En Bref ! Lee Ufan à Metz – Disparition de Nobuo Sekine – L’art aborigène aux US

[07/06/2019]

Lee Ufan habite le temps au Centre Pompidou-Metz

Jusqu’au 30 septembre 2019

Peintre, sculpteur, créateur d’installations, poète et philosophe, Ufan LEE nous invite à voir ce qu’on ne voit pas, dans un travail en rupture avec la figuration au profit de rencontres entre signes sensibles, matériaux et environnements. Sa démarche artistique est une façon de rentrer en résistance face à un monde saturé d’images et d’objets « pour aller vers une expérience beaucoup plus immatérielle, beaucoup plus sensible » explique Jean-Marie Gallais, commissaire de l’exposition Lee Ufan au Centre Pompidou-Metz, en cours jusqu’au 30 septembre 2019.

« Habiter le temps » – titre choisi pour cette importante rétrospective – sonde les réflexions menées par cet artiste à la croisée des cultures (né coréen, devenu artiste au Japon, confirmé en Occident depuis une première exposition parisienne en 1971), qui s’est dépouillé de l’ego pour une création aux visées universelles proposant un autre rapport au monde. Cette création du non-agir, du non-peint et du non-sculpté, atteint son point culminant dans une chambre de méditation venue clore le parcours, un prolongement mental de l’expérience de l’exposition qui fait écho à sa cellule de méditation au musée de Naoshima au Japon.

Ascétique, le vocabulaire plastique de Lee Ufan se compose de traces et de lignes lorsqu’il s’exprime sur toiles. Dans les installations, il incite à méditer les rapports entre nature, culture et immatérialité. Ses œuvres parmi les plus emblématiques sont réalisées avec des pierres prélevées dans la montagne pour être exposées sur une plaque de verre ou de métal, deux matériaux issus de la silice, donc du monde naturel, puis transformés par l’homme. Ces oeuvres rares sont convoitées entre 250 000 et 350 000 $ sur le marché des enchères, tant en Asie qu’aux Etats-Unis. A la croisée des cultures coréennes-japonaises et occidentales, Lee Ufan est un artiste universellement recherché dont les meilleures toiles s’échangent entre 1 et 2 millions de dollars. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions au sein d’institutions comme le Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, le Guggenheim Museum de New York, le Jeu de Paume à Paris et le Château de Versailles ; ainsi que de manifestations artistiques telles que les Biennales de de Shanghai (2000), de Gwangju en Corée du Sud (2000, 2006) ou de Venise (2007, 2011).

C’est à partir de sa première présentation à Venise que la cote de ses œuvres prenait un nouvel élan. Depuis cette date, l’indice de ses prix affiche une progression flamboyante : + 491 %.

 

Disparition de l’artiste Nobuo Sekine

L’artiste conceptuel japonais, figure emblématique du mouvement Mono-Ha, s’est éteint à Los Angeles à l’âge de 76 ans.

Né le 19 septembre 1942 à Saitama, au Japon, il étudie la peinture à l’huile à la Tama Art University à Tokyo puis s’intéresse rapidement à l’abstraction et rejoint le groupe Mono-Ha aux côtés notamment de Lee Ufan (1936). Ce courant, considéré comme l’un des mouvements les plus emblématiques du Japon d’après-guerre, explore les caractéristiques des matériaux organiques et industriels dans leurs relations à l’espace. Ses membres ont pour volonté commune de créer des œuvres d’art à partir de l’état naturel des choses. En 1968, Nobuo SEKINE en signe l’œuvre manifeste avec Phase Mother Earth, sculpture composée d’un trou de six mètres de diamètre dont le cylindre de terre excavé et compacté correspondant est déposé à quelques mètres. Il s’agit moins d’aménager le paysage, ou d’en saisir l’esthétique brute, que de mettre en évidence les relations entre les choses. Phase of Nothingness, qu’il réalise en 1970 pour la biennale de Venise et aujourd’hui exposée de manière pérenne au Louisiana Museum Art de Humlebaek au Danemark, lui a valu une reconnaissance internationale. Cette énorme pierre soutenue par une colonne d’acier reflétant l’environnement illustre parfaitement les idées fondamentales véhiculées par le mouvement.

