Focus sur Kara Walker

[05/01/2021]

Récit alternatif, humour irrévérencieux, relecture du passé, appel à une nouvelle conscience contemporaine… l’œuvre de Kara WALKER (1969) a rapidement pris sa place dans l’art contemporain. Tout juste diplômée de son MFA (Master of Fine Arts) à la Rhode Island School of Design en 1994, une exposition (déjà retentissante) propulse la jeune femme sur la scène artistique internationale depuis le Drawing Center de New York. Sa signature visuelle s’installe d’emblée, avec ses grandes silhouettes en papier noir découpé qui rappellent l’art de salon des XVIIIe et XIXe siècles. Par-delà son efficacité esthétique, l’œuvre s’impose surtout par la puissance du propos : l’artiste y explore l’assujettissement, le racisme et le sexisme de l’histoire américaine.
Par leur agencement sur les murs, les silhouettes de papier génèrent des interprétations confuses. L’artiste a-t-elle vraiment représenté une scène de lynchage ou est-ce le fruit de mon imagination? C’est justement à cet endroit, dans cette zone d’interprétation suggestive, que se concentre la violence symbolique de l’œuvre de Walker.

En 2007, Time Magazine la classe parmi les 100 personnes les plus influentes du monde.

Ses saynètes pastichant les stéréotypes n’ont pas toujours été comprises pour ce qu’elles dénoncent. L’artiste a dû faire face à des controverses virulentes, notamment après avoir reçu, à 28 ans, la bourse MacArthur. Elle est alors accusée de montrer des images pornographiques dégradantes pour les afro-américains. Les partisans de son œuvre sont heureusement plus nombreux que les détracteurs et, en 2002, Walker représente les États-Unis à la 25e Biennale internationale de São Paulo au Brésil. En 2007, Time Magazine la classe parmi les 100 personnes les plus influentes du monde.

Sa progression fulgurante culmine en cette année 2007, avec une rétrospective de milieu de carrière organisée au Walker Art Center (Minneapolis) et une invitation à la Biennale de Venise. Séduisant par la forme, engagé sur le fond, son travail a rapidement conquis les grands collectionneurs new-yorkais, d’autant que l’artiste a été portée par d’importantes galeries, comme Lehmann Maupin, Victoria Miro et Sikkema Jenkins & co. L’oeuvre a aussi intégré de nombreux musées, dont les collections du Guggenheim, du MoMA, du Metropolitan Museum of Art à New York, de la Tate Gallery à Londres, du MAXXI à Rome.

repartition du CAKara Walker : répartition de son produit de ventes aux enchères (copyright Artprice.com).

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Les oeuvres les plus recherchées

Walker travaille les textes en monotypes, le dessin, la peinture, les marionnettes d’ombres, les films d’animations et même la sculpture. Elle a d’ailleurs fait sensation avec la sculpture en sucre d’une sphinge géante (23 mètres de long) aux traits d’une nourrice noire stéréotypée, dans l’ancienne raffinerie de sucre Domino à Brooklyn. La sculpture éphémère a attiré des milliers de visiteurs entre mai et juillet 2014, mais ses silhouettes de papier restent les œuvres préférées des collectionneurs.

Jusqu’en 2008, toutes les œuvres de Kara Walker soumises à enchères se vendent, sans exception.

Il faut compter entre 20.000 et 30.000$ pour un petit collage, avec des prix grimpant très rapidement pour les œuvres belles dimensions. Un ensemble de deux grandes silhouettes découpées s’est d’ailleurs vendu pour 120.000$ lors d’une vente en ligne de Christie’s en octobre dernier. Le record de l’artiste culmine, lui, à 502.000$ pour une oeuvre de trois mètres vendue en 2019, quatre ans après avoir été exposée à la galerie Victoria Miro (Four Idioms on Negro Art #4 Primitivism, 2015).

Les prix ont rapidement flambé puisqu’en 2005 déjà – il y a 15 ans – un grand collage mural flirtait avec les 330.000$ chez Sotheby’s (The Battle of Atlanta: Being the Narrative of a Negress…). A l’époque, et jusqu’en 2008, toutes les œuvres de Kara Walker soumises à enchères se vendent, sans exception. Les acheteurs sont aux aguets, d’autant les propositions sont rares : une dizaine d’œuvres proposées aux enchères chaque année, c’est peu pour une artiste si convoitée. Fort heureusement, quelques multiples – gravures ou lithographies dans des éditions restreintes et précieuses – ont fait leur apparition sur le marché. Grâce à cette offre, le tiers des œuvres de cette immense artiste est accessible pour moins de 5.000$.

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KW progression chronologiqueKara Walker : progression chronologique du produit de ventes aux enchères (copyright Artprice.com).

Article Artprice publié par Diptyk magazine en décembre 2020.