Gerhard Richter, le Picasso du XXIème siècle

[23/01/2018]

Surnommé le ”Picasso du XXIème siècle” Gerhard Richter est l’un des artistes les plus convoités et les plus cotés de notre époque. Retour sur son parcours et les grandes étapes de son œuvre aux enchères.

Depuis Cologne où il vit et travaille, Gerhard RICHTER (1932) a assisté, non sans étonnement, à la flambée spectaculaire du prix de ses œuvres en salles de ventes. Depuis 10 ans, une véritable frénésie anime le marché de celui que l’on considère comme le plus grand peintre de notre époque. Une frénésie qui se traduit en chiffres, puisqu’une cinquantaine de ses oeuvres ont passé le cap des 10 millions de dollars en salles de ventes. Le fer de lance de la peinture contemporaine allemande n’en revient pas lui-même. Ces niveaux de prix lui paraissent déconnectés de la réalité mais le marché l’a élu. Le marché européen, mais aussi le marché américain sensible à ses champs colorés méditatifs qui évoquent peut-être une filiation avec le premier grand mouvement artistique américain, celui de l’expressionnisme abstrait, dont les figures de proue ne sont autres que Jackson POLLOCK (1912-1956) et Mark ROTHKO (1903-1970).

Une peinture qui interroge la peinture

Les premières œuvres emblématiques de Gerhard Richter remontent à 1962. Il a alors 30 ans et reproduit sur ses toiles des photographies de paysages, de natures mortes (dont les fameuses Kerze / Bougies) ou de scènes intimes représentant sa première femme Emma et sa sœur Renate. À la fois photographe et peintre, l’artiste étanche sa soif à diverses sources en cumulant une multitude de photos dont il est l’auteur, mais aussi de photos de presse et de clichés d’amateurs qu’il collectionne et archive dans son Atlas. C’est d’abord une réflexion ironique sur le statut de la peinture à l’époque de la photographie qui conduit Richter à lancer le ”Réalisme Capitaliste”, transformant des photographies en objets picturaux. Ses toiles, alors aux allures de photographies un peu floues, se font rapidement remarquer sur la scène internationale et sa carrière prend son envol en 1972, lorsqu’il représente l’Allemagne à la 36ème Biennale de Venise avec 48 portraits basés sur une série de photographies d’hommes célèbres. Suite à ses peintures-photographies, une autre voie émerge dans son travail, avec les abstractions, des toiles invariablement intitulées Asbtraktes bild, c’est à dire ”Tableaux abstraits” en allemand. Ces œuvres colorées et immersives offrent une surface vibrante grâce à une technique bien particulière, qualifiée de ”raclage” ou ”essuyage”.

Ce surdoué de la peinture est consacré par Robert Storr, curateur d’une rétrospective itinérante inaugurée au MoMA de New York en 2002. Intitulée Forty Years of Painting, l’exposition est acclamée et nourrie l’envolée du prix de ses oeuvres. Dix ans plus tard : autre événement majeur à travers une importante rétrospective itinérante partie de la Tate Modern de Londres pour aller au Staatliche Museum de Berlin, puis au Centre Pompidou de Paris. Cet hommage couvrant cinq décennies de carrière artistique a non seulement propagé encore l’aura de Richter à travers l’Europe, mais aussi propulsé une cote déjà au beau fixe.

La productivité est l’une des clés de la réussite de Richter qui peint en allant à l’essentiel et en supprimant le détail. Tout comme Andy Warhol, Richter a ”mécanisé” son œuvre. La technique des ”wiping” (essuyage) et la réalisation des toiles à partir des images ”ready-made” (les photographies de magazines entre autres) ont été les garants de sa très grande productivité. Sa production dense et variée s’est ainsi facilement propagée. Même si 46% de ses œuvres sont vendues en Allemagne, les Etats-Unis sont de gros consommateurs, dispersant 20% des lots pour plus de 53% du chiffre d’affaires.

Le plus coté des peintres

Le marché de Richter a quelque chose de frénétique. Une ”folie Richter” semble agiter les enchères depuis le début des années 2000. En 2001 déjà, son œuvre se retrouve extrêmement convoitée dans les salles des ventes de New-York, où il signe un record historique pour l’époque : le 15 mai 2001 Sotheby’s disperse en effet Drei Kerzen, une huile sur toile de 1982 pour 4,9 millions de dollars. Jamais les enchères n’avaient grimpé si haut pour un artiste vivant jusqu’alors…

L’année suivante, après sa rétrospective au MoMA, Richter s’impose comme le 10ème artiste le plus performant du monde aux enchères, toutes périodes de créations confondues, selon son chiffre d’affaires annuel (2002). Depuis, les prix n’ont cessé de flamber pour atteindre le 10 février 2015, chez Sotheby’s à Londres, un record absolu à hauteur de 46,3 m$ pour une grande toile abstraite de 1986 (Abstraktes bild, 300,5 cm x 250,5 cm). Cette toile, qui valait 607 500 $ en 1999 (vente Sotheby’s du 18 mai 1999) gagnait pas moins de 45,6 millions en une quinzaine d’années…

L’an dernier, Richter gravissait encore quelques marches du Top mondial, prenant cette fois la 4ème position avec un produit de ventes annuel de 189,5m$. La ”folie Richter” l’imposait à nouveau comme le tout premier artiste vivant du classement mondial. Il confirmait de plus son statut de Picasso du XXIème siècle en devenant le deuxième artiste européen du classement, derrière l’iconique Picasso.

Son marché fut moins intense au cours de l’année 2017. L’artiste prend cette fois la 14ème marche du Top 500 annuel, avec 340 œuvres vendues pour un total de 120,4m$. Néanmoins, deux de ses toiles ont encore passé les 10 millions en 2017. Un phénomène devenu presque ”banal”, mais dont Richter est le premier étonné, considérant les prix atteints comme excessifs voire extravagants.