Gustav Klimt, le génie viennois qui passionne les enchères
[30/06/2023]Une toile de Klimt faisait partie des six lots vendues au-dessus des 100 millions de dollars l’année dernière. Retour sur l’histoire d’une forêt de bouleaux devenue l’un des paysages les plus cotés du monde et d’un immense artiste qui ne cesse de passionner les enchères, y compris cette année !
Le 27 juin à Londres, Sotheby’s soumettait aux enchères le dernier chef-d’œuvre du maître viennois Gustav Klimt : La Dame à l’éventail (Lady with a Fan). Peinte un an avant la mort prématurée du peintre en 1918 (à 55 ans), La Dame à l’éventail est le tout dernier tableau de Gustav Klimt et l’un des rares portraits du maître viennois qui se trouvait encore aux mains d’un collectionneur privé. Celui-ci l’a acquis en mai 1994 pour un peu plus de 10 millions et demi de dollars auprès de Sotheby’s New York, puis l’a conservé pendant près de trente ans. Point d’orgue des dernières ventes de Londres, le précieux portrait a atteint 85.3 millions de livres frais inclus, ce qui équivaut à 108,39 millions de dollars, bien au-delà des 82 millions initialement attendus pour cette oeuvre… La Dame à l’éventail établit au passage le nouveau record pour une œuvre vendue aux enchères en Europe !
Gustav Klimt, Lady with a fan
Précédemment, la plus belle vente européenne était établie à 65 millions de livres (103,68m$), pour l’Homme qui marche I d’Alberto Giacometti, vendu chez Sotheby’s en février 2010. Claude Monet était deuxième sur le podium européen grâce à la vente d’une toile de la célèbre série des Nymphéas – Le Bassin aux nymphéas – vendu 40,9 millions de livres (80,5m$) chez Christie’s à Londres en juin 2008. René Magritte sort du podium européen avec la vente du Klimt : il en tenait la troisième place avant le 27 juin, avec une toile de sa série de L’Empire des lumières, vendue l’année dernière chez Sotheby’s, toile détenant par ailleur le record personnel de l’artiste aux enchères à hauteur de 59,4 millions de livres l’année, soit 79,3m$.
Plusieurs tableaux extraordinaires de Gustav Klimt avaient déjà dépassé les 100 millions de dollars dans le cadre de transactions privées, mais cela n’était pas encore arrivé aux enchères avant novembre 2022 et la dispersion de Birch Forest (1903) cédée pour 104,5m$ chez Christie’s New York. Les tableaux les plus extraordinaires de Gustav KLIMT ont déjà dépassé les 100 millions de dollars dans le cadre de transactions privées, mais cela n’était pas encore arrivé aux enchères, avant la dispersion de Birch Forest (1903) cédée pour 104,5m$ en novembre 2022 chez Christie’s New York. Cette adjudication est venue renouveler le record de l’artiste, obtenu il y a 16 ans, chez Christie’s déjà, pour le célèbre portrait d’Adele Bloch-Bauer achetée 87,9m$ par l’animatrice de télévision américaine Oprah Winfrey. Oprah aurait ensuite cédé son trophée en 2016 à un acheteur chinois non identifié, pour 150 millions de dollars. Mais il se trouve que Birch Forest a elle aussi fait l’objet d’une puissante revalorisation, son prix ayant été multiplié par deux et demi en 16 ans.
Le jour même ou Christie’s vendait le portrait d’Adele Bloch-Bauer à Oprah Winfrey, soit le 8 novembre 2006, Birch Forest était elle aussi proposée à la vente : elle atteignait alors 40,3 millions de dollars. Le prix de cette œuvre a donc augmenté de +159% en l’espace de 16 ans, après un passage au sein de la prestigieuse collection de Paul Allen, cofondateur de Microsoft avec Bill Gates. Les prises de valeur sur les chefs-d’œuvre de Klimt se trouvent être parmi les plus importantes du marché de l’art.
Data recorded by Artprice.com in June 2023
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Klimt, un immense paysagiste
Phénomène remarquable dans cette formidable prise de valeur : Birch Forest n’est pas un portrait ou à une allégorie qui caractérisent la majorité des œuvres réalisées par Klimt à Vienne. Il s’agit d’un paysage, genre qui représente seulement un quart de la production sur toiles de l’artiste. Birch Forest représente une forêt de bouleaux peinte dans un format carré, sans point focal, resserrée sur les troncs des arbres et sur un sol maculé de feuilles automnales où vibrent des touches de couleurs décoratives, via des effets visuels issus du pointillisme que l’artiste a converti à ses propres fins. Birch Forest est un paysage évacuant toute hiérarchie, toute sensation de mouvement ou de temps qui passe, évacuant toute profondeur pour apparaître comme rabattu, tel un mur, ce qui oblige le spectateur à le contempler pour lui-même au-delà du sujet décrit. La peinture libère par ailleurs un maillage sensuel de différentes textures et de couleurs variées convoquant des sensations luxuriantes dans la perception qu’on peut en avoir. Par son approche novatrice, Klimt ouvre ici une brèche, invente une nouvelle façon de peindre et de ressentir le genre classique du paysage.
