En bref : Van Dyck, Bronzino et Goya

[10/02/2023]

Un Van Dyck payé 600$ et revendu pour 3m$

Une peinture de Anthonius VAN DYCK (1599-1641) redécouverte en 2002 dans un hangar agricole aux États-Unis, et authentifiée en 2019 par l’historienne de l’art américaine Susan Barnes, co-auteure du catalogue raisonné des peintures de Van Dyck, s’est vendue pour 3 millions de dollars le 26 janvier dernier chez Sotheby’s à New York. Avant qu’elle ne soit reconnue comme une œuvre originale du maître néerlandais, un certain Albert J. Roberts, collectionneur inspiré, avait acheté le tableau pour la modeste somme de 600 dollars.

L’œuvre avait tous les atouts pour atteindre son estimation haute de trois millions : une histoire tumultueuse mais une vraie provenance, un très bel état de conservation et un lien direct avec l’un des chefs-d’œuvre muséaux de Van Dyck. Probablement peinte entre 1615 et 1618, cette étude saisissante d’un homme âgé, A study for Saint Jerome, représente en effet une découverte majeure de la première période de Sir Anthony van Dyck, un artiste juste derrière Sir Peter Paul Rubens dans la hiérarchie des maîtres flamands du XVIIe siècle. Il s’agit de l’une des deux seules grandes études d’après modèles vivants connues dans l’œuvre de Van Dyck, celle-ci ayant été exécutée alors que le jeune artiste assistait Pierre Paul Rubens (1577-1640) dans son atelier anversois. L’œuvre a servi d’étude pour la peinture de Saint Jérôme (1618-1620) de Van Dyck conservée actuellement au Musée Boijmans van Beuningen à Rotterdam. Sotheby’s offrait, ce 26 janvier, une occasion rare d’obtenir une œuvre du maître, sachant qu’une dizaine de peintures sont proposées en salles de ventes dans les années fastes. Le record absolu pour l’une de ses œuvres aux enchères remonte à 2009 : il fut signé à 13,6m$ pour un autoportrait que Sotheby’s estimait au mieux autour des 5m$ (Self Portrait).

Anthony van Dyck : à gauche L’étude de Saint Jérôme vendue 3m$ chez Sotheby’s le 26 janvier 2023

à droit : St. Jérôme, huile sur toile de la collection du musée Boijmans à Rotterdam

 

Bronzino bat son record pour une attribution

Les récentes ventes d’Art ancien font notamment état du nouveau record personnel de Agnolo di C.Allori BRONZINO (1503-1572), pour un portrait d’homme qui pourrait être un autoportrait réalisé autour de 1527 : Portrait of a young man with a quill and a sheet of paper. En charge de la dispersion du chef-d’œuvre, Sotheby’s a annoncé la redécouverte de ce portrait captivant comme un ajout significatif au corpus de l’un des principaux artistes italiens de la Renaissance tardive : Agnolo di Cosimo, dit Bronzino. D’autant que l’œuvre se trouve dans un état remarquable et que l’histoire de sa provenance a été remontée jusqu’au 17e siècle. Par ailleurs, Bronzino est encore plus rare que Van Dyck, et il se passe parfois plusieurs années avant qu’une œuvre soit proposée aux enchères. Rareté extrême, provenance certifiée, qualité plastique et d’état, possibilité d’un portrait de l’artiste par lui-même : autant d’atouts pour que ce chef-d’oeuvre de l’art ancien double allègrement son estimation haute, pour porter le nouveau record personnel de Bronzino jusqu’à 10,6m$.

 

Nouveau record pour Goya de Lucientes

Deux portraits, celui de Doña María Vicenta Barruso Valdés et celui de sa mère, chacune assise sur une chaise, le regard tourné vers le spectateur, sont partis au prix de 16,4m$ le 25 janvier dernier chez Christie’s (Portrait of Doña María Vicenta Barruso Valdésand of her mother Doña Leonora Antonia Valdés de Barruso). Ces deux portraits par le plus grand artiste espagnol de la fin du 18e et du début du 19e siècles apparaissaient sur le marché pour la première fois depuis plus de soixante-dix ans. Rares – Francisco José DE GOYA Y LUCIENTES (1746-1828) n’a réalisé qu’une poignée de paire portraits et il s’agit de la seule paire connue représentant deux femmes -, datés de 1805, soit la meilleure période d’un artiste à l’apogée de sa carrière, les tableaux de Barruso marquent le début de ce qui peut être considéré comme une série de portraits clés, qui représentent tous des femmes bourgeoises dont on retrouve des exemples dans les grands musées : Jeune femme portant une mantille et une basquiña à la National Gallery of Art, Washington, Jeune femme à l’éventail au Musée du Louvre ou le Portrait de Señora Sabasa García à la National Gallery à Washington.

Cette occasion très rare d’acquisition permet à Goya de doubler le prix de son record, son dernier sommet ayant été établi il y a 30 ans un peu au-dessus des 7 millions de dollars pour une scène de tauromachie. L’artiste remporte aussi la deuxième meilleure adjudication des sessions dédiées aux Maîtres anciens à New York, après la vente d’un tableau sublime de Peter Paul RUBENS (1577-1640) cédé au seuil des 27 millions chez Sotheby’s.