danger pour les photographes est de voir leurs images vendues ou exploitées sans leur accord par les agences ou groupes de presse. Ce problème de droit d’auteur a été notamment soulevé lors du Salon Paris Photo 2000. En effet, le New York Times y vendait des photographies extraites de ses archives. Une image de Cartier-Bresson de 1947 prise dans les rues New Yorkaises était mise en vente à 7 500 dollars (8 745 euros). Ce dernier avait alors estimé qu’il s’agissait d’un vol : « J’ai cédé mon droit d’auteur à un journal pour une utilisation précise. Je ne lui ai jamais vendu le support même, c’est-à-dire le tirage. Ce tirage n’appartient pas au New York Times, qui n’a aucun droit de le vendre». Des conflits similaires se retrouvent dans le circuit des ventes publiques. La majorité des photos de Cartier-Bresson qui passent en vente aux enchères sont des photos de presse et portent au dos le tampon de Magnum. Mais le 30 mai 2001, sept de ses photos sont mises en vente par Maître Beaussant-Lefèvre et il ne s’agit pas cette fois-ci de photo de presse. Les tirages furent l’objet en réalité d’une exposition réalisée par le Musée des Arts Décoratifs en 1955. Nul ne sait comment ils ont pu quitter leur lieu de conservation. Les sept photos ne seront pas vendues. Pour faire valoir les droits des photojournalistes, Cartier-Bresson fonde au milieu des années 1960 l’ANJRPC (Association Nationale des Journalistes Reporters Photographes et Cinéastes). Aujourd’hui, l’agence Magnum tente de récupérer des milliers de photos déposées depuis des décennies dans les magazines pour éviter une diffusion incontrôlée et abusive.

Les tirages mis en vente le 15 novembre sous le marteau de Thierry Maigret répondent aux exigences du marché. D’après l’expert Léon Herschitritt, les photos se veulent de véritables épreuves d’art, réalisées à partir du négatif original, soit par le photographe lui-même, soit par un grand tireur sous son contrôle et d’après ses instructions. Les amoureux de la photo trouveront une profusion de tirages à moins de 1 000 euros au cours de cette vente marathon.