En Bref ! Mary Cassatt – la collection Rockefeller – Folle semaine à Hong Kong

[30/03/2018]

Mary Cassatt, la féminité impressionniste

Elle est installée dans une loge au théâtre, étreint son enfant, ou cueille des fruits dans un jardin… La femme omniprésente occupe tout l’espace dans les toiles de Mary CASSATT (1844-1926). Dans le groupe fermé des impressionnistes, les peintres sont rarement des femmes et il n’y a qu’une seule Américaine. Élevée entre États-Unis et Europe, au gré des séjours de son père si prospère en affaires qu’il put prendre sa retraite à quarante ans, Mary Cassatt revient à Paris en 1865 fraîchement émoulue de l’Académie des beaux-arts de Philadelphie pour tenter de percer dans le milieu artistique. Sa Joueuse de mandoline tape dans l’œil du jury du Salon officiel dès 1868.

Intronisée par Edgar Degas, favorablement surpris par l’une de ses œuvres retenues au Salon cette année-là, l’Américaine rejoint les Impressionnistes fin 1877. Elle s’affranchit désormais des conventions pour peindre à sa manière, avec une touche libre, une simplification des formes, des couleurs vibrantes, parfois crues. Elle ne veut pas se laisser enfermer comme miniaturiste ou aquarelliste, des « travaux pour dames » qu’en cette époque misogyne on concède trop volontiers aux femmes. Elle n’entend pas non plus renier ses thèmes de prédilection : la dévotion maternelle et les petits rites féminins du quotidien comme Une mère et son enfant de la Galerie Bailly de Genève ou ces superbes Jeunes femmes cueillant des fruits du Carnegie Museum of Art à Pittsburgh.

L’Américaine réussit aussi l’exploit de se faire accepter par des collègues révolutionnaires, mais pas féministes… Présumés progressistes, les impressionnistes ne comptent guère de femmes dans leurs rangs. Mais celles-ci sont très visibles. Avec Berthe MORISOT, Mary Cassatt contribue grandement au rayonnement du mouvement. Elle se fait remarquer, lors de leur quatrième exposition en 1879, en dévoilant douze œuvres, dont certaines s’attirent quelque critique flatteuse. Lors de la sixième exposition, en 1881, Cassatt devient même la vedette de l’événement, avec La Tasse de Thé (prêt du MET de New-York). L’artiste sera de l’aventure impressionniste jusqu’à la dernière exposition en 1886, liant définitivement son nom au mouvement et à son succès futur.

Elle est aujourd’hui célébrée au musée Jacquemart-André accompagnée d’une cinquantaine de peintures, pastels, dessins et estampes. Jusqu’au 23 juillet 2018, les visiteurs parisiens pourront déambuler chronologiquement dans la vie de l’artiste au rythme de pièces rarement exposées ensemble.

A l’image de son parcours, le marché de Mary Cassatt se situe principalement aux États-Unis et en France. Après le record absolu obtenu en mai 2007 chez Christie’s New York pour Children playing with a Dog (6,2m$), le produit de ventes de l’artiste est en dent de scie. L’apparition sur le marché d’une pièce importante est un événement qui n’est confié qu’aux plus grandes maisons de vente : Sotheby’s et Christie’s se partagent les 30 derniers coups de marteau pour les plus hautes enchères de l’artiste, dont le plus récent remonte à mai 2017, avec près de 2,3 millions pour Girl in a Bonnet Tied with a Large Pink Bow, peint en 1909.

Les superlatifs de la collection Rockefeller

En mai prochain, New York sera en effervescence. L’illustre maison Christie’s va y organiser « la vente du siècle », dont les trésors sont tous issus de la collection privée de David et Peggy Rockefeller. Au total, 1 600 lots seront proposées à la vente dont les bénéfices sont estimés à plus de 600 millions de dollars. Christie’s se plaît à dire qu’il s’agit là d’une estimation basse. Les fonds récoltés iront à des organismes à but non lucratif à l’instar de l’université de Harvard, le parc régional du Maine ou le MoMA de New York. La maison de vente déroule le tapis rouge pour cette vente-star qui bénéficie d’une promotion digne des oscars, avec une tournée mondiale à Hong Kong, Londres, Los Angeles, avant d’être exposée au Rockefeller Center qui abrite Christie’s à New York. Il y aura cinq catalogues d’exposition, trois jours de ventes, deux ventes du soir et une vente en ligne. Dix œuvres de la collection, accompagnées d’experts, ont fait escale à Paris du 16 au 21 mars 2018.

David Rockefeller, décédé en 2017 à l’âge de 101 ans, et son épouse Peggy (1915-1996), ont collectionné tout au long de leur vie. Dernier des petits enfants du self-made man John D. Rockefeller, David Rockefeller a hérité des générations précédentes et rassemblé au gré de son parcours une collection de référence, à la fois impressionniste, moderne et classique.

Cette vente avait été décidée de longue date par le couple. Selon la jolie formule de David Rockefeller : « (…)Ces objets qui nous ont tant plu à Peggy et moi seront de nouveau accessibles, à la disposition d’autres gardiens qui, espérons-le, en tireront la même satisfaction et la même joie que nous ». Au programme de cette vente hors du commun : des œuvres phares de Claude MONET, Paul GAUGUIN, Georges Pierre SEURAT ou encore Edward HOPPER mais aussi de la porcelaine, de l’art asiatique ou encore de la céramique datant de la civilisation pré-colombienne, sans oublier d’innombrables bibelots, accessibles à des bourses plus modestes. L’une des pièces maîtresses est une toile de Pablo PICASSO de 1905, Fillette à la corbeille fleurie, emblématique de la période bleue, estimée 100 m$. D’abord acquise par Leo et Gertrude Stein et en excellent état de conservation, cette pièce muséale n’est pas apparue sur le marché depuis cinquante ans. A Paris, étaient également exposées chez Christie’s des toiles de Georges Seurat (“La Rade de Grandcamp” – 1885, estimée 20 à 30 m$), Édouard Manet (“Lilas et rose” – 1882, 7 à 10 m$), ou Eugène Delacroix (“Tigre jouant avec une tortue” – 1862, 5 à 7 m$).

