Georg Baselitz au sommet

[16/01/2018]

Georg Baselitz fête ses 80 ans le 23 janvier 2018. Retour sur un pionnier de la scène contemporaine allemande, dont la cote grimpe à l’aune de l’importance que revêt son œuvre.

Né en Saxe en 1938, à la veille de la deuxième Guerre Mondiale, Georg BASELITZ (1938) est l’un des plus grand artiste contemporain allemand. D’abord peintre et graveur avant d’imposer ses sculptures radicales, il appartient à une génération d’artistes comme Markus Lüpertz, Jörg Immendorf ou Anselm Kiefer, qui ont rejeté les normes esthétiques des avant-gardes des années 60…

L’oeuvre picturale de Baselitz s’impose avec force et fracas au milieu des années 60 sur la scène culturelle allemande après un parcours estudiantin chaotique, qui commence par une inscription rejetée à l’académie des Beaux-arts de Dresde en 1955, et se poursuit par son renvoi de l’École supérieure des arts plastiques de Berlin-Est, pour « manque de maturité sociopolitique ». Il poursuit sa formation à Berlin-Ouest, étudie les théories de Wassily Kandinsky, de Kasimir Malevitch, les grands contemporains américains Jackson Pollock et Philip Guston, puis voyage (Amsterdam, Cassel, Paris).

En 1961, année de la construction du mur de Berlin, il adopte son pseudonyme et rédige son premier manifeste de Pandemonium, fortement influencé par Antonin Artaud, obsédé par la décadence. Ses premières oeuvres sont aussi des manifestes ; produite dans une tradition expressionniste à forte charge émotionnelle. Les oeuvres convoquent l’art des malades mentaux, de Dubuffet, Fautrier, Munch, Nolde ou Steinberg bref, témoignent d’affinités avec les non-conformistes.

Sa première exposition personnelle à Berlin se tient à la galerie Werner & Katz en 1963. Les oeuvres font scandales et deux d’entre elles (Die Großer Nacht im Eimer (Grande Nuit foutue) qui représente un garçon se masturbant, et Nackter Mann (L’Homme nu), sont interdites et confisquées pour outrage à la pudeur. Baselitz emporte alors largement son pari : défier les autorités et le public avec une peinture neuve et provocante. Les toiles lui sont restituées deux ans plus tard. Elles sont aujourd’hui considérées comme parmi les plus importantes de la peinture d’après-guerre. L’une d’entre elles, le personnage se masturbant, est une fierté du musée Ludwig de Cologne.

Les oeuvres de cette période charnière sont aujourd’hui les plus recherchées par les collectionneurs. En 2011, Sotheby’s met en vente la petite soeur de Die Großer Nacht im Eimer, issue de la collection Christian Duerckheim-Ketelho. Sous le titre Grosse Nacht (Big Night), l’oeuvre représente le même sujet onaniste que celui qui fut confisqué par les autorités en 1963 et que Baselitz considère comme sa « première tentative de peinture ». Cette mise à l’encan constituait un événement en soi et la toile fut finalement cédée plusieurs millions de dollars : 3,8 m$ exactement, ce qui constitue encore aujourd’hui l’un de ses meilleurs résultats aux enchères.

Les représentations « inversées » de l’artiste – c’est à dire son travail le plus connu dans lequel il bascule la figure humaine pour représenter ses personnages la tête à l’envers – arrivent à la fin des années 60’. Ce renversement de la figuration apparaît comme une nouvelle stratégie pour laisser un peu plus parler la peinture elle-même. Wassily Kandisky ne confiait-il pas que la naissance de son art abstrait, qui renouvela profondément la peinture, résultait de la vision d’une de ses oeuvres retournée dans l’atelier ? Le renversement des codes apparaît d’emblée comme une nouvelle piste pour mieux explorer le visible. Une autre période charnière commence, que l’on s’arrache aussi aux enchères, tant elle elle emblématique de Baselitz. S’il est difficile aujourd’hui d’obtenir une petite toile pour moins de 100 000 $ (c’était déjà le cas dans les années 80), certains dessins de cette période peuvent etre dénicher autour 10 000 $. Les amateurs ont par contre plus de mal à trouver des sculptures de Baselitz, Elles sont d’autant plus rares qu’il s’agit d’une vocation tardive dans laquelle l’artiste ne s’est lancé qu’à partir de ses 40 ans.

Très reconnaissables, les œuvres sculptées de Baselitz privilégient le bois. La matière est dégrossit dans un corps à corps à la hache où à la tronçonneuse : une taille directe, un acte radical, qui permet d’aller à l’essentiel. La sculpture est plus « primitive, plus brutale, elle n’est pas aussi réservée […] que parfois la peinture ». Elle est « moins cryptée qu’un tableau, plus directe, plus lisible » (Georg Baselitz, 1983). L’arrivée de telles oeuvres sur le devant de la scène internationale a d’abord reçu un accueil mitigé : sa première sculpture Modell für eine Skulptur (Modèle pour une sculpture), 1979, figurant au pavillon allemand de la Biennale de Venise en 1980 a soulevé une vive controverse. Ce n’est pas tant le sujet qui choque, mais l’artiste était attendu avec ses célèbres têtes peintes, au lieu de quoi il déroute le public avec une première sculpture revendiquant brutalité et indépendance par rapport aux propositions contemporaines de l’époque. Son désir de singularité se trouve comblé. Il continue sur la voie d’un archaïsme sculptural et réalise au cours des années 1980 des têtes et des figures debout, évoquant les totems tribaux, rehaussés de couleurs minimales. Ses pièces sont quasi introuvables en salles et le budget est conséquent : plus d’un million en poche seront nécessaire…

Valeur sûre du marché, la cote de Baselitz affiche une superbe progression, avec un indice de prix en hausse de +119 % depuis l’année 2000. Bien qu’il soit préférable d’être millionnaires pour espérer acquérir une belle toile ou une sculpture, il n’est pas nécessaire de l’être pour acquérir ses gravures, qui passent régulièrement aux enchères, à partir de quelques centaines de dollars…