En Bref ! Yayoi Kusama et Hammershøi à Paris

[24/05/2019]

Yayoi Kusama à la Fondation Louis Vuitton

Après Londres, Paris propose l’une de ses fameuses créations immersives de la grande artiste japonaise. C’est dans le cadre de « La collection de la fondation. Le parti de la peinture » que la fondation Louis Vuitton présente Infinity Mirror Room – Phalli’s Field (or Floor Show), la toute première installation de Yayoi KUSAMA (créée en 1965 à New York) cristallisant ses hallucinations, son obsession par les pois qui remonte à l’enfance. La pièce de 4,5 m² est entièrement tapissée de miroirs et jonchée au sol de champignons hallucinogènes à pois rouges. L’immersion est totale et l’expérience sensorielle déstabilisante.

Après l’ouverture de son propre musée à Tokyo et son impressionnant Flower Obsession, celle qui a fait de son art une ode à la couleur et à la fantaisie, avec des scénographies se jouant de l’espace et de la temporalité, déchaîne les foules. Aujourd’hui réfugiée de son plein gré dans un établissement psychiatrique au Japon, du haut de ses 90 ans, la femme aux cheveux orange est une des plus influentes du marché, se positionnant dans le top 30 des artistes les plus performantes au monde. Sa cote est ascensionnelle et son marché très actif, avec plus de 46 œuvres à la vente sur le seul mois d’avril 2019. Et le 1 avril dernier, Sotheby’s a établi son nouveau record d’adjudication à Hong Kong avec Interminable Net #4, une huile sur toile de 1959, envolée à près de 8m$.

La folie de Kusama a un coût et à défaut de pouvoir s’offrir une œuvre, l’on peut s’immerger 1 minute dans son installation jusqu’au 26 août, à la Fondation Vuitton.

Le silence poétique d’Hammershøi

Les visiteurs, impressionnés par l’atmosphère qui se dégage de ses toiles, ne peuvent s’empêcher de marcher à pas feutrés et chuchotent pour échanger leurs impressions : le Musée Jacquemart-André accueille le grand maître de la peinture danoise Vilhelm HAMMERSHOI (1864-1916), jusqu’au 22 juillet prochain.

Hammershøi fascine par ses peintures à la palette uniforme dans les gris clair lumineux et les blancs mats, représentant des intérieurs où figure parfois la silhouette d’une femme de dos. De nature discrète et peu sociable, l’artiste préférait peindre ce qui l’entourait : ses décors sont les pièces de sa maison et ses modèles sont des intimes, son épouse, sa famille, ses amis proches. Le parti pris du Musée Jacquemart-André est justement d’aborder l’art d’Hammershøi dans ses liens avec les artistes de son entourage. Le public peut ainsi confronter ses œuvres avec des tableaux de son frère Svend Hammershøi (1873-1948), de son beau-frère Peter Ilsted (1861-1933) et de son ami Carl Holsøe (1863-1935) et mettre en valeur leurs affinités, leurs différences et le génie singulier de Vilhelm Hammershøi, qui, malgré sa personnalité réservée n’en était pas moins très bien intégré dans le milieu artistique national et européen. Reconnu comme un maître de son vivant, décrié pour son conservatisme à partir des années 1930, mais adulé des peintres symbolistes, Hammershøi paraît à l’œil contemporain comme le chaînon manquant entre les minutieuses scènes d’intérieur de Vermeer, et la solitude des personnages de Hopper.

Les mouvements de redécouvertes artistiques dans les musées se poursuivent généralement en salle des ventes. Ces dernières années, ses toiles trouvent un public plus averti, et la cote s’en trouve stimulée avec deux records récents (2017-2018), dont un sommet absolu établi à 5,5m$ pour Interior with woman at piano, Strandgade 30 (1901), chez Sotheby’s New York en 2017. Interior with an Easel, Bredgade 25 (1912) a lui été martelé à 4,2 m$ chez Christies New York en 2018. Les enchères s’affoleront peut-être autour de Interior with a Woman (Stue med en kvinde), estimée entre 600.000 et 800.000$ le 13 mai prochain, à l’occasion de la vente du soir Impressionist and Modern Art de Christie’s, à New York…

Le printemps se veut Impressioniste et Moderne !

Adjugé 40m$ ce 13 mai chez Christie’s lors des grandes ventes impressionnistes et modernes à New York, Arbres dans le jardin de l’asile de Vincent Van Gogh (1853-1890) prend la 10ème place au palmarès des plus beaux records de l’artiste aux enchères. Cette toile, issue de la collection privée de Samuel Irving Newhouse et achetée en 2004 à la galerie Gagosian est toujours restée en mains privées et n’a jamais été exposée si ce n’est lors d’une exposition de peintures privées tenue à Lausanne en 1964. Exclusif, ce petit format de 1889 qu’il réalise peu de temps après son admission à l’asile, a donc rapidemment dépassé son estimation basse s’élevant à 25m$. Période faste de l’artiste, puisqu’un an plus tard il peint le Portrait du Docteur Gachet adjugé à 82,5m$, record indétrônable de l’artiste depuis 1990 et détenu par Christie’s New York.

À cette belle acquisition viennent s’ajouter six pièces de 1er ordre toutes vendues à des prix musclés à huit chiffres, rapportant à elles seules 205,9 m$ soit plus de la moitié du total des ventes ! Parmi elles, Bouilloires aux fruits de Paul Cézanne (1839-1906) s’envole à 59,3m$, loin de son estimation basse de 40m$ malgré tout insuffisante pour battre son record de 60,5m$ en 1999 pour une nature morte chez Sotheby’s NY.

Ce volet des grandes ventes de printemps à New York démontre l’engouement toujours plus vif des collectionneurs pour les grand maîtres de la peinture Impressioniste et Moderne. Christie’s devant Sotheby’s montre encore une fois avec une longueur d’avance qui détient les plus beaux records.

Chères meules

Aussi haletant que le feuilleton de l’été ! Après l’annonce de la mise en vente des Meules de Claude Monet (1840-1926) chez Sotheby’s NY le 14 mai dernier, la question du record était dans toutes les têtes ! La dernière Meule vendue, de période, dimensions et compositions analogues est partie pour plus de 80 m$ chez Christie’s NY en novembre 2016. Le record absolu de Claude Monet date, lui, de la vente de la collection Rockfeller en mai 2018 chez Christie’s NY : Nymphéas en fleur y fut cédé à près de 85m$. Fin du suspens : en 8 minutes, six enchérisseurs se sont disputés le chef d’œuvre. Harry Dalmeny a finalement laissé tomber son marteau à 110,7 m$. Cela représente plus de 40 fois sa valeur précédente : déjà vendue en 1986 pour 2,53 m$, l’œuvre était la propriété des descendants de Bertha et Potter Palmer, de richissimes collectionneurs chicagoans qui avaient acquis ces Meules par l’intermédiaire de Paul Durand-Ruel en 1891.

Sotheby’s misait gros avec cette prestigieuse provenance dont l’estimation basse de 55 m$ avait fait couler beaucoup d’encre… Pour la première fois, un tableau impressionniste franchit ainsi le seuil symbolique des 100 m$. Meules fait aussi son entrée dans le Top 10 des œuvres d’art les plus chères. L’intérêt pour les Impressionnistes et les œuvres du XIXe siècle ne se dément pas, malgré l’attrait pour l’art contemporain et le renouvellement des générations d’enchérisseurs. Les collectionneurs asiatiques, qui en sont particulièrement avides, participent de la constance de cette section du marché.