Gustav Klimt ne s’était jamais formé à la peinture de paysage qu’il commence à aborder comme un sujet en soi seulement à l’approche de la quarantaine. Il était adepte du pleinairisme, de l’immersion dans la nature pour peindre, comme le pratiquaient les impressionnistes dont l’influence peut d’ailleurs être discernée dans certains traitements picturaux et jeux de couleurs de Birch Forest. Klimt a exposé ses paysages de son vivant, notamment Birch Forest qu’y fut montrée dans l’exposition Sécession de 1903, puis en 1905 à Berlin, et certainement dans la première Kunstschau de 1908 (produit de la scission de Klimt et de ses disciples de la Sécession) et à la Biennale de Venise en 1910.
Gustav Klimt, Birch Forest
Une histoire mouvementée
Birch Forest avait été achetée auprès de Gustav Klimt par Ferdinand Bloch-Bauer, propriétaire de la plus grande raffinerie de sucre d’Autriche, mécène et collectionneur d’art dont la jeune épouse Adèle Bloch-Bauer fut la muse et l’amie de Gustav Klimt. Mais lorsque l’Allemagne annexe l’Autriche en mars 1938, tous les biens de la famille Bloch-Bauer sont confisqués par les nazis et Ferdinand Bloch-Bauer s’enfuit vers Zurich. À la fin des années 1990, la dernière héritière des Bloch-Bauer, Maria Altmann (1916-2011), la nièce de Ferdinand, réclame cinq tableaux de Gustav Klimt dont son oncle avait été spolié. Les chefs-d’œuvre sont conservés depuis la guerre au musée du Belvédère, à Vienne. Elle finit par obtenir gain de cause au bout de sept ans de procès contre l’État autrichien et récupère les tableaux en 2006. Maria vend alors, dans le cadre d’une transaction privée orchestrée par Christie’s, l’œuvre la plus importante, le Portrait d’Adele Bloch-Bauer I, à Ronald Lauder, magnat des cosmétiques et grand collectionneur, pour 135 millions de dollars. Considérée comme la “Joconde autrichienne”, cette toile marquant l’apogée du “cycle d’or” de Klimt devient l’œuvre la plus chère (connue) du marché de l’art.
Les quatre autres oeuvres de Klimt restituées à Maria Altmann – Birch Forest, Apple Tree I, Houses at Unterach on the Attersee et le Portrait d’Adele Bloch-Bauer – passent aux enchères le 8 novembre 2006 où elles génèrent 192 millions de dollars en tout. C’est à cette occasion que Paul Allen achète Birch Forest autour de 40 millions de dollars. A l’époque, Christie’s réalise le meilleur produit des ventes jamais enregistré pour une session (491,4$) puis, la première maison de ventes mondiale dépoussière cet exploit en novembre 2022, dépassant cette fois le milliard de dollars (1,62Mrd$) pour la dispersion de l’extraordinaire collection de Paul Allen. Pour la deuxième fois, la toile Birch Forest s’inscrit alors dans les moments les plus marquants de l’histoire du marché des enchères.
En mai dernier, à l’occasion des ventes de prestige de New York, Sotheby’s présentait un autre paysage (moins important) de Klimt : il s’agit de Insel im Attersee, superbe toile offrant un point de vue rabattu sur le lac Atter aux accents impressionnistes, dont on connaît une vue similaire conservée au Musée Leopold de Vienne. Oeuvre au format carré réalisée vers 1901, Insel im Attersee se trouvait être la pièce maîtresse de la toute première exposition de Gustav Klimt aux Etats-Unis (en 1959 à la galerie St. Etienne de Otto Kallir). Sotheby’s s’en est vu confier la vente par un important collectionneur privé américain dont l’identité n’a pas été révélée et espérait en obtenir autour de 45 millions de dollars. L’œuvre est finalement partie pour 53,2m$ à un collectionneur asiatique, comme bon nombre de chefs-d’œuvre modernes dispersés en mai dernier. La maison de ventes américaine précisait d’ailleurs dans un communiqué que les collectionneurs du continent asiatiques ont représenté plus d’un tiers de la valeur totale de sa vente de prestige d’Art Moderne, en mai 2023.
Gustav Klimt, Insel im Attersee