Son vif intérêt pour l’art et l’architecture le conduit à fonder Environnemental Art Studios, une agence d’art publique. De nombreuses commandes s’ensuivent dans l’espace public à travers tout le Japon. Aujourd’hui collectionné dans le monde entier, ses œuvres figurent notamment dans les collections du Musée d’art moderne de la Louisiane au Danemark, du Musée national de l’art à Osaka et du Musée d’art contemporain de Hara à Tokyo.

Les sculptures parfois monumentales qui l’ont rendu célèbre sont rares sur le marché, à la différence de ses œuvres graphiques. Le record de l’artiste aux enchères culmine à 106 000 $, contre une estimation basse de 19 000 $, pour une œuvre vendue à Cologne en 2015 (phases of nothingness No 8-9 chez Van ham Kunstauktionen).

Deux dessins rehaussés à la feuille d’or sont proposés à la vente le 9 juin prochain à Taiwan (chez Zhong Cheng Auctions ) pour cet artiste plus fréquemment proposé au Japon, où se joue 88% des transactions.

 

Le succès américain de l’art aborigène

Séries de feuilles, cercles concentriques et lignes de points serrés : l’esthétique aborigène qui puise son inspiration dans le territoire des rêves a le vent en poupe. Signe des temps, Sotheby’s délocalise sa vente d’art aborigène de Londres à New York en novembre prochain, devenant la première maison de ventes internationale à proposer de l’art aborigène ailleurs qu’en Australie ou en Europe.

Tim Klingender, expert en art aborigène et Senior Consultant Australian Art chez Sotheby’s a analysé que le plus gros pourcentage d’acheteurs d’art aborigène était américain. L’intérêt pour cette forme d’art est évident depuis quelques temps aux États-Unis : citons à ce titre l’exposition Desert painters of Australia à la Galerie Gagosian de New York, et celle du collectif aborigène Karrabing au MoMa PS1

Depuis le début des années 1990, l’art aborigène a attiré l’attention des collectionneurs, conduisant Sotheby’s à ouvrir un département spécialisé dès 1997. Les artistes sont alors peu nombreux, peu organisés et la demande est forte.

Parmi quelques 5 600 artistes aborigènes, 17 se partagent, entre 1997 et 2008, 66% du produit des ventes aux enchères. Certaines pièces ne tardent pas à passer le million de dollars.

Après un pic en 2007, ce marché traverse une mauvaise passe jusqu’en 2015 : la crise financière, les soupçons de faux d’un marché jugé trop peu encadré, les législations fédérales et les taux de change défavorables entraînent la fermeture de nombreuses galeries respectées et du bureau de Sotheby’s à Melbourne. Depuis, la machine est nettement relancée : le produit des ventes spécialisées, qui ne passait pas les 18 m$ en 1989, est passé à 200 m$ en 2002, puis 300 m$ en 2011.

Sotheby’s, devenue entre-temps l’interlocuteur privilégié pour les ventes de grandes collections d’art aborigène, détient le record pour un artiste aborigène vivant avec Five Stories (1984) de Michael Nelson TJAKAMARRA (1949) vendue plus de 500 000$ en 2016 chez Sotheby’s Londres. Le catalogue de la vente inaugurale de l’automne prochain à New York inclura notamment deux grands formats d’Emily Kame KNGWARREYE (1910-1996), l’une des artistes les plus performantes de ce marché, qui a représenté l’Australie à la Biennale de Venise en 1997.

Sotheby’s a judicieusement intégré cette vente à un cycle d’art contemporain : longtemps catégorisées comme « art premier », tribal ou ethnographique, les œuvres aborigènes étaient ainsi écartées des grands records. Il y a aujourd’hui un renouveau de la peinture aborigène avec des artistes plus jeunes comme Abie LOY KEMARRE (1972) ou Daniel WALBIDI (1983) dont les œuvres se négocient entre 3 500 et 15 000 $ pour la première et entre 4 500 et plus de 30 000 $ pour le second. Le secteur est donc en pleine expansion, et la prochaine vente spécialisée de Sotheby’s sur le sol américain devrait marquer un tournant pour ce marché.