Faut-il redéfinir la notion d’Art Contemporain en 2020 ?

[24/01/2020]

Par souci de cohérence, de clarté et de transparence, l’équipe éditoriale d’Artprice divise le Marché de l’Art en cinq grandes périodes. Ce découpage repose sur un critère simple et univoque, celui de l’année de naissance des artistes :

  • Les “Maîtres Anciens” : œuvres réalisées par des artistes nés jusqu’en 1759
  • Le “XIXème siècle” : œuvres réalisées par des artistes nés entre 1760 et 1859
  • L’“Art Moderne” : œuvres réalisées par des artistes nés entre 1860 et 1919
  • L’“Art d’Après-Guerre” : œuvres réalisées par des artistes nés entre 1920 et 1944
  • L’“Art Contemporain” : œuvres réalisées par des artistes nés à partir de 1945

Produit des ventes aux enchères 2019 par année de naissance des artistes

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Le temps passant, la période que recouvre l’Art Contemporain ne cesse de s’allonger. Elle rassemble à présent des artistes aussi divers que Jean-Michel Basquiat (1960-1988) et Oscar Murillo (1986), Anselm Kiefer (1945) et Kaws (1974), Martin Kipenberger (1953-1997) et Cory Arcangel (1978). A l’inverse, notre définition exclut Gerhard Richter (1932), David Hockney (1937) ou encore El Anatsui (1944), dont le second marché est très actif.

thierry Ehrmann, fondateur d’Artprice et président d’ArtMarket.com : Une périodisation objective de l’Histoire de l’Art est nécessaire pour étudier le Marché, sa structure et son évolution. Même si cela impose de distinguer, parfois trop catégoriquement sans doute, ce qui est ‘Contemporain’ de ce qui ne l’est pas. Mais le fait que Maurizio Cattelan génère mille fois plus de publications Instagram que Marcel Duchamp, ou qu’une peinture de Kaws vaut soudain aussi cher que les meilleurs tableaux de Pierre Soulages, nous force à nous interroger sur les modes et tendances qui animent le Marché de l’Art d’abord, mais aussi sur la notion d’Art Contemporain…

En Art, ‘contemporain’ ne veut pas dire ‘artiste vivant’

Comment considérer l’apport de Yayoi KUSAMA (1929) ou de Pierre SOULAGES (qui vient tout juste de fêter ses 100 ans) dans la création plastique actuelle ? Si leur carrière a commencé peu après la Seconde Guerre mondiale, certaines de leurs meilleures œuvres ont été réalisées bien après la mort de Jean-Michel Basquiat et de Keith Haring. Or, sur le Marché de l’Art, on remarque que les prix des œuvres de Yayoi Kusama et de Pierre Soulages progressent graduellement, tandis que ceux de Jean-Michel Basquiat, par exemple, continuent d’enregistrer des bonds tumultueux.

L’Art Contemporain n’est-il pas alors simplement celui qui n’est pas encore parfaitement établi ? C’est en effet la différence fondamentale entre Marcel DUCHAMP et Maurizio CATTELAN, entre leurs œuvres Fontaine (1919) et Comedian (2019). Alors que plus personne ne remet en question la place de l’urinoir de Duchamp dans l’Histoire de l’Art, même si l’oeuvre reste controversée, la banane scotchée au mur de Maurizio Cattelan est loin d’etre aussi emblématique.

Cette distinction reste ambiguë pour certains artistes, comme Jeff KOONS, dont l’on œuvre fait partie de ceux qui auront profondément marqué la fin du XXème siècle et dont la sculpture Rabbit (1986) vendue au prix record de 91m$ en 2019, est dores et déjà considérée comme un ‘classique’ de la création contemporaine. Pourtant, Koons soulève des polémiques et divise, en témoigne le nouveau jugement le condamnant en France pour plagiat, avec son oeuvre Naked (1988).

1955, 1960, 1974 : trois millésimes exceptionnels

Nés sur la côte Est des États-Unis dix après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1955, Jeff Koons et Christopher Wool annoncent-ils une nouvelle ère de l’Art Contemporain ? Aucun des deux n’a représenté les États-Unis à la Biennale de Venise, mais leurs oeuvres ont intégré depuis longtemps les collections des principaux musées américains. Né la meme année en Alabama, le peintre Kerry James MARSHALL a intégré le top 100 des artistes les plus performants du Marché de l’Art mondial depuis deux ans (toutes périodes de création confondues). Il contribue un peu plus à la prédominance de ce millésime, auquel vient encore s’ajouter l’artiste chinois ZHOU Chunya.

Avec 129 m$ cumulés en salles de ventes en 2019, Jean-Michel Basquiat domine toujours le Marché de l’Art Contemporain. A lui seul quasiment, il fait de l’année 1960 l’une des plus fastes de la seconde moitié du XXème siècle. Glenn LIGON, le deuxième artiste le plus performant né en 1960, participe de façon beaucoup plus discrète à ce millésime, avec 1,9 m$.

Curieusement les nouvelles stars du Street Art, KAWS et BANKSY, ont tous les deux vu le jour en 1974, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique. Le premier est né à Jersey City aux États-Unis, le second à Bristol, en Angleterre.

Malgré sa rigidité et ses limites, le découpage historique choisi par Artprice reste cohérent avec les résultats enregistrés en 2019 sur le Marché de l’Art. Si une nouvelle scission devait être opérée, elle devrait vraisemblablement être faite autour de l’année 1965. Mais la grande volatilité qui continue d’être observée pour les principaux artistes nés pendant les 20 années qui précèdent, tels qu’Albert OEHLEN (1954), Rudolf STINGEL (1956), ZHANG Xiaogang (1958) ou Damien HIRST (1965), confirme que leur position dans l’Histoire de l’Art n’est pas encore tout à fait établie.