En Bref ! Lumière sur László Moholy-Nagy… et Formes de la lumière à la Tate

[15/06/2018]

Lumière sur László Moholy-Nagy…

Près de 570 000 $ payés pour un photogramme de 12,5 cm x 17,6 cm. Le coup de marteau tombé le 30 mai dernier, à la villa Grisebach à Berlin, constitue un record pour une photographie vendue en Allemagne. Daté du début des année 1920′, le cliché est signé László MOHOLY-NAGY (1895-1946), designeur, penseur, immense avant-gardiste, grand pédagogue pendant 15 ans à l’école du Bauhaus, dont le slogan « art et technique, nouvelle unité » lui convenait parfaitement. Le rôle de Moholy-Nagy au sein de l’école fut déterminant, notamment pour le développement de la pratique photographique. Dans une exposition récente du Centre Pompidou consacrée au Bauhaus, Louise Curtis rappelait combien, au Bauhaus, la photographie « devient progressivement l’objet de nouvelles préoccupations, avec notamment l’arrivée de László Moholy-Nagy en 1923. Sa réflexion théorique et son activité artistique marquent un tournant important dans l’enseignement au Bauhaus.» Le principe du photogramme développé par l’artiste est de réaliser des photographies sans appareil. Il est surtout une nouvelle forme d’écriture : un dessin lumineux condensant l’essence même de la photographie (photos : lumière et grapho : écrire), théorisé autant qu’expérimenté pendant de nombreuses années par l’artiste.

Les sujets de ses photogrammes relèvent par ailleurs d’autres préoccupations, à savoir son intérêt pour les nouveaux matériaux industriels de l’époque, tels le plastique ou le celluloïd, dont un retrouve le spectre lumineux sur bon nombre de ses travaux. Le photogramme vendu par la société Grisebach condense ces recherches et marque un jalon dans les débuts de la la photographie abstraite, d’où son prix de 570 000 $, qui n’est pas pour autant le record absolu de l’artiste (Untitled). Le sommet pour l’un de ses photogrammes s’élève à 1,48m$, pour un jeu de mains et de lumière, vendu par Sotheby’s à New York en décembre 2012 (Fotogramm). Un résultat exceptionnel, plus élevé encore que le record de MAN RAY en matière, dont le « rayogramme » le plus cher culmine à 1,2 m$ (Untitled Rayograph, Christie’s, avril 2013).

…formes de la lumière à la Tate

L’exposition en cours à la Tate Modern de Londres – Shape of Light, jusqu’au 14 octobre 2018 – appuie encore l’intérêt croissant pour la photographie abstraite. En temps que pionnier, Moholy-Nagy fait bien évidemment partie de la sélection, mais cette ambitieuse exposition va bien au-delà de l’exploration historique. Elle se veut une expérience sensorielle au-delà du champ photographique. Pour cela, elle met en résonance 300 œuvres dont des peintures et des sculptures abstraites. Par un jeu de rebond constant, l’exposition explore les petites révolutions et les interconnexions des différentes formes de l’abstraction. Ne soyez pas étonné d’y retrouver des œuvres de Constantin Brancusi, de Georges Braque, Piet Mondrian, Jackson Pollock où de Carl Andre. Elles font intelligemment écho aux 130 photographes de l’exposition, parmi lesquels Man Ray, Alfred STIEGLITZ, Thomas RUFF, Antony Cairns ou Maya Rochat.

Shape of light est surtout une promenade à travers les jeux de lumières, de formes et de textures de l’histoire de la photographie, à travers les innovations successives de ce médium depuis les premières expérimentations du début du XXème siècle jusqu’au récents déploiements des technologies digitales. Au fil du temps, les outils ont changé mais le goût pour l’expérimentation ne s’est jamais tari. Au contraire, il s’est déployé à travers le monde. En témoignent, parmi les œuvres les plus récentes de l’exposition, les épreuves saturées de couleurs du jeune photographe japonais Daisuke YOKOTA (né en 1983). Cette « rock-star » de la photographie est considérée par certains comme l’un des plus innovateurs du monde. Dans l’exposition qui lui a été consacrée l’an dernier à Amsterdam, était notamment installée une photocopieuse débitant des images que le visiteur pouvait emporter avec lui. Le jeune artiste énonçait là une certaine vision du marché en interrogeant ce qui détermine la valeur d’une photographie. Pendant ce temps, à Londres, Phillips vendait l’une de ses grandes photographies colorées pour près de 18 000$ (Untitled from Color Photographs, le 18 mai 2017)… un début prometteur.