Avec quelque 600 m$ d’estimation, la collection des Rockefeller pourrait battre le record mondial établi à Paris en 2009 par la vente des chefs-d’œuvre réunis par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé qui avait totalisé 484 m$. Ceci est également à mettre en regard de la vente pour 450 m$ d’un seul chef d’œuvre, le Salvator Mundi de Léonard de Vinci, toujours chez Christie’s New York en novembre 2017…

Folle semaine à Hong Kong

C’est la période est la plus active de l’année à Hong Kong. Les collectionneurs asiatiques, qu’ils soient taïwanais, singapouriens ou indonésiens, mais aussi de grands collectionneurs occidentaux, sont attendus en nombre pour la sixième édition de la foire Art Basel Hong Kong. Près de 250 galeries, parmi les plus prestigieuses au monde, se retrouvent au sein du Convention and Exhibition Centre, pour une ouverture au public entre le 29 et le 31 mars.

Les sociétés de ventes aux enchères entendent bien profiter de l’affluence de ces collectionneurs, d’autant que quelques pas seulement séparent la foire des salles de ventes, elles-aussi abritées dans le Convention and Exhibition Centre.

Pour capter l’attention des collectionneurs asiatiques, Sotheby’s organise une exposition à la manière d’une grande galerie privée. Tout est à vendre dans l’exposition Panorama: Une nouvelle perspective (du 29 mars au 3 avril), en direct, sans passer par le jeu des enchères. L’exposition avance de solides arguments, promettant une sélection des artistes les plus originaux et les plus influents des 19ème et 20ème siècles et plus de 40 œuvres d’art moderne et contemporain d’une valeur de 200 millions de dollars. Le spectacle met à l’affiche quatre œuvres de Pablo PICASSO, une de Salvador DALI, deux de Marc CHAGALL, autant de de Joan MIRO, trois de Pierre BONNARD, mais aussi Mark ROTHKO et Willem DE KOONING, Alexander CALDER et Gerhard RICHTER. Des œuvres exceptionnelles et soigneusement sélectionnées pour répondre aux attentes de collectionneurs asiatiques fortunées, très en demande des meilleures signatures de l’art occidental. Quatre œuvres importantes de Picasso font également partie de cette exposition-vente : une Nature morte à la Guitare, un Homme à la pipe, une Femme à la robe verte et un Enfant jouant, Claude, des œuvres couvrant 40 années de création et d’une provenance impeccable, en direct de la petite fille de l’artiste, Marina Picasso.

A cela, Sotheby’s ajoute pas moins de 19 ventes aux enchères, organisées elles-aussi au Convention and Exhibition Centre de Hong Kong, entre le 30 mars et le 3 avril. Un marathon intense au cours duquel se vendront articles de luxe, vins « rares », « magnifiques » bijoux, montres « importantes », mais aussi des œuvres d’art moderne, contemporain (le 31 mars et le 1er avril) et asiatique. Ici encore, là sélection des œuvres est un travail de haute-couture visant à combler les attentes des grands collectionneurs venus de toute l’Asie. Sotheby’s mise sur les artistes les plus demandés et les plus cotés : Zao Wou-Ki, Chu Teh-Chun, Foujita, font partie du cortège et pas moins de sept œuvres de Sanyu sont présentées, dont deux sont attendues à plus de trois millions de dollars chacune (Nu Endormi et Léopard rose, lors de la Modern Art Evening Sale du 31 mars). S’en suit la vacation contemporaine, incluant les pionniers du groupe Gutai, des artistes chinois, japonais et coréens de premier plan, ainsi que de précieuses signatures occidentales telles que Lucio Fontana, Jean Dubuffet, Roy Lichtenstein, Gerhard Richter, dans une gamme de prix allant de 100 000 à 4m$.

Le calendrier hongkongais de Christie’s se retrouve bien moins chargé sur cette période. La société consacre une seule vacation de 101 lots intitulée First Open (le 29 mars). Plutôt que de tenter de rivaliser avec la densité du calendrier de Sotheby’s, Christie’s adopte une stratégie bien distincte de sa concurrente, en ne proposant qu’un seule vacation et seulement une poignée d’oeuvres attendues à plus de 100 000 $. La société introduit sa vente en annonçant des œuvres « à partir de 3 000 $ », plutôt que d’axer sa communication sur des œuvres chères et très prestigieuses comme à l’accoutumé. Des estampes abordables à moins de 5 000 $ (de Warhol ou Foujita), de superbes dessins à moins de 10 000$ (de Foujita, Walasse Ting ou Key Hiraga), des œuvres plus imposantes annoncées entre 20 000 et 50 000 $ (Lee Ufan, CHU TEH-CHUN, YUN HYONG-KEUN) jusqu’à une abstraction bleue tardive (2006) de ZAO Wou-Ki attendue à plus de 500 000$ composent cette vente, elle-aussi calibrée pour séduire les collectionneurs asiatiques.