Focus sur Eddy Ilunga Kamuanga

[10/08/2021]

Révélé par la galerie Saatchi en 2015, Eddy Ilunga KAMUANGA (né en 1991) est l’une des figures de proue de la nouvelle peinture congolaise. Sa Success story commence à Kinshasa, troisième ville d’Afrique et ville natale de l’artiste. Féru de bandes dessinées, l’enfant dévore les comics américains et copie assidûment les mangas japonais. Déjà, l’imaginaire du jeune garçon voyage entre les cultures à travers une passion pour le dessin qui ne le quitte pas en grandissant. Jeune homme, il s’inscrit à l’Institut des Beaux-Arts puis rejoint l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa (2010) pour quelques mois seulement, car il juge le programme trop étouffant. L’énergie et la liberté dont il a envie, il la trouve auprès d’autres jeunes artistes kinois avec lesquels il crée le studio M’Pongo (“aigle” en lingala). Ensemble, ils travaillent, exposent, génèrent leur propre scène créative au cœur du Kinshasa contemporain.

L’histoire d’un pays

Les premières toiles d’Eddy Kamuanga mettent en scène des tongs. Un hommage à sa mère qui en fait commerce et un moyen d’interroger la mémoire des victimes de l’exploitation du caoutchouc pendant la colonisation. Puis il se plonge de plus en plus profondément dans l’histoire de son pays. Celle des Mangbetu dont les crânes allongés sont un signe de distinction et de beauté, et celle de l’exploitation du coltan, ce fameux “minerai stratégique” indispensable à la fabrication des smartphones, ordinateurs et voitures électriques, dont la RDC est le plus grand exportateur mondial. Il découvre le coût humain extrêmement lourd, tragique, de l’exploitation des ressources de son pays.
    
L’artiste trouve sa première signature dans ce sujet essentiel, avec des personnages aux peaux tatouées de circuits électroniques. Des sujets paraissant souvent abattus, apathiques, sous les couleurs vives de leurs vêtements traditionnels. Compositions sophistiquées, grandes dimensions, cosmopolitisme attrayant, les toiles de Kamuanga en imposent sur le plan pictural, tout en interrogeant l’influence de la mondialisation sur l’identité africaine et sur son corollaire, la perte des repères, l’oubli des cultures traditionnelles.

Dakar-Londres-New York

Ce travail est remarqué en 2014 sur le Off de la biennale de Dakart (Dak’art). En 2015, c’est à Londres qu’il suscite l’enthousiasme, d’abord à la Saatchi Gallery puis sur le salon d’art africain 1:54. L’année suivante, la galerie October présente d’autres œuvres à Londres puis sur l’Armory Show de New York, où le Financial times utilise sa toile Lost pour illustrer l’article “The Best of New York Armory 2016”. Eddy Kamuanga est âgé de 25 ans et son succès ne fait que commencer. Il intègre d’importantes collections publiques et la demande croissante de collectionneurs internationaux privés commence à générer de belles joutes d’enchères. Son marché se tend de plus en plus, si bien que le prix de ses toiles est aujourd’hui dix fois plus important qu’il y a quatre ans…

En 2018 déjà, l’œuvre Mangbetu (exposée à la galerie Saatchi trois ans plus tôt) multiplie par cinq son estimation haute (92 000$, Sotheby’s Londres). En 2020, il attire à nouveau l’attention sur lui en emportant la meilleure adjudication de la vente d’art contemporain en ligne de Christie’s (155 000$ pour Ko Bungisa Mbala Mibale (Second Loss) Dernier record en date : celui d’avril 2021, obtenu à 165 500$, soit au double de l’estimation haute chez Phillips (Fragile). Toujours à Londres, où la demande bat son plein.

 

Article paru dans Dyptik magazine