Goya, Hans Memling, Chardin, fin janvier à New York
[15/01/2013]
Les cessions Maîtres anciens de Christie’s et Sotheby’s sont l’un des joyaux du marché des ventes aux enchères. Elles offrent l’occasion de voir et d’acquérir des œuvres rares et des signatures de prestige à des prix souvent plus raisonnables que ceux atteints par quelques leaders de l’art contemporain.
L’année dernière, à la fin du mois de janvier, les deux sociétés de ventes récoltaient près de 80 m$ d’adjudications pour leurs ventes de Maîtres anciens traditionnellement organisées à New York à la fin du mois de janvier. Ces recettes sont moindres que celles aujourd’hui générées par les stars de l’art contemporain (l’art contemporain récoltait plus de 114 m$ quinze jours après les ventes d’art ancien de janvier 2012) mais les cessions Old Masters de 2013 pourraient nous surprendre cette année au vu des catalogues, car les chefs-d’œuvre sont nombreux et pas moins de vingt-quatre œuvres prétendent à des résultats millionnaires (contre dix-sept enchères millionnaires lors des mêmes cessions 2012). Les 30 et 31 janvier, plus de cinq cents œuvres anciennes sont proposées lors des Part I et Part II de Christie’s et Sotheby’s avec quelques records à le clef.
Sotheby’s
La Part I de Sotheby’s promet d’être spectaculaire, non seulement parce qu’il s’agit d’une vente fleuve de plus de 400 lots, mais surtout parce qu’elle recèle des trésors improbables, dont une huile sur panneau de Hans MEMLING restée dans la même famille pendant plus de 150 ans et qui sort de l’ombre grâce à cette vacation. Christ Blessing est une œuvre de 34,4 cm x 31,7 cm centimètres proposée entre 1 m$ et 1,5 m$. L’estimation est volontairement prudente pour ce maître flamand du XVème siècle car même si les occasions d’enchérir sont rarissimes (cinq mises en ventes en 25 ans), aucune œuvre n’a encore été adjugée au million.
Une autre pièce d’exception est attendue pour un record mondial : le chef-d’œuvre XVIIIème de Pompeo Girolamo BATONI, Suzanne et les vieillards. Cet épisode biblique est l’un des plus fertiles de l’histoire de l’art, traité par des centaines d’artistes dont Le Tintoret (Jacopo ROBUSTI), Jacob JORDAENS, REMBRANDT VAN RIJN, Peter Paul RUBENS ou encore Annibale CARRACCI, dont Batoni fut l’élève. Suzanne est les vieillards est une perle de ces ventes de janvier, une rareté de l’un des plus grands maîtres italiens du XVIIème, qui a tiré le meilleur des influences de Nicolas POUSSIN et de RAPHAEL, avant d’influencer lui-même Jacques Louis DAVID. Non seulement les œuvres de Pompeo Batoni ne sont pas légion en salles (on en compte deux ou trois par an en moyenne, six dans les bonnes années), mais c’est surtout la première fois qu’une si belle œuvre de Batoni est soumise aux enchères, ce qui explique une estimation de 6 m$ à 9 m$, bien que l’artiste n’ait encore jamais atteint 3m$ (son record actuel équivaut à 2,17 m$ pour Portrait of Count Kirill Grigorjewitsch Razumovsky chez Sotheby’s Londres le 9 juillet 2008).
Autre lot très convoité, une oeuvre tardive de Goya (Francisco José DE GOYA Y LUCIENTES) s’avère être un portrait romantique du petit-fils de l’artiste, Mariano Goya. Estimé entre 6 m$ et 8 m$, le jeune Mariano deviendrait le plus précieux portrait de Goya vendu en salles, le prix des plus beaux portraits oscillant entre 1 m$ et 4 m$ maximum.
Christie’s
La Part I de Christie’s se limite à 43 oeuvres, parmi lesquelles des toiles de Carracci, Jean-Baptiste Siméon CHARDIN, François BOUCHER, Jean-Antoine WATTEAU, Panini, Dirck HALS, Anthonius VAN DYCK, Salomon VAN RUYSDAEL, Francisco DE ZURBARAN.
Point d’orgue de la vente, une brodeuse à l’ouvrage peinte par Jean-Baptiste-Siméon Chardin vers 1733-1735 et issue d’une collection privée américaine, est annoncée entre 3 m$ et 5 m$. Embroiderer (dont une version se trouve au Nationalmuseum de Stockholm) est l’une des œuvres les plus populaires de Chardin, ce qui explique sa forte estimation pour de si petites dimensions. Cette scène de genre de moins de 20 cm est tout simplement l’œuvre la plus emblématique et la plus importante de Chardin mise à l’encan ces vingt-cinq dernières années. Christie’s attend un record mondial pour l’artiste français qui suscita l’admiration des plus grands modernes tels que Paul CÉZANNE ou Henri MATISSE.
Autres lots phares, Christie’s a déniché deux œuvres de Giovanni Paolo PANINI, dont une vue du Campidoglio (View of the Campidoglio, Rome) proposée dans la même fourchette d’estimation que la brodeuse de Chardin (3 m$-5 m$)… proposer deux toiles de Panini d’une telle envergure dans la même vente tient de la chance ou de l’exploit. Voilà d’ailleurs sept ans qu’aucune œuvre aussi importante de l’artiste n’avait été mise à l’encan. Le dernier lot de cet acabit fut présenté en juillet 2005 et cédé l’équivalent de 3,5 m$ chez Sotheby’s Londres (a View of St Peter’s Basilica/Rome, a View of the Piazza).
En vendant les trois chefs-œuvres de Chardin et de Panini ce 30 janvier, Christie’s s’assurerait 15 m$ en trois coups de marteau. La maison de ventes organise sa Part II le lendemain avec plus de 100 lots dans des gammes des prix plus abordables que la cession de prestige. Les estimations du 31 janvier plafonnent à 250 000 $ et quatre œuvres seulement sont attendues au-delà de 100 000 $ (Two Boys singing du Flamand Abraham BLOEMAERT, une nature morte de Jan VAN HUYSUM et une scène mythologique très construite de l’artiste vénitien Giovanni Battista II PITTONI, Scipio paying homage to Mars). 80 % des œuvres de la Part II sont estimées entre 10 000 $ et 50 000 $ en moyenne et une sélection d’œuvres est proposée à moins de 10 000 $, dont un portrait de jeune fille attribué à Sebastian DE HERRERA BARNUEVO (estimé entre 8 000 $ et 12 000 $) et une belle nature morte aux fruits et huîtres de David Cornelisz. DE HEEM (estimation basse 8 000 $, Grapes, a lemon, oysters, a chestnut, blackberries and other citrus fruits on a stone ledge with butterflies, a fly, a bee and ants).
Les œuvres proposées par Christie’s et Sotheby’s à la fin du mois de janvier n’entrent pas en compétition avec les artistes les plus chers de l’art ancien tels que Pierre-Paul Rubens, Raphaël, Pontormo, Rembrandt ou encore Giovanni Antonio CANAL. Des denrées rares promettent néanmoins de belles batailles d’enchères à des niveaux millionnaires tandis que certaines œuvres historiques seront acquises par des collectionneurs passionnés pour quelques milliers de dollars.